Les Français plébiscitent l’officine et boudent la vente en ligne

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Les Français plébiscitent l’officine et boudent la vente en ligne

Publié le 23 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Malgré la percée d’Amazon dans la parapharmacie, les Français continuent de privilégier leurs pharmacies. Dans un marché européen en pleine expansion numérique, l’ancrage territorial des officines françaises résiste.

Le géant américain du commerce en ligne confirme son offensive sur le marché français des produits de santé sans ordonnance. Selon Iqvia, les ventes d’Amazon dans ce secteur ont progressé de 43 % au premier trimestre 2025, après + 44 % sur l’ensemble de 2024. Cette croissance repose sur l’introduction de nouvelles références, en particulier en dermocosmétique, un segment à forte marge.

Mais si la dynamique est bien réelle, son poids reste limité : les pharmacies en ligne, Amazon compris, ne représentent que 3 % du marché français. « La part de marché reste relativement confidentielle », tempère Paul Reynolds, expert chez Iqvia France.

Une exception française

À l’échelle européenne, l’e-commerce des produits en vente libre poursuit son ascension. En Espagne, 25 % des ventes de vitamines, sirops ou produits d’hygiène passent désormais par internet. En Pologne (18 %), Italie (16 %) ou Allemagne (11 %), la tendance est également bien installée.

La France fait figure d’exception. La croissance du canal digital y plafonne à 6 %, à peine au-dessus de celle des pharmacies traditionnelles (+ 3,5 %). Ce différentiel s’explique par un maillage officinal dense – 22 000 pharmacies sur le territoire – et par un attachement fort des Français à leur pharmacien.

Le réflexe pharmacie perdure

Depuis la crise sanitaire, la confiance dans l’officine s’est renforcée, souligne Iqvia. Les patients conservent « le réflexe d’aller chercher conseil en pharmacie », note Paul Reynolds, y compris pour des produits en accès libre.

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Un attachement conforté par le monopole pharmaceutique français : seules les officines dirigées par des pharmaciens peuvent vendre des médicaments, même non soumis à prescription. Un garde-fou que l’Ordre national des pharmaciens entend défendre face aux plateformes numériques.

« Aucun médicament n’est anodin »

« On comprend bien qu’il y a une recherche de simplicité d’accès, mais parce qu’il n’y a aucun médicament anodin, les pharmaciens sont là pour éviter les mésusages et les surconsommations », rappelle Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre national des pharmaciens.

La vente en ligne est tolérée, mais strictement encadrée. Seuls les médicaments non soumis à prescription (OTC) peuvent être proposés à distance. Et encore faut-il que le site soit déclaré auprès de l’ARS. À ce jour, 838 officines françaises sont autorisées à vendre ces produits en ligne.

Europe : l’Allemagne en tête

Les modèles européens divergent. L’Allemagne, leader du marché numérique officinal, affiche une part de 20 % de ventes en ligne. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les pays nordiques et la Suisse autorisent également la vente de médicaments sur ordonnance via des pharmacies en ligne, contrairement à la France, l’Espagne ou l’Italie, plus restrictives.

En France, la parapharmacie reste le seul terrain d’expansion pour les pure players. Et encore, à condition de ne pas concurrencer frontalement l’expertise pharmaceutique, pierre angulaire d’un modèle encore massivement centré sur le conseil, la proximité et la régulation.

Avec AFP

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