LA GMS POUSSE SON PREMIER CRI
Parue au « Journal officiel » du 18 mars, la loi Hamon relative à la consommation entérine la sortie des tests de grossesse et d’ovulation du monopole officinal. Dans les deux camps, c’est la veillée d’armes. La grande distribution peaufine sa stratégie commerciale, tandis que les pharmaciens révisent leurs prix et le conseil aux consommatrices.
Les tests de grossesse et d’ovulation sont sortis du monopole officinal. C’est la conséquence d’une des dispositions contenues dans la loi relative à la consommation parue au Journal officiel du 18 mars. « Dès cette année, l’essentiel des 170 articles de cette loi sera à l’œuvre », promet Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, lors d’une conférence de presse le 19 mars. Avec le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, Benoît Hamon entendait ainsi « mettre fin à des monopoles de distributeur » en s’attaquant à certaines « rentes abusives et chasses gardées » dans différents secteurs économiques. Dès la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, en mai dernier, la profession s’est élevée contre l’ouverture du marché des tests de grossesse et d’ovulation, perçue comme une nouvelle tentative d’enfoncer les lignes officinales sur la vente de médicaments. Michel-Edouard Leclerc ne s’en cache pas. « C’est un premier pas, nous ne nous arrêterons pas au milieu du gué », déclare-t-il tout de go sur son blog. Le distributeur se félicite au passage que le gouvernement ait été au-delà de ses revendications en élargissant la distribution des tests aux rayons de la GMS.
Des tests de grossesseà prix coûtants
Dès à présent, la grande distribution s’apprête à pénétrer un marché restreint, en 2013, à 37,6 M € pour les tests de grossesse (5,3 millions d’unités) et à plus de 5 M € pour les tests d’ovulation. Le groupe Juva Santé est le premier à se lancer, sous la marque Mercurochrome, leader de la parapharmacie en GMS. Concernant la question stratégique du prix, son directeur général, Briac Le Lous, mise sur la notion de seuil psychologique. « Nous en avons beaucoup discuté avec les enseignes et avons insisté pour qu’elles ne cassent pas les prix. Nous sommes positionnés à 4,90 €, contre un prix moyen de 8,50 € en pharmacie. » Avec la mesure, le gouvernement attend une baisse de prix de l’ordre de 30 %, alors que, selon lui, les tests de grossesse coûtent 30 à 40 % plus cher en France que dans les pays voisins. Et Pierre Moscovici de mettre en garde : « La course aux prix bas comporte des conséquences sociales néfastes pour la collectivité. »
Même pas peur. Michel-Edouard Leclerc annonce sur son blog la mise en vente dans ses parapharmacies et hypermarchés d’un test de grossesse au prix de 1 €. D’autres marques lui emboîteront-elles le pas ? « Certaines descendront jusqu’à 1,90 €, au prix coûtant. Quitte à le remonter une fois passée la période de lancement », prévoit Joëlle Hermouet, formatrice en vente et merchandising à l’officine. Déjà s’annonce l’arrivée de tests à la marque de distributeur, qui pourraient s’imposer en GMS dès 2015, estime Briac Le Lous. Aujourd’hui, la majorité des officines référence la marque leader et au moins une autre dite « de premier prix ». La première, Clearblue (Procter & Gamble), est proposée en moyenne autour de 8 € pour son test de grossesse basique et jusqu’à 12,50 € pour le plus perfectionné, avec des prix variant du simple au double selon les officines. L’offre de premier prix varie de 3,50 à 6,50 €. « Les officines doivent proposer un test à moins de 5 €, voire de 4 € si elles sont soumises à forte concurrence », préconise Joëlle Hermouet. Le référencement s’effectue surtout au gré des remises, obtenues auprès de laboratoires, de groupements ou de génériqueurs. Il est constaté que les marques ne se cannibalisent pas. « Certaines pharmacies proposent des tests à 2,50 €. Dans le même temps, elles continuent de vendre la marque leader, plus chère mais reconnue pour sa fiabilité. » Clearblue a ouvert la voie de l’innovation sur ce marché de produits jetables qui en compte peu avec une lecture digitale et l’estimation de la date de conception. Et une question se pose. La marque serait-elle tentée par une entrée en GMS ? « Suite à sa promulgation, nous étudions les modalités selon lesquelles nous appliquerons cette loi », esquive le géant mondial Procter & Gamble. C’est certain, l’officine verrait d’un mauvais œil que la marque vedette lui fasse un enfant dans le dos…
Une offre simple et rentable
Ce n’est pas seulement sur le prix, mais aussi sur la présentation de l’offre que se jouera la partie. « Nous n’avons pas créé une nouvelle catégorie au sein de notre marque, confie Briac Le Lous. Les enseignes choisiront de la positionner avec les préservatifs et gels lubrifiants ou dans le rayon des premiers secours. » A l’officine, les tests intègrent le plus souvent l’univers de l’hygiène intime. « Offre simple et peu d’encombrement : c’est l’un des rayons les plus rentables », assure Joëlle Hermouet, estimant le taux de marge entre 45 % et 60 %. Le rayon progresse sans cesse depuis cinq ans et le potentiel d’évolution est plus fort encore avec les tests d’ovulation. « Ils sont encore très peu mis en avant en pharmacie », constate Briac Le Lous. Côté fiabilité, Mercurochrome n’est pas en reste. « Nous n’avons pas eu le temps de mettre en place nos propres chaînes de fabrication. Mais nous mettons le paquet sur le contrôle qualité auprès de nos prestataires. Son coût peut varier du simple au double selon les marques. » L’idée est d’égaler la garantie de fiabilité officinale. Pour la majorité des tests de grossesse, le seuil de détection est de 25 UI d’hCG par litre d’urine, assurant une fiabilité supérieure à 99 %.
La cible des consommatrices régulières
Ce qui reste le principal atout de l’officine est l’accompagnement qui peut y être pratiqué. D’aucuns le jugent inexistant, insuffisant ou même carrément inutile. « Il y a rarement en pharmacie un lien confidentiel permettant de parler de sexualité, pointe la gynécologue lilloise Brigitte Letombe. La contraception d’urgence doit passer par l’officine. Ce n’est pas le cas du test de grossesse. Toutes les informations sont sur la notice et ce n’est pas très compliqué à interpréter ! » Fin février, l’Académie de pharmacie affirmait le contraire : « l’information sur la notice et l’emballage peut ne pas suffire pour garantir la sécurité d’usage de ces tests, surtout quand il s’agit de très jeunes femmes en désarroi ou de femmes en situation précaire pour lesquelles une information personnalisée s’impose ».
En recherche d’anonymat, ce profil de consommatrice risque pourtant de tourner le dos aux officines. Mais c’est surtout la cible des femmes en désir de maternité qui intéresse la GMS. « Nous voudrions qu’elles inscrivent les tests de grossesse et d’ovulation sur la liste de leurs courses, ambitionne Briac Le Lous. Aujourd’hui, deux ans en moyenne s’écoulent entre un désir de grossesse et sa réalisation. »
REPÈRES
• Août 2011 : les tests de grossesse sont autorisés en accès libre au sein des pharmacies.
• 2 mai 2013 : le projet de loi relatif à la consommation, porté par Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, est présenté en Conseil des ministres.
• 13 février 2014 : le texte est définitivement adopté au Parlement.
• 18 mars 2014 : la loi Hamon est publiée au Journal officiel.
Une autre sortie du monopole
La loi « consommation » ne s’attaque pas seulement aux tests de grossesse et d’ovulation. Elle supprime le monopole des officines et des magasins d’optique sur la commercialisation des produits d’entretien des lentilles de contact.
Question de fiabilité
Concernant les tests de grossesse et d’ovulation, l’ANSM rappelle qu’« il n’existe pas de spécifications techniques communes imposées aux fabricants comme c’est le cas pour les dispositifs de dépistage du VIH ou des hépatites ». Ils doivent cependant s’assurer de la conformité de leurs produits, évaluer et afficher dans les notices d’utilisation leurs performances techniques et diagnostiques, complète l’agence.
- Pharma espagnole : 9 milliards d’investissements et une réforme en vue
- Réforme de la facture électronique, mode d’emploi
- Mon espace santé : un guide pour maîtriser l’accès et la consultation
- Fraude à la e-CPS : l’alerte discrète mais ferme de l’Agence du numérique en santé
- Pharmacie de Trémuson : une officine bretonne pionnière en RSE et qualité
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis