Modes de rémunération : un équilibre capital pour le dirigeant

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Modes de rémunération : un équilibre capital pour le dirigeant

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Publié le 5 avril 2025
Par Guy Tamboise
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Concilier la rémunération de son travail et la rentabilité du capital investi est un objectif qui peut se révéler complexe, surtout en présence de partenaires investisseurs.

Un pharmacien exploitant se rémunère pour ses fonctions de pharmacien et de dirigeant d’entreprise, tout en capitalisant sur l’outil de travail qu’est l’officine. Les revenus générés par cet investissement dépendent de la rentabilité de l’entreprise, des dynamiques du marché à l’acquisition et à la revente de l’officine, et du coût du crédit. Mais ces deux objectifs – rémunérer le travail et le capital – doivent être soigneusement distingués, en particulier dans les sociétés d’exercice libéral (SEL) où les participations des exploitants au capital peuvent être inégales ou en présence d’associés investisseurs.

Entre salaire et plus-value

Dans le cas où l’officine est détenue exclusivement par un seul exploitant, la question de la rémunération du travail et du capital se pose moins, car l’associé unique ajuste lui-même sa rémunération. Si elle est faible, elle pourrait être contrebalancée par la valorisation de l’entreprise, grâce à son désendettement ou à l’accumulation de réserves de trésorerie. Selon Laurent Fruleux, expert-comptable associé chez AdéquA, « le fruit du labeur et de la capitalisation revient intégralement au titulaire, par plusieurs canaux, à court, moyen et long termes, à travers une rémunération, la perception de dividendes, le produit de la vente de l’entreprise et, plus tard, des pensions de retraite. »

Les pièges à éviter 

La rémunération des titulaires peut parfois être faussée par des considérations financières à court terme. En raison d’un régime de retraite jugé insuffisant et d’un niveau de cotisations faibles, certains titulaires adoptent des approches injustes, voire déséquilibrées, pour déterminer leur rémunération. Pour garantir un modèle viable, Laurent Fruleux conseille d’éviter ces trois erreurs courantes :

– assimiler la rémunération du titulaire à celle d’un adjoint. Comparer la rémunération d’un exploitant à celle d’un salarié sous-estime la charge de responsabilités qui lui incombe. Et les statuts sociaux diffèrent : les salariés bénéficient d’un régime protecteur, tandis que les travailleurs non salariés (TNS) sont soumis à un cadre moins sécurisant ;

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– réduire artificiellement la rémunération pour équilibrer un business plan : cela fausse l’équilibre du modèle dès le départ et compromet la pérennité de l’exploitation ;

– négliger la formalisation des règles dans les statuts ou pactes d’associés : une absence de cadre juridique peut entraîner des tensions surtout lorsque des associés majoritaires en droit de vote abusent de leur position. 

La rentabilité, un enjeu majeur

Lorsqu’il s’agit d’investir dans une société d’exercice libéral (SEL), la rentabilité des capitaux investis est un facteur clé. Elle met en perspective les apports financiers des associés et la valeur de revente de l’entreprise après plusieurs années. Par exemple, une SEL acquérant un fonds de commerce de 1,5 million d’euros, financé par 300 000 € d’apports en capital et le reste par emprunt bancaire, pourrait générer un rendement brut de 14,5 % si la valeur du fonds reste inchangée au bout de 12 ans. Cependant, si la valeur du fonds tombe à 750 000 €, ce rendement chute à 8 %. En pratique, ces projections sont soumises aux aléas du marché, aux menaces comme aux opportunités.

Avant de s’engager dans un tel investissement, Olivier Delétoille, associé d’AdéquA, recommande de se poser deux questions :

– un rendement exceptionnel (supérieur à 15 %) ne résulte-t-il pas d’une rémunération trop faible des exploitants ? Un rendement trop élevé peut être le signe d’une rémunération insuffisante du travail des exploitants, ce qui perturbe l’équilibre financier du projet ;

– un rendement faible (inférieur à 8 %) remet-il en question l’investissement ? Si la rentabilité est trop faible au regard des risques pris, notamment lorsque l’entreprise est surévaluée au départ, l’acquisition doit être reconsidérée.