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Prendre à cœur se s patients
Depuis février, dans son officine lyonnaise, Didier Chedorge et son équipe pratiquent le dépistage axé sur le risque cardiovasculaire. Tension artérielle, cholestérolémie et habitudes alimentaires sont passées en revue au cours de ce rendez-vous avec les patients. Grande nouveauté : ce suivi est rémunéré.
C’est le premier acte de dépistage rémunéré en pharmacie, portant sur le risque cardiovasculaire. Concocté avec l’assureur Allianz, il est lancé en janvier dernier par le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). Pour prendre racine au cœur des pharmacies, la démarche de prévention doit trouver terreau favorable. Elle est déjà bien ancrée dans l’exercice de Didier Chedorge. Depuis qu’il a repris cette officine du centre-ville de Lyon, en 2006, le titulaire a placé la prévention parmi ses priorités. « Tous les jours, des personnes se présentent avec des problématiques non identifiées. C’est à nous de faire en sorte qu’elles le deviennent », estime-t-il. Première initiative concluante, qui sera un déclic : la campagne de dépistage de l’ostéoporose initiée en 2008 avec l’appui de son enseigne, Alphega. « Il s’agissait de détecter un signe évocateur de cette pathologie à travers les discussions au comptoir. Et aussi de proposer un suivi sur plusieurs mois en lien avec le médecin », poursuit le titulaire. Son officine fait alors l’objet d’une mise en scène évoquant cette thématique de prévention. En parallèle, l’équipe reçoit une formation spécifique. L’implication de ses collaborateurs est un point crucial pour le titulaire. Dès l’entretien d’embauche, il s’assure de l’intérêt réel du candidat pour la démarche de prévention. « Elle fait partie intégrante de notre projet d’entreprise », affirme Didier Chedorge. Car il n’est pas seulement question de bénéfice pour la santé publique. La zone de chalandise de la pharmacie Chedorge comprend une importante implantation d’officines. La politique de prévention est une stratégie parmi les plus nobles pour se différencier et fidéliser sa clientèle.
Pour mettre en œuvre le dépistage du risque cardiovasculaire, dans le cadre du contrat CNGPO-Allianz, il faut d’abord se munir du matériel adéquat. La pharmacie Chedorge le reçoit dès le mois de février. Elle consacre son meuble de communication sur la prévention, déjà employé pour les précédentes campagnes, à cette nouvelle initiative. Un grand totem y est dressé. Côté matériel, l’officine détient déjà des lecteurs de glycémie. Il faut donc se procurer un appareil de mesure de la cholestérolémie (au prix de 220 euros).
Trouver le bon moment et capter l’intérêt
Pour être opérationnels, les officinaux suivent une formation assurée par un cardiologue, puis validée en ligne. « Ce sont les pharmaciens qui réalisent l’acte de dépistage », explique Didier Chedorge. Mais toute l’équipe entreprend au comptoir une action de sensibilisation des sujets à risque. « Tout est affaire de communication. Le meuble en lui-même suscite quelques questions. Mais les clients ne se sentent concernés que si on leur en parle », rapporte le titulaire. Cœur de cible, le quadragénaire masculin, pressé et stressé, qui ne consulte jamais de médecin. Pour capter son intérêt, mieux vaut d’abord rester dans les généralités : « Comment vous sentez-vous en ce moment ? » Souvent, l’accueil est favorable. « C’est à nous de trouver le bon moment. La personne perçoit très vite qu’elle est au centre de notre démarche », souligne le titulaire lyonnais. Mais ce type d’action paraît encore inhabituel en officine. Les clients s’attendent plutôt à se le voir proposer dans un cabinet médical. « Attention, on ne fait pas de diagnostic, mais du dépistage. C’est différent et c’est complémentaire », insiste Didier Chedorge.
Ce sont surtout les habitués de la pharmacie qui se montrent intéressés. « Un rendez-vous est fixé, en fonction de leurs disponibilités et des nôtres, de préférence lorsque l’équipe est au complet », précise le pharmacien. Le client est informé au préalable du déroulement de la séance, de sa durée (de 15 à 20 minutes), de son coût (18 euros) et de ses objectifs. Il faut recueillir son consentement et préciser ce que deviennent les données collectées. Elles seront transmises sous anonymat à Alphega et Allianz, pour alimenter des études statistiques. « Nous en gardons la trace dans un classeur », indique Didier Chedorge. Le carnet qui sera remis au client à l’issue de la séance contient toutes les données recueillies. Un bilan est également adressé par courrier au médecin. Le client peut aussi le transmettre lui-même. « On insiste sur le fait que c’est au médecin d’en tirer les conclusions », assure le titulaire.
En cette fin de matinée, c’est son adjointe, Sophie Debaisieux, qui reçoit Alain, un client de 48 ans soumis à un rythme de vie soutenu. Première étape du checking, l’évaluation des facteurs de risque : âge, antécédents familiaux et aussi tabagisme, déséquilibre alimentaire, manque d’activité sportive. L’indice de masse corporelle (IMC) est calculé avec le poids et le tour de taille. « 25, ce n’est pas alarmant ! », estime l’adjointe.
La rémunération est bien acceptée
Une seule prise de tension artérielle n’ayant aucun intérêt, la mesure sera renouvelée à deux reprises au cours de la séance, à plus de 5 minutes d’intervalle. « C’est mieux de le faire avant le prélèvement sanguin, qui peut générer un peu de stress », souligne Sophie. Alain cale son bras. « Respirez calmement, soyez le plus détendu possible », recommande la pharmacienne. Le client est curieux de connaître les résultats. « Pour l’instant, ce n’est pas significatif », affirme-t-elle. Sophie Debaisieux ne lui donnera les résultats qu’au terme des trois prises. Durant l’entretien, Sophie détaille aussi les habitudes alimentaires du quadragénaire. Et rectifie le tir si besoin est. « Préférez une prise de matières grasses le matin et mangez léger le soir. Pour la viande rouge, c’est une à deux fois par semaine seulement ! », rappelle-t-elle. Alain doit aussi reprendre une activité sportive régulière. L’adjointe procède ensuite à la mesure de la glycémie et de la cholestérolémie. Le client place son bras le long du corps puis se masse le doigt. Il se pique lui-même, en appliquant la lancette sur la pulpe de son doigt. « Nous n’avons pas le droit de pratiquer la piqûre », précise Sophie. Elle recueille une goutte de sang pour déterminer la cholestérolémie. Le résultat s’affiche en quelques minutes. La mesure de glycémie intervient après le recueil d’une seconde goutte de sang. Le résultat est interprété en fonction de l’intervalle avec le dernier repas. En fin de séance, le client reçoit des documents sur l’hygiène de vie et un exemplaire du magazine d’Alphega consacré au risque cardiovasculaire. On lui procure également un CD-ROM sur cette thématique. Pour le moment, une quinzaine de dépistages ont été réalisés. Dans tous les cas, les clients acceptent l’idée de payer pour ce suivi officinal. « Jusqu’à présent, pour que l’action de prévention soit rétribuée, le client devait aller se servir dans les rayons », relève Didier Chedorge. Au-delà de cette rémunération jugée légitime par les clients, son officine acquiert une visibilité en matière de santé publique. Une réputation qui se bâtit aussi sur l’implication dans différents réseaux de soins (cancérologie, VIH, hépatite C). Dans ce cadre, une action conjointe avec des infirmières libérales doit permettre, dès l’automne, de renforcer l’observance des patients. Mieux vaut prévenir pour avoir plus de chance de guérir.
Didier Chedorge en 4 dates
• 1978 : Diplôme de la faculté de pharmacie de Paris V. Puis DESS de dermocosmétologie et formation de marketing à l’IAE de Paris.
• 1979 : Parcours en entreprise (industrie pharmaceutique et agence de communication).
• 2002 : Retour vers l’officine
• 2006 : Installation à Lyon.
Si vous avez envie d’essayer
Les avantages
• La reconnaissance de l’expertise pharmaceutique au-delà de la dispensation de médicaments.
• L’application de connaissances acquises lors des formations initiale et continue.
• La rémunération s’appuyant sur un acte de dépistage officinal à part entière.
Les difficultés
• Le manque d’information des médecins, qui apprennent la plupart de temps cette démarche de prévention par retour des patients au cabinet.
• Le défaut de communication d’Allianz auprès de ses assurés.
• La rémunération à l’acte en pharmacie impose pour le public de changer sa perception de l’officine.
Ses conseils
• Mobiliser l’équipe autour du projet.
• Adopter une démarche centrée sur le patient.
• Convenir d’un rendez-vous et prendre le temps de l’échange avec le client.
L’AVIS DE L’ÉQUIPE
« J’ai le sentiment d’exercer pleinement mon métier. Ce n’est pas tant de manipuler des outils cliniques, mais l’acte d’échanger et d’effectuer un suivi qui m’intéresse. L’écoute et la confiance du patient sont bien plus importantes encore qu’au comptoir. Ainsi, les clients nous considèrent vraiment comme des professionnels de santé. Cette démarche est encore rare en officine. Pour le moment, elle n’a pas de conséquence thérapeutique. C’est surtout une action de sensibilisation », estime la jeune adjointe, Sophie Debaisieux.
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