Le marché se comprime

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Publié le 1 octobre 2018
Par Carole De Landtsheer
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Alors que l’offre du marché de la contention veineuse n’a jamais été aussi aboutie pour répondre à tous les besoins, sa croissance reste en-deça de son potentiel.

Après des années de hausse, le secteur de la compression se régule », commente Camille Fournier, chef de produits phlébologie chez Gibaud. Une plus grande vigilance des caisses maladie, qui limitent désormais le nombre de paires remboursées par an, expliquerait en partie ce fléchissement. Ce rappel à l’ordre viendrait diminuer la demande et le niveau des ventes. Car, nous voici face à un marché massivement « drivé » par le segment de la compression médicale, au détriment des références « maintien » et « bienêtre » ou encore anti-thrombotiques. Le potentiel du marché est pourtant bien réel. Selon la Société française de phlébologie, seulement cinq millions de personnes se soigneraient alors qu’une estimation porte à dix huit millions le nombre de sujets souffrant de problèmes de circulation veineuse. Les hommes, sous-représentés, constituent le « maillon faible » du secteur (22,4 % de parts de marché en volume, Ospharm).

AMÉLIORER l’observance.

Le diagnostic au comptoir et, plus largement, le conseil prodigué, comme la valorisation de la compression en officine, sont clairement des leviers de développement du secteur. Ici le rôle du pharmacien est crucial : « Il y a en permanence des gens qui commencent et qui arrêtent de porter des produits de contention, jugés difficiles à enfiler, pas esthétiques ou pas à la bonne taille. On ne s’intéresse pas assez aux besoins des patients, quand on leur délivre un produit ou un format et cela joue dans l’observance des traitements. Les pharmaciens auraient tout intérêt à leur poser des questions sur leurs habitudes vestimentaires. », estime Nathanael Molard, chef de gamme compression chez Innothéra. Conseils à l’enfilage et à l’entretien insuffisants, prises de mesure pas toujours bien faites, la délivrance des produits pourrait être optimisée. Cizeta Medicali prend les choses en main : après le lancement de son application Smapp Observance à destination des patients (donnant des conseils d’utilisation et d’entretien), elle lance Smapp Référence, destinée aux applicateurs (pharmaciens et orthopédistes), un outil d’aide à la délivrance.

LEADER sur la contention : Sigvaris.

Face à un secteur hautement concentré, cinq acteurs seulement – Sigavris, Innothéra, Thuasne, Radiante, Gibaud – se partagent 90 % du marché en valeur, selon Ospharm. Ces spécialistes rivalisent d’innovations afin de proposer des produits toujours plus efficaces, confortables, faciles à enfiler, mais aussi esthétiques. Car, il en va de l’acceptabilité des traitements. En effet, l’image même de la compression, injustement regardée comme un accessoire de grand-mère disgracieux, reste encore un frein à la croissance du marché. Toujours leader, Sigvaris caracole en tête avec 39 % de parts de marché en valeur, en cumul annuel mobile à fin avril 2018, (source Ospharm). Une entreprise centenaire, qui met en avant un savoir-faire textile « made in France », depuis la conception des produits jusqu’à leur distribution. Le top 5 des produits, meilleures ventes du secteur, tous segments confondus, est préempté par la marque Sigvaris : Les bas-cuisses (5,3 % de parts de marché en valeur, en CAM à fin avril) et chaussettes (3,7 % de parts de marché en valeur, en CAM à fin avril) Diaphane s’installant respectivement, à la première et deuxième place du podium (Source Ospharm). Parmi les autres produits star du marché, les chaussettes et les bascuisses d’Actys 20 d’Innothéra, qui réalisent respectivement 2,1 % et 1,8 % de parts de marché en valeur, (en CAM à fin avril 2018, selon Ospharm). Au final, les gammes sans dépassement (remboursables), considérées comme les « essentiels » de la compression, représentent environ 40 % des volumes écoulés (source fabricant) versus les références dites « premium », qui offrent une plus grande variété de choix (textures, fibres naturelles, couleurs, motifs, caractéristiques techniques), mais imposent une prise en charge partielle des patients.

LES REMBOURSÉS ont la cote.

« Le marché est de plus en plus « drivé » par les produits intégralement remboursés et le segment des produits sans dépassement va prendre en importance. », estime Constance Meynard, chef de produits BSN-Radiante (Essity France). S’inscrivant dans cette dualité, la société BSN-Radiante, également pourvoyeuse de modèles sur-mesure, a retravaillé son offre de compression en intégrant deux marques : Radiante, sa gamme premium, et Jobst, présentée comme le haut de gamme des produits LPPR (Liste des Produits et Prestations Remboursables) et qui s’est étoffée d’une gamme transparente (Transparent) et semi-transparente (Idéal), en 2017. Ses gammes best-seller Radiante Microvoile (3,1 % parts de marché en valeur, selon Ospharm) et Voilisim’ (1,2 % parts de marché en valeur, selon Ospharm) ont été pourvues du système anti-glisse BasFix assurant une meilleure tolérance, ainsi qu’une meilleure évacuation de la transpiration. Irritations et réactions cutanées sont ainsi limitées pour une meilleure observance. Leader mondial en orthopédie, Thuasne a complété en 2017 sa gamme sans dépassement, Veinoflex Secret, sa meilleure vente (5 % de PDM en valeur, Ospharm), incluant des chaussettes, bas-cuisses et collants. L’opacité constituant une tendance hivernale attirant les populations plus jeunes, chaque gamme est désormais proposée en trois coloris.

Egalement positionnée sur le segment des références opaques, la nouvelle gamme de mis-bas, bas et collants Seta, à base de soie (13 %), aux vertus thermorégulatrice et hypoallergénique de la société Cizeta Medicali, qui se distingue sur le marché avec sa gamme semi-transparente, Ethéré, présentée comme du premium sans dépassement. De son côté, Radiante étoffe sa gamme Détente de collants opaques, ressemblant à des leggings de ville.

LE CONFORT prime.

Plus faciles à enfiler et à porter, les chaussettes composent le plus gros segment du marché (47,4 % de parts de marché en valeur en CAM à fin avril 2017, selon Ospharm) devant les bascuisses (38,1 %) et les collants (12,8 %), les parents pauvres du secteur. Les produits de classe 2 représentant 94,9 % des ventes. Une dominante que le laboratoire Innothéra entend bien bousculer depuis le lancement fin 2017, de ses collants semi-transparents Smartleg (de classe 2) proposés dans sept coloris. Des collants premium, dont les qualités ont été évaluées avec l’Institut français du textile et de l’habillement, qui s’adaptent à 98 % des morphologies et présentés comme (enfin) confortables et faciles à enfiler afin de correspondre aux habitudes vestimentaires des femmes. « Ils ne serrent pas à la ceinture, ne tombent pas, sont confortables en culotte et à l’entre-jambes. », résume Nathanael Molard, chef de gamme compression chez Innothéra. Et il semblerait que l’argument de confort ait fait mouche : « Nous avons explosé nos objectifs. Le volume de paires que nous estimions vendre sur quatre mois a été écoulé en un mois. Nous en sommes, aujourd’hui, à plus de 200 000 collants vendus. Nous constatons que le marché est en train de changer et que le format collant est un vrai relais de croissance », développe notre interlocuteur.

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TRANSPARENCE et classicisme.

Discrètes, esthétiques et préférées par les femmes, les références semi-transparentes et transparentes (respectivement 32,3 % et 21,2 % de parts de marché en volume, en CAM à fin avril 2018, selon Ospharm) prennent nettement le pas sur les versions opaques (18,4 %) et les matières naturelles (4,8 %). C’est pourquoi, le leader Sigvaris a mis l’accent sur la transparence, en lançant Divine Eclat Nude Effect en 2018 (voir encadré Tendances p. 38). Et si les produits dits « fantaisistes » permettent de valoriser la compression, en la rendant plus joyeuse et en démocratisant son image, leurs ventes restent à la marge. « Les patients font des choix rationnels et privilégient les cœurs de gamme qu’ils peuvent porter au quotidien. », commente Carole Marty, directrice marketing de Sigvaris. Une obsession de la valeur sûre, qui se traduit également dans les coloris. Le beige, qui représente 40,4 % de part de marché en volume en cumul annuel mobile à fin avril (source Ospharm), et le noir (42,5 % de PDM) sont les deux couleurs phares du marché.

LE BIEN-ÊTRE :un futur relais de croissance.

Alors que 2/3 de la clientèle sur les bas de contention sont des personnes âgées, les fabricants ont la volonté d’attirer de nouveaux profils de patients. Et principalement sur la sphère « Bien-être », qui malgré sa taille archi résiduelle (0,54 % de parts de marché en valeur, en CAM à fin avril 2018, selon Ospharm) connaît une croissance évidente (+ 76,9 %), à l’inverse de la compression médicale (- 0,8 %). Spécialiste de la compression médicale, la société Gibaud a lançé, début 2018, sa première gamme de chaussettes (pointes sans couture, fibre Tencel évacuant la transpiration) et moletières pour les sportifs, référencée dans les pharmacies qui ont une expertise sur le sport. Des modèles en trois couleurs qui se portent après l’effort physique pour améliorer la récupération musculaire ou pendant l’activité sportive pour réduire les vibrations et les microtraumatismes. Autre lancement, destiné à attirer les cibles plus jeunes, sur le segment du maintien médical à titre préventif, en cas de station assise ou debout prolongée : le collant Activline au motif plumetis (assorti d’une culotte raccourcie permettant de porter des vêtements plus courts). Conçues pour le voyage, les chaussettes Traveno de Sigvaris, commercialisées depuis avril dernier ont été élaborées pour favoriser la circulation sanguine en exerçant une pression modérée. Quant à Galbéa, la marque vise les jeunes mamans avec son legging opaque, qui sculpte la silhouette et active la circulation. Limité par une sous-consommation, le marché des bas de contention et de compression cherche des relais de croissance, pour apporter une réponse de plus en plus complète.

409,3 MILLIONS D’EUROS de CHIFFRE D’AFFAIRES

ÉVOLUTION en valeur

+ 0 % Le marché se concentre autour de cinq fabricants seulement, dont le leader Sigvaris, détient à lui seul près de 40 % de parts de marché en valeur (en cumul annuel mobile à fin avril, source Ospharm).

Source Iqvia en cumul annuel mobile à fin mars 2018.

12,3 MILLIONS D’UNITÉS VENDUES

ÉVOLUTION en volume

1 % La croissance du marché des bas de compression est en deça de son potentiel. Le nombre de sujets souffrant de problèmes de circulation veineuse est estimé à 18 millions, par la Société française de phlébologie.

Source Iqvia en cumul annuel mobile à fin mars 2018.

DES BASIQUES EN TÊTE.

Remboursés, les modèles sans dépassement (Sigvaris Diaphane, Actys 20, Venoflex Secret, Jobst… ) n’impliquant aucune prise en charge des utilisateurs, enregistrent les meilleures ventes. Leur poids est voué à progresser, estiment les acteurs du marché.

La TENDANCE

Pour faciliter l’acceptation des produits de compression et répondre aux attentes des femmes, le marché penche vers une maxi transparence. Lançée en mars dernier, la gamme Divin Eclat Nude Effect de Sigvaris assure un rendu quasi invisible : une maille très fine combinée à des coloris beiges, au total cinq, adaptés à toutes les carnations de peau. De son côté, Voilisim’ de Radiante, proposée dans six coloris, affiche une transparence renforcée. Un segment occupé par tous les acteurs tels Thuasne avec sa gamme Incognito absolue ou encore Gibaud avec Venactif Lux (chaussettes et bas) présentée comme « la plus résistante des super transparentes », selon Camille Fournier, chef de produits phlébologie chez Gibaud.

LES « PREMIUM » AJOUTENT DU CONFORT.

Les références haut de gamme présentent des caractéristiques techniques (textures, finitions, etc), qui renforcent le confort des porteurs et favorisent une meilleure observance. Des gammes élargies qui jouent également la carte de la couleur et de la fantaisie pour correspondre à toutes les envies.

CHIFFRES CLÉS

EN PARTENARIAT AVEC OSPHARM* ET IQVIA

97,6 % c’est le pourcentage des ventes en volume réalisées, pour résoudre un problème de compression.

Source Ospharm

TOP 3* des produits

1 Sigvaris Diaphane bas-cuisse 5,3 %

2 Sigvaris Diaphane chaussette 3,7 %

3 Sigvaris Divin Eclat bas-cuisse 2,6 %

Source Ospharm

42,5 % DES VENTES EN VOLUME SE SONT RÉALISÉES SUR LA COULEUR NOIRE. UNE PARITÉ PRESQUE PARFAITE AVEC LA COULEUR CHAIR (40,4 %). EN VOLUME, EN CAM À FIN AVRIL 2018.

Source Ospharm

61 % DES FEMMES DÉCLARENT AVOIR DES JAMBES LOURDES.

Source Etude Population menée en 2017 auprès de 2 000 personnes

*Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

* Le top 3 des produits est calculé en parts de marché en valeur, en cumul annuel mobile à fin mars 2018.

LE BIEN-ÊTRE, EN CROISSANCE.

Cette offre de niche correspond à un usage préventif et satisfait les besoins d’un nouveau public : voyageurs, sportifs, des personnes qui travaillent debout…).

Consommation

Les veinotoniques se stabilisent

Les marques leaders du secteur déploient des stratégies centrées sur l’officine et le grand public.

Après des années de chute, consécutive à leur déremboursement, l’involution des veinotoniques ralentit. « Une stabilisation dans la décroissance », résume Lauren Azoulay, responsable de gamme Ginkor fort. Un marché, dominé par les médicaments, dont le chiffre d’affaires est estimé à 128 millions d’euros pour 11,7 millions d’unités vendues qui suit des involutions de l’ordre de -3,7 % en valeur, et -5 %, en volume (en CAM à fin avril 2018, source fabricants). La conséquence première du déremboursement de cette catégorie de produits : « Un report vers la compression remboursée et une baisse des diagnostics. », souligne Romain Marty, chef de gamme Daflon. Alors que les médecins se désengagent de plus en plus de ce champ thérapeutique, la prescription médicale étant tombée au taux de 20 %, le conseil du pharmacien devient ici central. Ce sont toujours les femmes de plus de 45 ans ayant développé une pathologie veineuse qui constituent le public phare du marché (75 %). Une cible qui « tend à rajeunir et qui consomme des produits en complément pour traiter les jambes lourdes comme des gels ou des sprays, notamment au moment des fortes chaleurs », indique Lauren Azoulay (fonction). Des topiques (gels fraîcheur, sprays) qui composent un segment marginal (14 millions d’euros de CA, pour 1,3 millions d’unités vendues).

Communication et formation du pharmacien. Pour faire face à la baisse du secteur, les deux marques historiques, Daflon 500 mg du laboratoire Servier (26,6 % de parts de marché en valeur, en CAM à fin avril 2018, selon Ospharm) et Ginkor Fort de Tonipharm (14,4 %) mettent en place des stratégies centrées sur l’officine et le grand public. Le laboratoire Servier a créé, en octobre dernier, date de lancement de Daflon 1000, indiqué pour les crises hémorroïdaires, « un réseau de délégués pharmaceutiques de dix personnes, pour assurer les formations des équipes officinales en vue d’un meilleur dépistage des patients », reprend Romain Marty. La mise en avant de Daflon 500 passe à la fois par une stratégie médicale (formation lors de congrès) et un vaste plan média. De son côté, Ginkor Fort prend un coup de jeune en changeant de pack et décline sa nouvelle campagne en télévision, presse et radio, sur un marché qui « réagit fortement à la communication grand public », indique Lauren Azoulay. A la 3e place du marché, le générique de Daflon 500 (Fraction Flavonoique purifiée de Mylan) enregistre la plus forte croissance – 9,2 % de parts de marché en valeur, en CAM à fin avril 2018 (+ 9,1 %), selon Ospharm – devant Endotelon (5 % de PDM) et Circulymphe de Santé verte. Minoritaires, les compléments alimentaires continuent de tirer le marché vers le haut (+ 17 % en avril 2018, selon les fabricants).

UN STYLE URBAIN CHIC POUR LES HOMMES.

Pour attirer les hommes, qui ne pèsent que 22,4 % des ventes en volume, Sigvaris a lancé des nouvelles gammes de chaussettes New Urban et Urban Colors, en avril dernier.

Communication

Etre visible en officine

Valoriser la compression sur le point de vente est essentiel, à la fois pour faire connaître les produits et lever les derniers freins qui subsistent côté patients. « En communiquant sur le point de vente, nous aidons les pharmaciens à la bonne dispensation des produits », argumente Carole Marty, directrice marketing de Sigvaris. Une communication, qui englobe des PLV classiques et un relais web (bandeaux publicitaires, sites dédiés, réseaux sociaux) exploités par les marques afin de gagner en visibilité. Et qui s’installe, également, dans les cabinets médicaux des angio-phlébologues et sage-femmes (brochures remises aux patients). Parce que la compression souffre d’une sous-exposition en officine, Cizetta Medicali a mis en place en juin dernier, son concept Orthoshop dans la Grande pharmacie de Castres (81) : un espace modulable organisé autour d’une cabine de prise de mesure et d’essayage. Un lieu pédagogique pour expliquer la maladie veineuse et conseiller les produits Cizetta Medicali. Cinq autres Orthoshop sont programmés d’ici à la fin 2018.