LA CONFIANCE, ÇA SE GAGNE !

Réservé aux abonnés
Publié le 1 septembre 2022
Par Carole De Landtsheer
Mettre en favori

La crise du Covid-19 a représenté un tournant dans la relation entre les consommateurs et les marques. Pour (re)gagner en légitimité, elles doivent multiplier leurs efforts pour garantir transparence, éthique et engagement.

Les consommateurs sont plus que jamais en attente d’honnêteté, de transparence et de cohérence. Car, en toile de fond, subsiste « une défiance déclarée envers les grands acteurs (marchands, politiques et économiques) avec un doute sur la convergence des intérêts, explique Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire de la société et de la consommation (ObSoCo). Ceux qui ont le pouvoir sont capables de mentir, de nous empoisonner et de mettre notre santé en danger ». Cette vision a encouragé l’émergence des petites marques, aux partis pris tranchés, engagés et proches de leurs publics. Résultat, dans les officines, même si leur poids ne représente encore qu’une goutte d’eau dans le chiffre d’affaires global, « elles grignotent des parts de marché aux plus grandes qui, éventuellement, les rachètent, plus tard », précise-t-il.

Priorité aux valeurs.

Le message est clair, les consommateurs ne prennent plus ce qui est annoncé par les marques comme acquis. Et la confiance qu’ils vont leur accorder (ou pas) influe sur leur décision d’achat. Désormais, si la qualité des produits reste cruciale, elle n’est plus le seul critère déterminant. Pour (re)gagner la confiance du public, les marques jouent la carte de la transparence : en pharmacie, nombre de marques OTC communiquent ostensiblement sur la bonne composition de leurs produits, sans ingrédients controversés, vegan, majoritairement naturelles, voire bio. En effet, la naturalité et le bio sont devenus deux arguments phares aux yeux des consommateurs de cosmétiques : cette catégorie réalise une croissance de 8 % des ventes, en 2020, tous circuits confondus, selon le cabinet d’études Xerfi, (2021). Éthiques, zéro-déchet, éco-responsables, etc., les marques affichent nombre de valeurs par conviction ou, plus prosaïquement, pour rester dans la course et s’aligner sur les attentes des consommateurs.

Des marques d’engagement.

« Ce qui est nouveau, c’est que les fabricants doivent exprimer un véritable projet de société, fait remarquer Nicolas Grelaud, directeur opérationnel d’OpenHealth Company. La marque toute seule n’est plus grand-chose. C’est tout ce qu’elle va véhiculer autour qui est le plus valorisé par le consommateur », ajoute-t-il. La neutralité n’est plus de mise : les marques doivent être actrices du changement. Résultat : les engagements et pratiques sociétales et environnementales des entreprises sont attendus au tournant, notamment par les plus jeunes, les “climato-natifs”, ainsi baptisés par l’ObSoCo dans son observatoire sur la consommation responsable. Et la tendance se renforce : 63 % des personnes sont plus attentives aux engagements des entreprises depuis le Covid-19, selon le sondage OpinionWay « Les Français, l’engagement des marques et la fidélité » (2021).

Protéger la planète.

« Si la responsabilité sociétale des entreprises est une dimension qui s’est renforcée pendant la crise sanitaire, c’est bien leur responsabilité environnementale qui est prioritairement dans le viseur », commente Philippe Moati. Les acteurs en sont parfaitement conscients et font connaître leurs objectifs et actions. « Certains fabricants vont même communiquer sur l’installation de panneaux photovoltaïques sur leur site industriel, des informations que les consommateurs, il y a encore dix ans, n’intégraient pas dans leurs processus d’achat et qui vont apparaître sur les réseaux sociaux comme un élément positif pour la marque », signale Nicolas Grelaud. Reste que c’est « dans la contrainte que naît l’innovation », observe, pour sa part, Pascale Brousse, fondatrice de Trend Sourcing. À venir en cosmétique : l’EcoBeautyScore, un système de notation de l’impact environnemental des produits sur lequel planchent actuellement trente-six entreprises du secteur.

Un arbitrage de plus en plus serré.

Si les Français souhaitent, globalement, consommer responsable, ils n’en restent pas moins pragmatiques et sont très attachés au duo prix-qualité, souligne l’enquête Kantar #çaMarque !, réalisée pour l’Union des marques (2021). Le prix tempère l’élan de certains consommateurs : « Ils doivent composer entre idéaux et contraintes », résume Philippe Moati. Pour autant, pas de retour en arrière possible, estime Nicolas Grelaud. « La tendance est bien installée et cela préfigure un marché pharmaceutique qui va aller en s’atomisant et en se personnalisant : on aura presque autant de marques que de consommateurs ».

Publicité

72 %

des Français sont mobilisés en faveur d’une consommation responsable.

(source : 14e Baromètre de la consommation responsable, GreenFlex et Ademe, 2021)

60 %

des Français reprochent aux marques d’utiliser les causes sociétales comme outil marketing pour vendre plus.

(source : Baromètre “In Brands We Trust” Edelman 2018)

DE LA PAROLE… AUX ACTES

Selon le sondage OpinionWay “Les Français, l’engagement des marques et la fidélité” (2021), 53 % des interrogés disent cesser d’acheter une marque dès lors qu’elle ne respecte pas les valeurs qu’elle affiche. Ce taux atteint 65 % chez les 25-34 ans. Le storytelling n’aveugle plus personne : un faux pas peut faire basculer la réputation d’une marque qui sera rapidement vilipendée sur les réseaux sociaux. « Même en rédigeant des chartes dans lesquelles elles s’engagent à respecter un certain nombre de valeurs, les marques ne peuvent plus déclarer toutes seules ce qu’elles font ou vont faire ; les déclarations d’intention ne suffisent plus. Il faut qu’un organisme extérieur prouve ce qu’elles avancent », souligne Pascale Brousse, fondatrice de l’agence Trend Sourcing. Les labels, comme Cosmébio, Slow Cosmétique, B-Corp, etc., jouent ce rôle. Dans une moindre mesure, les applications (Yuka, Kisaco, etc.) passent également les produits au crible. Et « certaines marques recourent aussi à des blockchains pour délivrer une information totalement transparente », ajoute notre interlocutrice, citant la marque de couches Joone qui retrace sur une plateforme de traçabilité le parcours de conception de ses produits, des matières premières jusqu’à l’expédition.