En 2025, la marge décroche malgré + 4 % de chiffre d’affaires

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En 2025, la marge décroche malgré + 4 % de chiffre d’affaires

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Publié le 11 juin 2025 | modifié le 13 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Les cinq premiers mois de l’année confirment une dérive amorcée en 2024 : la croissance du chiffre d’affaires officinal, portée par les médicaments chers, masque une baisse nette de la rentabilité. En cause, une érosion continue de la marge et des charges toujours plus lourdes.

Selon les données consolidées de CGP, groupement de cabinets comptables accompagnant plus de 4 000 pharmacies, le chiffre d’affaires des officines a progressé de + 5,3 % en 2024, et de + 3 à + 5 % sur les cinq premiers mois de 2025. En apparence, un indicateur rassurant. En réalité, cette croissance est entièrement alimentée par la dynamique des médicaments chers.

Ces spécialités représentent désormais 42 % du chiffre d’affaires médicaments remboursables, avec une progression de + 14 % en un an. La tranche des produits au-delà de 1 930 € a connu une inflation de plus de 20 %. Cette évolution structurelle pèse lourdement sur la composition de la marge.

Le signal d’alarme sur les honoraires

Derrière cette inflation du chiffre d’affaires, les volumes de dispensation sont orientés à la baisse. Pour la première fois, les honoraires de dispensation (actes + ordonnances) ont reculé : – 1,85 %, passant de 229 000 € à 228 400 € par officine en moyenne. Une inflexion d’autant plus préoccupante qu’elle ne semble pas conjoncturelle.

« La marge augmente un peu en euros, mais pas assez pour compenser l’inflation des charges », alerte Bastien Legrand, expert-comptable associé chez FCC et président du groupement CGP depuis novembre 2024. Le taux de marge globale est passé de 29,3 % à 28,3 % en un an, après avoir culminé à 32,5 % en 2021. En trois ans, la rentabilité nette a perdu plus de 4 points.

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Des coûts en spirale, des marges sous pression

Les charges explosent : + 7 000 € en moyenne sur les charges externes (loyers, énergie, assurances), calculées sur un chiffre d’affaires dopé aux produits chers. Mais la pression principale vient des frais de personnel. En 2024, la masse salariale a augmenté de + 14 000 € en moyenne… sans création nette d’emplois.

Selon Bastien Legrand, l’effet cumulé depuis 2022 représente une hausse de + 30 000 € par pharmacie, soit l’équivalent d’un poste de pharmacien à 30 heures… non embauché. « On a eu trois années d’augmentation salariale sans apport de bras. C’est une hausse purement inflationniste. »

L’EBE recule de 10 000 € en un an

Le résultat est sans appel : l’excédent brut d’exploitation (EBE) est passé de 204 000 € à 193 000 € en moyenne entre 2023 et 2024. Une baisse de – 5 %, qui impacte plus fortement les petites officines. Pour un EBE de 100 000 €, la perte représente 10 % de la rentabilité.

En 2025, la tendance ne s’inverse pas. « Le chiffre d’affaires continue de progresser, mais la marge décroche. La corde de l’EBE est tendue », observe le président de CGP.

Et pour cause : l’EBE sert à rembourser les prêts, investir, payer l’impôt… Toute dégradation pèse donc immédiatement sur la soutenabilité du modèle officinal.

Un décalage croissant avec l’inflation

Sur dix ans, l’EBE n’a progressé que de + 5 %, tandis que l’inflation cumulée dépasse les + 30 %. En euros constants, les officines ont donc vu leur pouvoir d’achat s’effondrer de 25 %. « L’activité reste rentable, mais beaucoup moins qu’avant. Pour les pharmacies acquises récemment sur des multiples élevés, la solvabilité devient un sujet critique », conclut Bastien Legrand.

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