Polyarthrite rhumatoïde : l’accompagnement au comptoir

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Polyarthrite rhumatoïde : l’accompagnement au comptoir

Publié le 17 août 2025
Par Nathalie Belin et Anne-Gaëlle Harlaut
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Maladie auto-immune inflammatoire et évolutive, la polyarthrite rhumatoïde peut être prise en charge sous conditions par un traitement de fond dont l'observance est primordiale pour limiter les atteintes articulaires. Information, prévention des risques infectieux, conseils pratiques sur les biothérapies et soutien au quotidien, au comptoir le pharmacien joue un rôle clé dans l'accompagnement des patients. 

Rhumatisme inflammatoire chronique parmi les plus fréquents, la polyarthrite rhumatoïde est 2 à 3 fois plus répandue chez les femmes que chez les hommes. Maladie auto-immune, elle se manifeste par la survenue de poussées inflammatoires atteignant initialement la membrane synoviale de certaines articulations : on parle de synovite.

Poignets, mains, doigts, avant-pieds sont les articulations le plus souvent atteintes : typiquement, les douleurs sont à l’origine de réveils nocturnes et d’un enraidissement matinal d’au moins 30 minutes.

La polyarthrite rhumatoïde est considérée comme une urgence diagnostique car le bénéfice d’une prise en charge précoce et adaptée, destinée à stopper ou ralentir l’atteinte articulaire, est démontré.

L’accompagnement des traitements

Comprendre

Les objectifs. Instaurés précocement, les traitements de fond actuels permettent le plus souvent d’obtenir une rémission clinique rapide ou une faible activité de la maladie afin d’empêcher la destruction articulaire. En effet, en l’absence de prise en charge adaptée, la maladie peut s’étendre à d’autres articulations, induire des déformations ostéoarticulaires invalidantes, voire entrainer des manifestations extra-articulaires (nodules rhumatoïdes, complications pulmonaires…), reflet de son caractère systémique.

La stratégie de prise en charge. AINS, autres antalgiques de palier 1 voire de palier 2 ou corticothérapie permettent de soulager la douleur en attendant l’action du traitement de fond qui peut ne se manifester qu’après plusieurs semaines. Ce dernier repose sur le méthotrexate (ou le léflunomide généralement en cas de contre-indication). Chez les patients intolérants au méthotrexate ou insuffisamment répondeurs, il peut être proposé une biothérapie, le plus souvent un anti-TNFα (voir encadré), ou, en dernière intention du fait de leurs effets indésirables (cardiovasculaires et thromboemboliques notamment), un inhibiteur de janus kinases (baricitinib, filgotinib…).

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Vérifier

La prescription des traitements de fond nécessite d’avoir écarté toute infection aiguë ou chronique sévère ou non contrôlée. La mise à jour des vaccinations recommandées en population générale est essentielle – et du ressort du pharmacien – tout comme certaines vaccinations spécifiquement recommandées aux patients sous traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs : grippe et Covid-19 annuellement, pneumocoque et zona. Les vaccins vivants sont formellement contre-indiqués sous traitement de fond et corticothérapie (à dose > 10 mg/jour durant plus de 2 semaines).

S’assurer que la conduite à tenir devant des signes infectieux est connue : fièvre, toux, maux de gorge, brûlures mictionnelles… Ils nécessitent de consulter rapidement le prescripteur qui suspendra le traitement de fond en cas d’infection bactérienne notamment.

Insister, le cas échéant, sur le suivi et la bonne prise en charge d’un surpoids ou d’une obésité, d’un diabète, d’une dyslipidémie ou d’une hypertension artérielle car la polyarthrite rhumatoïde est associée à un plus grand risque de comorbidités cardiovasculaires.

Expliquer

Le bon usage des traitements. L’observance des traitements de fond est essentielle à leur efficacité : les rythmes d’administration, notamment hebdomadaires, bimensuels ou mensuels peuvent favoriser les oublis. Recommander des alarmes de rappels sur les téléphones, des post-it ou des applications mobiles dédiées (Dossier Pharma, Médico…).

Insister dans tous les cas sur l’administration hebdomadaire du méthotrexate et la prise d’acide folique (qui lui est généralement associé pour atténuer certains effets indésirables) à 24-48 heures de distance.

Les injections sous-cutanées des biothérapies peuvent se faire par le patient lui-même au niveau de la cuisse ou de l’abdomen : rappeler de sortir le médicament du réfrigérateur 15 à 30 minutes avant pour atténuer la douleur à l’injection, de se laver les mains et de désinfecter la zone cutanée choisie avec le tampon d’alcool, généralement fourni. Injecter avec un angle de 45 ° pour les seringues, 90 ° pour les stylos ou pour Enbrel Smartclic. Ce dernier est un dispositif connecté qui permet de choisir la vitesse d’injection, propose des alarmes de rappel pour éviter les oublis et conserve l’historique des doses administrées.

Les effets indésirables. Outre la prévention du risque infectieux (éviter le contact avec des personnes malades, avoir une bonne hygiène générale, notamment le lavage fréquent des mains…), vérifier la mise en place d’une contraception efficace, en particulier sous méthotrexate et léflunomide. S’enquérir régulièrement du suivi biologique sous méthotrexate (NFS, bilan hépatique et rénal recommandés de façon régulière a minima tous les 3 mois). Recommander un suivi annuel dermatologique et gynécologique pour les femmes, afin de surveiller un potentiel risque cancéreux.

Une alimentation saine et équilibrée

La réduction d’un excès de poids permet un meilleur contrôle de l’inflammation chronique. Certaines études montrent en particulier des effets bénéfiques d’une alimentation méditerranéenne, notamment riche en acides gras essentiels polyinsaturés : poissons, huile d’olive, huile de noix…. Les bénéfices portent sur le plan cardiovasculaire mais aussi sur les symptômes articulaires*. La réduction des aliments ultra-transformés est d’une manière générale recommandée.

Sauf pathologie le justifiant (maladie cœliaque…), les régimes restrictifs (sans gluten, sans produits laitiers…) ne sont pas recommandés. En particulier, l’éviction des produits laitiers est à proscrire car la maladie est associée à un plus grand risque d’ostéoporose, indépendamment du recours à la corticothérapie. La consommation de 2 produits laitiers par jour, comme dans la population générale, est recommandée.

* Recommandations de la Société française de rhumatologie sur l’alimentation des patients ayant un rhumatisme inflammatoire chronique. Revue du Rhumatisme, mars 2022.

L’hygiène de vie

Alimentation et tabac

L’arrêt du tabac, à la fois facteur de risque et facteur aggravant de la maladie, est très fortement recommandé dès le diagnostic posé. Il majore de plus le risque cardiovasculaire.

La correction d’un surpoids ou d’une obésité pourrait aider à contrôler la maladie (voir encadré).

Activité physique

Adaptée aux capacités du patient, c’est-à-dire sans provoquer ou aggraver les douleurs, la pratique d’une activité physique régulière tient une place importante avec un bénéfice rapporté sur l’activité inflammatoire, la fatigue, le risque cardiovasculaire et osseux. Selon l’évolution de la maladie ou l’intensité des douleurs, des activités « préservant » les articulations sont recommandés : marche, natation ou activités aquatiques, vélo, exercices de stretchings ou étirements doux, yoga, prescription de kinésithérapie…

Les activités de la vie quotidienne (ménage, jardinage, marche quotidienne…) contribuent aussi à la mobilité.

Autres

Une bonne hygiène buccodentaire est recommandée car la polyarthrite est associée à un plus grand risque de parodontites : a minima brossage doux 2 fois par jour et visite annuelle chez le dentiste.

Chaud et froid. Bien que d’action modeste, l’application de froid ou de chaud peut contribuer à soulager certaines douleurs : le froid soulage les articulations douloureuses en poussée inflammatoire, le chaud facilite le dérouillage matinal.

Des techniques psychocorporelles (hypnose, méditation, sophrologie…) peuvent également aider à mieux vivre avec la maladie et les douleurs chroniques. Les associations de patients peuvent également apporter un soutien important dans ce cadre (AFPric, Andar…). 

Zoom sur les anti-TNFα indiqués dans la polyarthrite rhumatoïde

Cinq anti-TNFα ont une indication dans la polyarthrite rhumatoïde : l’adalimumab (Humira et les biosimilaires Amgevita, Amsparity, Hukyndra, Hulio, Hydrimoz, Idacio, Imraldi, Libmyris, Yuflyma), l’étanercept (Enbrel et les biosimilaires Benepali, Erelzi, Nepexto), le certolizumab pegol (Cimzia), le golimumab (Simponi) et l’infliximab (biosimilaire Remsima).

  • Législation. Ce sont des médicaments d’exception dont la prescription est réservée à certains spécialistes. Depuis avril 2024, elle n’est plus réservée aux spécialistes hospitaliers.
  • Substitution. L’adalimumab et l’étanercept peuvent désormais faire l’objet d’une substitution si le prescripteur ne s’y est pas opposé.
  • Particularités ? Le prescripteur peut indiquer le type de dispositif d’administration souhaité sur l’ordonnance et des dispositifs d’administration factice mis à disposition par les laboratoires permettent de guider l’apprentissage du biosimilaire. Concernant l’adalimumab, le biosimilaire ne peut avoir un volume d’injection supérieur au médicament prescrit.
  • Conservation. Comme de nombreuses biothérapies, les anti TNFα se conservent au réfrigérateur ou quelques jours à quelques semaines (selon les références) à température ambiante.