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Sur la seconde main, la pharmacie est gauche
La seconde main s’impose à tous les commerces et acteurs du marché. Cette offre écoresponsable, proposée à prix plus bas, a-t-elle une place en pharmacie ?
Selon une étude de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), publiée en septembre 2022, un cyberacheteur sur deux affirme avoir acquis au moins un produit de seconde main en 2021 et 74 % des consommateurs, majoritairement des femmes, déclarent avoir le réflexe d’aller vérifier si le produit n’existe pas en seconde main avant de l’acheter neuf. C’est « la » tendance phare qui traverse tous les commerces : plateformes spécialisées (Leboncoin, Vinted) et généralistes (La Redoute, Zalando), grands magasins (Galeries Lafayettes), surfaces alimentaires (Carrefour), magasins spécialisés (Darty, Fnac) mais aussi boutiques de luxe (Balenciaga, Chloé).
La pharmacie est perplexe.
Dans quelle mesure la pharmacie pourrait-elle se rallier à cette tendance devenue incontournable ? Le faible taux de réponses positives à nos propositions d’interview traduit bien la perplexité dans laquelle cette question plonge le monde officinal. Bien évidemment, excluons d’emblée les médicaments ou produits relevant de la dermocosmétique qui ne permet pas un réusage. Car c’est tout l’enjeu de la seconde main : prolonger la durée de vie de produits qui peuvent l’être, comme, par exemple, du matériel médical (chaise Montauban, béquilles, cannes de pronation, cannes de marche en T, déambulateurs), ou encore des objets de santé connecté (tensiomètre, balance digitale…). D’ailleurs, l’idée ne semble pas si farfelue en matière de santé, si l’on se réfère au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2020, évoquant la remise en état de certains dispositifs médicaux en vue d’une réutilisation par de nouveaux patients. Son article 28 prévoit le reconditionnement des fauteuils roulants (une disposition vouée à s’appliquer dans les prochains mois), ce qui aurait pour conséquence de faire baisser les prix, de diminuer le reste à charge des patients et de permettre à l’Assurance maladie de réaliser des économies. Une entreprise a pris les devants : le réseau Envie Autonomie reconditionne et distribue à un prix accessible aux plus démunis, notamment à ceux qui n’ont pas accès au système de santé pour des raisons administratives ou sociales, des aides techniques (fauteuil roulant, lit médicalisé, siège de douche) collectées grâce aux dons et qu’ils peuvent soit acheter soit louer. Autre exemple, en optique : le réseau Écoutez Voir propose des montures solaires reconditionnées et parfaitement remises en état (les soudures sont vérifiées et les vis remplacées) pour 69 €.
Le remboursement des soins est un frein.
L’un des premiers freins à une telle entreprise est la prise en charge par l’Assurance maladie, couplée à celle des mutuelles, de la plupart de ces dispositifs. Autrement dit une mécanique parfaitement huilée qui assure aux patients une quasi-gratuité (sauf dépassement) et une sécurité d’utilisation. « Le patient dispose d’un matériel neuf qui est garanti. Quand il sait que c’est pour un temps court, il va recourir à la location. Et s’il est atteint d’une maladie chronique, des mesures sont prises pour adapter le plus possible le matériel médical à sa morphologie. Un article de seconde main ne sera pas forcément adapté et sera potentiellement inconfortable », avance Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (Uspo). Ensuite, l’idée même d’une seconde main, moins chère que du neuf, « se heurte à l’image “secure” de l’officine. Le sujet est un peu sensible et je ne pense pas que le circuit officinal soit prêt. Mais sur le papier, c’est possible ! », estime Alexis Berreby, cofondateur du groupement Leadersanté qui applique, à sa façon, une mesure antigaspi en vendant, à prix promotionnel, des produits d’hygiène abîmés ou proches de leur date de péremption. En effet, « l’officine ne vit pas en dehors du monde et il est souhaitable qu’elle apporte sa pierre à l’édifice à l’écoresponsabilité. Il faut y réfléchir », tranche Christophe Le Gall, président de l’Union nationale des pharmacies de France (Unpf).
L’argument reste intéressant.
Cependant, la seconde main pose plusieurs questions : modalités du reconditionnement, garanties de bon fonctionnement et de sécurité d’usage, notion de responsabilité, de traçabilité… « Il s’agit de développer l’approche la plus sécurisante possible pour le patient, en confiant, par exemple, à un organisme ce rôle de reconditionnement avec un cahier des charges précis : tests de résistance, remplacement des pièces, stérilisation », développe Christophe Le Gall pour qui l’intérêt d’une telle démarche n’est pas financier « puisqu’une remise en état de produits déjà utilisés nécessiterait de repasser par un circuit de reconditionnement engageant des dépenses ». L’idée semble plus particulièrement intéressante « pour les produits non pris en charge par la Sécurité sociale (comme les coudières) mal remboursés ou entraînant un reste à charge qui peut s’avérer élevé pour le patient », estime, pour sa part, Alexis Berreby.
+ DE 80 %
Des cyberacheteurs se sont déjà offert des produits reconditionnés ou bien ont revendu des articles en ligne.
Source : Fevad et KPMG, étude « La seconde main au premier plan », septembre 2022.
– 97 %
C’est la réduction de l’impact carbone qu’un fauteuil roulant manuel reconditionné en France permet par rapport à celui d’un fauteuil neuf avec un châssis aluminium fabriqué en Asie.
Source : Envie Autonomie.
UN ESSOR EN DEUX TEMPS
La seconde main, marché de niche devenu marché de masse, a toujours existé (petites annonces, brocantes, enseignes dédiées tels Cash Converters et Emmaüs), mais son essor actuel est lié à deux facteurs principaux. D’abord, « l’avènement des plateformes numériques dans les années 2000 a complètement bouleversé la donne en facilitant la mise en relation des vendeurs et des acheteurs », explique Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). Ensuite, la crise sanitaire a accéléré le mouvement, en modifiant profondément les habitudes de consommation des Français, qui font désormais des choix plus écoresponsables et favorisent, pour certains, l’économie circulaire. Avec la seconde main, le consommateur joint l’utile à l’agréable en faisant une bonne affaire et en limitant son impact environnemental : « le consommateur, tenu à des arbitrages financiers, y trouve son compte et le citoyen, aussi. À tel point que cela peut mener à une hyperconsommation… », pointe notre interlocuteur.
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