Pourquoi le naturel a la cote !

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Publié le 25 février 2016
Par Carole De Landtsheer
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On ne peut plus parler de tendancede consommation. L’attrait pour la naturalité est devenu un comportement sociétal et durable. L’offre augmentant avec la demande…

Aucun doute, la « naturalité » constitue une requête croissante en officine. « 80 % des pharmaciens constatent une augmentation des demandes », avance Laurent Mermet, responsable marketing France de Naturactive (Pierre Fabre Consumer Health Care). De toute évidence, cette progression, vouée à s’intensifier, s’inscrit sur la tendance, plus globale, du naturel, tous produits (alimentation, hygiène-beauté, traitements…) et tous circuits confondus. Un credo qui touche 83 % de nos concitoyens échaudés par les scandales sanitaires qui font régulièrement l’actualité. La naturalité est perçue comme un « impératif » pour 34 % des répondants.

Exit les consommateurs moutons prêts à avaler ou à s’enduire de n’importe quoi : si 69 % des Français regardent les informations sur les emballages, 78 % recherchent la liste des ingrédients. La confiance n’est plus de mise. L’officine n’est pas épargnée, 26 % des Français se tournant vers des médecines douces, selon une étude Kantar Media (« Bien-être et santé, une priorité pour les Français », janvier 2015).

MODERNISATION

Plus largement, la tendance est aux traitements à base de plantes, « pour soigner ou prévenir les petites pathologies du quotidien », expose Laurent Mermet. Rappelons le succès de la phytothérapie ou encore de l’aromathérapie qui enregistrent des progressions à deux chiffres (respectivement, + 11 % et + 15 %, cumul mobile à septembre 2015, Celtipharm). « La remise en cause d’une molécule, un risque d’accoutumance, de mésusage ou encore une utilisation interdite aux enfants peut orienter le consommateur vers un produit naturel », observe Christelle Paty, chef de produit Prospan chez Merck Médication familiale.

Certains secteurs (antipoux, antimoustiques, antitussifs…) se sont, pour ces raisons (toxicité, effets secondaires), clairement tournés vers la naturalité. Parallèlement à une demande en hausse, l’offre s’est également adaptée et renouvelée : « Le naturel n’est pas contradictoire avec l’innovation et la praticité. Il a gagné en modernité et est entré dans les mœurs », fait remarquer Christelle Paty. Comprenons qu’aux tisanes d’antan ont succédé les dosettes (Mediflor) prêtes à être insérées dans un appareil type Nespresso. Aux côtés des huiles essentielles unitaires sont apparues les formules prêtes à l’emploi de l’aromathérapie.

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MARKETING

Mais attention, la naturalité peut être trompeuse et exploitée comme un argument marketing ! « C’est le cas en cosmétique où le pseudo-naturel progresse, les industriels pouvant prétendre à être positionnés sur le naturel sans l’être dans les faits », fait remarquer, relève Romain Ruth, président de Cosmébio, association professionnelle de cosmétique écologique et biologique qui a lancé, en 2013, le label Nat. L’objectif fixé : tirer le marché vers le haut en créant un vrai référentiel naturel (avec un minimum de 95?% d’ingrédients naturels) et amener les entreprises de la cosmétique conventionnelle vers la cosmétique naturelle. Le facteur prix a son importance : « Avec la crise, les gens se dirigent vers des produits plus accessibles et le naturel offre un bon compromis qualitatif entre le bio et le conventionnel », souligne Nathalie Gitton, en charge de la marque Natessance (Léa Nature).

GARANTIES

Reste toutefois au naturel à continuer à s’entourer de garanties (traçabilité des produits, chartes de qualité, etc.) pour s’imposer avec la même force que le bio, repère fort aux yeux des acheteurs. L’enjeu ? « Mettre sur le marché des produits jugés efficaces et satisfaisants », relève Sabine Leneindre, coordinatrice marketing France Puressentiel. « Les utilisateurs ont besoin d’être rassurés sur les produits. Eco-responsables, ils souhaitent de la transparence sur l’origine des composants et demandent des circuits de production courts », affirme Laurent Mermet, en charge de la gamme phytothérapie Naturactive certifiée « Origine France garantie ». De toute évidence, la réassurance des consommateurs passe également par le conseil du pharmacien et la caution de marques fortes.

* Selon une étude Mediaprism/« 60 Millions de consommateurs » réalisée en 2013 : « Les Français et les produits naturels : opinion, comportements et attitudes ».

Levier

L’herboristerie moderne

Nos clients recherchent la possibilité de se soigner autrement », avance Antoine Marchant, cofondateur du réseau de pharmacies Anton & Willem. Le pari engagé : jouer la carte de la spécialisation, celle des médecines naturelles et alternatives qualitatives et sécuritaires. Un marché de niche évalué à 2,4 milliards d’euros, en augmentation constante de 15 points par an. Place est faite, devant les comptoirs, à la phytothérapie, à l’aromathérapie, à la micronutrition, à la cosmétique naturelle certifiée… Antoine Marchant prône une « herboristerie moderne ». A cette vision correspond une équation économique tablant d’une part sur le conseil renforcé d’une équipe officinale élargie (frais de personnel plus élevés que la moyenne), formée par Anton & Willem, et, d’autre part, sur la vente de produits à forte rentabilité (dont 175 en marque propre à 50 % de marge). La recette semble fonctionner. Achetée aux enchères en juin 2014, la Pharmacie de la Mauve à Grenoble a doublé son CA en un an, 40 % procédant de ventes hors ordonnances. Le 7 décembre dernier, la seconde officine Anton & Willem a été inaugurée à Caen. Nadine Dreyfus compte ainsi contrer la lente érosion de son CA (1,2 M€ en 2014) et de sa marge. L’enseigne se déploie par ailleurs sous forme de corner. Après Besançon, d’autres projets sont prévus, notamment chez Anne Poussardin à Sarrebourg. Cette diplômée de nutrithérapie compte adopter le concept EPN (et ses pôles douleur et beauté) de son groupement Pharmactiv en y intégrant un espace naturel aux couleurs Anton & Willem.

C.d.L. et F.C.

L’ESSENTIEL

→ Echaudés par les scandales sanitaires, les Français se tournent de plus en plus vers le naturel, pour s’alimenter mais aussi pour se soigner.

→ A l’officine, le marché de la phytothérapie et celui de l’aromathérapie progressent d’autant plus que les offres se sont modernisées pour plus de praticité.

→ La naturalité est devenue un argument marketing en cosmétique, mais les formules ne sont pas toujours naturelles…

→ Le concept de « pharmacie naturelle » proposé par l’enseigne Anton & Willem se présente comme un levier de développement.

86 % C’EST LE NOMBRE

de Français qui préfèrent se tourner vers une solution naturelle pour traiter une fatigue. Ils sont 82 % lorsqu’il s’agit de régler un problème de sommeil (étude TNS Sofres/Puressentiel, mars 2015).

CIBLE

Les acheteurs de produits naturels en pharmacie se scindent en deux groupes : les experts, habitués à utiliser des plantes, et les néophytes qui viennent chercher une réponse naturelle à leur problématique. Source : Laurent Mermet, reponsable marketing Naturactive.

PRÉOCCUPATION

L’alimentation, les produits d’hygiène et de beauté ainsi que les médicaments font l’objet de toutes les attentions en termes de naturalité, pour respectivement 92 %, 82 % et 75 % des Français (étude Mediaprism/« 60 Millions de consommateurs »).