Prévenir les non-dits en officine : un enjeu clé pour le management d’équipe

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Prévenir les non-dits en officine : un enjeu clé pour le management d’équipe

Publié le 24 août 2025
Par Audrey Fréel
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Éviter les malentendus, prévenir les tensions et instaurer un dialogue régulier sont essentiels pour créer un climat de confiance et préserver une bonne ambiance de travail.

Dans une officine, la proximité entre les membres de l’équipe est une force mais aussi un défi. Lorsque les tensions s’installent, elles peuvent rapidement devenir un frein. D’autant que le management en pharmacie présente plusieurs particularités. La taille réduite des locaux et de l’équipe tend à amplifier les tensions et les rend plus visibles. « Lorsqu’un désaccord apparaît, il est difficile de le “diluer” comme dans une grande structure », confirme Sandra Chauvin, pharmacienne et fondatrice associée d’Opale Santé, cabinet de conseil pour les officines et groupements.

Petite structure, grande responsabilité

Par ailleurs, la majorité des officines ne disposent pas de service de ressources humaines pour structurer les processus managériaux. Les titulaires doivent donc tout gérer eux-mêmes, souvent sans formation spécifique au management. « Les collaborateurs de l’officine, notamment les pharmaciens, sont des professionnels très qualifiés, avec un niveau d’exigence élevé, ce qui peut rendre les échanges plus délicats », remarque Caroline Diard, professeure associée au sein du département droit des affaires et ressources humaines chez TBS Éducation.

Risque de désengagement

Ne pas lever les malentendus et les non-dits peut avoir des conséquences néfastes sur le fonctionnement de l’équipe. « Cela peut freiner la dynamique collective, faire naître des tensions et encourager des comportements individualistes », relate Sandra Chauvin. À terme, une mauvaise ambiance affectera la qualité de vie au travail et même la relation client. « Le silence managérial se révèlerait coûteux pour l’officine car il est susceptible d’engendrer des conflits internes et des désengagements », indique Pascale Hauet, pharmacienne et fondatrice de Pragmatic RH, cabinet de conseil et coaching RH à destination des pharmacies.

Désamorcer avant l’explosion

Tout l’enjeu est donc de détecter les signaux faibles de désaccords et de non-dits, et d’intervenir rapidement, avant que la situation ne s’envenime. Les tensions s’installent souvent de manière progressive, à travers des signes discrets : changements d’attitude, baisse d’implication, comportements passifs-agressifs, etc. « Dans ces cas-là, le titulaire doit avoir le courage d’engager une discussion franche et bienveillante, pour exprimer à la fois ce qui fonctionne et ce qui pose problème », indique Caroline Diard.

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Penser au collectif

Il est essentiel de valoriser les points positifs pour montrer que l’on souhaite continuer à travailler ensemble, tout en exprimant clairement les dysfonctionnements observés. Au sein d’une petite équipe, un malaise non traité peut rapidement contaminer l’ambiance de travail. Une personne en souffrance ou en conflit est susceptible d’entraîner les autres dans une dynamique négative. En bref, laisser les choses se dégrader aura des effets négatifs sur l’ensemble du collectif.

Bien connaître ses collaborateurs

Pour prévenir ce type de dérive, il est indispensable d’instaurer une relation managériale de qualité, fondée sur la connaissance mutuelle. « Il est d’abord essentiel de comprendre à qui l’on s’adresse. Cela implique de bien connaître les membres de son équipe », explique Caroline Diard. Le titulaire doit identifier ce qui motive ses collaborateurs : rémunération, accès à la formation, enrichissement des missions, reconnaissance. « Il faut prendre le temps de féliciter et de mettre en avant les efforts individuels et collectifs », insiste Caroline Diard.

Un autre pilier est l’instauration d’une relation de confiance réciproque. « Elle ne fonctionne que si elle est à double sens », estime cette dernière. Les échanges réguliers et sincères permettent ainsi de consolider l’équipe.

Prévoir des temps d’échanges

Une fois ce climat établi, il est possible d’aller plus loin en instaurant des temps d’échanges plus formels, comme des groupes de parole ou des comités de pilotage. « Il est important de faire des points collectifs et individuels pour répondre aux besoins de chaque collaborateur. Un rythme adapté à chaque organisation est nécessaire pour tenir sur la durée et être régulier », indique Pascale Hauet, qui conseille de réaliser une réunion collective tous les mois, si cela est possible, ou tous les trimestres. Les sujets abordés sont variés : organisation interne, arrivée d’une nouvelle marque et sa promotion, répartition ou ajustement des responsabilités entre les membres de l’équipe ou encore, mise en place d’une formation.

Accords maîtrisés

« L’objectif est de faire participer activement les collaborateurs sur ces différents sujets », explique Pascale Hauet. En ce qui concerne les points individuels, l’experte recommande de les prévoir toutes les six semaines, à raison de 15 minutes par personne, avec un maximum de huit collaborateurs directs par manager. « L’idée est de faire un point en posant des questions ouvertes très simples comme : “Depuis notre dernier rendez-vous, quels sont tes succès et les difficultés rencontrées ? Que comptes-tu mettre en place d’ici le prochain ?” », détaille-t-elle. Ce moment doit être un espace d’écoute où le collaborateur se sent libre de s’exprimer, et reconnu dans son travail.

Clarifier les rôles

Enfin, une coordination cohérente et une répartition précise des rôles sont essentielles pour éviter les malentendus. « Si les tâches allouées à chacun sont floues, cela peut créer des conflits », constate Pascale Hauet. En investissant dans une communication ouverte, une organisation claire et des échanges réguliers, le titulaire crée les conditions d’un climat de travail sain et propice à l’engagement durable de l’équipe.

La règle des 3 P, un outil pour mieux communiquer

Souvent utilisée en coaching et management bienveillant, la règle des 3 P repose sur trois leviers essentiels pour créer un environnement de travail sain et stimulant : protection, permission et puissance. « La protection consiste à garantir un cadre sécurisant pour les collaborateurs afin de leur permettre de s’exprimer. Cela passe notamment par la mise en place de règles claires », explique Sandra Chauvin (Opale Santé). La permission vise, elle, à encourager l’expression, l’initiative et le droit à l’erreur. « Si le titulaire de l’officine invite son équipe à venir lui parler dès qu’il y a un problème, il lui donne la permission de s’exprimer », précise-t-elle. Enfin, la puissance permet à chacun de développer son potentiel, de gagner en autonomie et en responsabilité. « Lorsque le manager soutient et encourage son équipe, cela permet aux collaborateurs d’être plus opérationnels », illustre Sandra Chauvin.