Reprise d’une officine : aborder les modalités entre associés

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Reprise d’une officine : aborder les modalités entre associés

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Publié le 15 juin 2025
Par Guy Tamboise
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Avant même la reprise d’une officine en association, il est essentiel d’aborder les modalités financières encadrant la sortie éventuelle d’un associé. Cette précaution de bon sens vise à prévenir les conflits futurs, à condition toutefois que la méthode de valorisation de l’entreprise soit à la fois pertinente, équitable et durable.

Une société de pharmacie accueille souvent plusieurs associés pharmaciens exploitants et/ou investisseurs. S’associer en société d’exercice libéral (SEL), c’est d’abord s’engager dans un projet entrepreneurial commun, une aventure humaine faite de réussites partagées mais aussi, parfois, de divergences. La question de la séparation future n’est donc pas au cœur du sujet mais, comme pour un couple, elle doit être évoquée. « Le cadre juridique de cette collaboration est défini par le droit des sociétés, complété par des dispositions spécifiques précisées dans les statuts, dans le pacte d’associés ou encore dans le règlement intérieur, à condition que ceux-ci respectent la loi », précise Laurent Courtin, avocat associé du cabinet LFA.

Deux sujets financiers méritent une attention particulière

Le premier concerne la rémunération du travail des associés exploitants. Le deuxième, les conditions financières de sortie, et surtout la valeur des titres, dans l’hypothèse d’une transaction entre associés. Il est essentiel d’anticiper ces points dès le début, car toute association est appelée, tôt ou tard, à se dénouer, pour différentes raisons : évolution des parcours de vie, départ en retraite d’un associé, changement de vision ou mésentente…

Les méthodes de valorisation adoptées entre associés s’inspirent souvent des indicateurs fournis par les statistiques Interfimo. Selon Olivier Delétoille, expert-comptable associé du cabinet AdéquA, « bien que ces références soient intéressantes pour analyser le marché passé, elles s’avèrent inopérantes dès lors qu’il s’agit d’estimer précisément la valeur actuelle d’une officine en particulier et, surtout, d’en déterminer le prix de marché réel. Les formules fondées sur un pourcentage de chiffre d’affaires, un coefficient de marge ou un multiple de l’excédent brut d’exploitation (EBE), même habilement combinées, se révèlent inadaptées car trop générales face à l’évolution du marché, aux spécificités locales (prescripteurs, concurrence, ressources humaines, réorientation stratégique, etc.) ou même aux dispositions fiscales ».

L’aide d’un expert

L’application rigide de ces formules peut conduire à des valorisations déconnectées de la réalité, sources de tensions et de litiges. « Certains associés se retrancheront derrière la formule signée au départ, tandis que d’autres en contesteront la pertinence face aux évolutions de l’environnement », ajoute l’expert-comptable. « Pour limiter ces risques de divergence, une solution éprouvée consiste à prévoir un mécanisme d’expertise », propose Laurent Courtin. La valorisation des titres est alors déterminée à la date de la transaction sur la base de l’actif net*, sans appliquer systématiquement de décote liée à la position éventuellement minoritaire du cédant. L’évaluation du fonds, détenu par la SEL, peut naturellement être confiée à l’expert-comptable ou à un tiers indépendant. Lorsque les estimations des parties sont proches de la valeur proposée par ce dernier, un accord est généralement trouvé à l’amiable.

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En cas de désaccord persistant, un collège d’experts est sollicité. Il est composé de trois membres : l’un désigné par l’associé souhaitant céder ses parts, un autre par l’acheteur, et le troisième choisi conjointement par les deux premiers. Cela peut paraître une procédure un peu lourde, mais elle remplace efficacement une désignation d’expert par le tribunal. En revanche, il est impératif que les règles de procédure (nomination et étude), la méthode, les critères d’évaluation ainsi que la nature de la décision rendue par l’expert (indicative ou s’imposant aux parties) soient précisément et juridiquement déterminées pour éviter d’ajouter du contentieux à la discorde !

En pratique le recours au collège d’arbitres, s’il est prévu dès le départ, est rarissime car les parties arriveront souvent à s’accorder.

* Actif net = valeur du fonds de commerce + immobilisations financières + stocks + créances d’exploitation + trésorerie - emprunts - autres dettes.