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Plafonnement des remises, baisse des prix du médicament : double peine pour les pharmaciens
Alors que les remises commerciales sur les génériques sont désormais plafonnées à 30 %, la Caisse nationale de l’Assurance maladie veut, dans le même temps, économiser 20 % par patient d’ici 2030 en abaissant le prix des médicaments. Pour les officines, la perspective d’une érosion cumulée des marges se confirme.
Le 24 juin, dans son rapport annuel « Charges et produits », la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) propose une nouvelle fois de faire levier sur les prix des médicaments pour contenir la dérive des comptes sociaux. En ligne de mire : les produits à amélioration du service médical rendu mineure ou insuffisante (ASMR IV et V), dont la prise en charge serait trop coûteuse au regard de leur efficacité clinique.
L’objectif fixé est explicite : réduire de 20 % les dépenses par patient sur cette classe de médicaments d’ici 2030, en agissant sur leur prix facial. Une mesure qui s’ajoute à une autre décision importante pour le secteur : le plafonnement des remises génériques, fixé à 30 % dans un arrêté qui devrait être publié avant le 1er août prochain.
Une équation économique de plus en plus défavorable
D’un côté, la suppression progressive des remises commerciales risque de d’altérer jusqu’à 40 % l’excédent brut d’exploitation. De l’autre, la baisse annoncée des prix faciaux réduit mécaniquement la marge réglementée, indexée sur ces montants.
Résultat : une double peine, combinant perte des revenus de négociation et contraction des revenus réglementaires, sans aucune garantie de compensation.
L’effet d’étau est d’autant plus marqué que ces deux mesures sont portées presque simultanément par les pouvoirs publics, afin de faire face au déficit croissant de l’Assurance maladie (16 milliards d’euros prévus en 2025, 41 milliards en 2030) sans inflexion majeure.
Marges sous pression, volumes en déclin
Le rapport de la Cnam revient sur un mécanisme bien connu : l’écart entre le prix facial des médicaments (affiché publiquement) et leur prix net réel, négocié confidentiellement entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Ce différentiel permet aux industriels de maintenir un prix élevé en apparence, tout en accordant des rabais à l’Assurance maladie.
Mais cette configuration a un effet secondaire : les marges des pharmaciens et des grossistes sont calculées sur le prix facial, pas sur le prix net. Pour la Cnam, cela génère des dépenses supplémentaires pour la collectivité, sans lien direct avec l’efficacité médicale du médicament.
Le rapport suggère donc de réduire cet écart prix facial/prix net dans les prochaines négociations tarifaires, ce qui reviendrait à diminuer mécaniquement les marges des officines, sans amélioration du service rendu ni du parcours de soins. Un coup de rabot de plus sur l’économie officinale.
ASMR V : menace sur les médicaments remboursés à 15 %
Dans son rapport, la Cnam propose de conditionner le remboursement des médicaments à ASMR V (jugés à service médical rendu insuffisant) à une baisse tarifaire obligatoire. Pour rester remboursé, le produit devra afficher un prix au moins 20 % inférieur à celui du comparateur le moins cher.
Autrement dit, si une alternative équivalente est déjà disponible à un tarif bas, le nouveau médicament devra s’aligner à la baisse, sous peine d’être exclu de la prise en charge par la Sécurité sociale. Cette règle vise à éviter de rembourser des produits faiblement utiles à un coût supérieur à celui de molécules équivalentes déjà bon marché.
Une ligne dure, qui rejoint les déclarations du ministre de la Santé Yannick Neuder sur LCP début juin. Il plaidait alors pour un arrêt du remboursement des produits à 15 %, comme Spasfon (2,45 € TTC avec honoraires), estimant qu’il valait mieux concentrer les ressources sur les médicaments à fort impact clinique.
Pour les pharmaciens, une ligne de crête
Au-delà des équilibres budgétaires, c’est l’économie globale de l’officine qui est progressivement redessinée. La baisse des prix faciaux ne concerne pas uniquement les industriels. Elle affecte la rémunération réglementée, la dynamique de stock, le conseil patient, et l’attractivité économique des gammes ciblées.
Plus largement, la suppression des remises et la compression des prix interrogent la capacité des pharmacies à maintenir leur modèle de viabilité, notamment dans les zones rurales ou les quartiers sous-dotés, où les volumes ne suffisent plus à compenser l’érosion des marges
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