Ce que les patients attendent

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Publié le 19 décembre 2009 | modifié le 29 août 2025
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La plupart des associations de patients possèdent des comités scientifiques, certaines financent même la recherche. Leurs avis sur les traitements du futur sont donc très intéressants à écouter.

Fini le temps où les malades chroniques n’avaient pas voix au chapitre, se heurtant sans cesse au mur blanc du silence ! Prends tes médicaments et tais-toi, en somme. Et encore, quand des traitements efficaces étaient disponibles…

Grâce à l’essor des associations et à la volonté, toute récente, des pouvoirs publics d’entrer de plain-pied dans une véritable démarche éducative, les patients demandent de plus en plus à être informés, accompagnés et surtout écoutés par les professionnels de santé. Pour les pharmaciens d’officine en particulier, ce n’est plus le médicament qui doit être le coeur de leurs préoccupations professionnelles, mais bel et bien celui ou celle à qui ils les délivrent…

Il nous faut donc tenir compte des voix des patients qui pèsent maintenant de tout leur poids dans les choix thérapeutiques d’aujourd’hui, mais aussi sur les orientations de la recherche. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité poser à dix associations de patients la question suivante : « Quelles sont les pistes actuelles de recherche qui vous paraissent les plus prometteuses d’ici 5 ans, 10 ans ou plus ? »

Au vu des grandes innovations qui s’annoncent, nous leur avons également demandé si, selon elles, les pharmaciens d’officine auront toujours un rôle à jouer dans la délivrance des futurs traitements. Ou si, plutôt ce sont les laboratoires pharmaceutiques qui vont de plus en plus, dans les années qui viennent, envoyer leurs traitements les plus innovants – et donc les plus chers – directement aux patients concernés. Vous pouvez être rassuré…

Pr Thibault Moreau, Association pour la recherche sur la sclérose en plaques*

Favoriser la remyélinisation

Ces 15 dernières années, la large utilisation de l’IRM, l’arrivée de nouveaux traitements, la meilleure connaissance des mécanismes de la maladie ont suscité de réels espoirs dans la sclérose en plaques. De nouveaux médicaments seront disponibles dans l’avenir. Pour les SEP plutôt débutantes, des médicaments innovants per os d’action immunosuppressive vont apparaître. Aujourd’hui, tous les traitements sont injectables !

Pour les formes plus agressives, des anticorps monoclonaux, agissant sur des cibles déduites des avancées de la recherche, sont déjà prescrits et vont encore se développer. Une molécule inhibant les canaux potassiques et améliorant la conduction nerveuse dans les fibres démyélinisées devrait être largement utilisée après de premiers résultats encourageants. Dans les formes sévères, la transplantation de moelle osseuse pourrait constituer une intéressante stratégie thérapeutique.

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[…] La découverte récente dans les formes progressives d’une inflammation diffuse dans la substance grise, différente de l’inflammation focale trouvée dans la SEP à poussées, incite à tester l’efficacité de nouvelles stratégies anti-inflammatoires pour ces formes particulières habituellement sévères de SEP. Par ailleurs, on sait que la SEP atteint la myéline mais aussi l’axone. Il existe, au cours de l’évolution de la maladie, une cohabitation entre les phénomènes dégénératifs, l’inflammation et les mécanismes d’autoréparation. Favoriser la remyélinisation constitue un enjeu important. Aider à la remyélinisation spontanée en favorisant les facteurs promyélinisants et en inhibant les autres ou par le biais de cellules-souches à haute capacité de fabriquer de la myéline est une stratégie séduisante. Parallèlement, des protecteurs axonaux devront être évalués pour accompagner le traitement de la démyélinisation.

* Neurologue au CHU de Dijon, vice-président du Comité médicoscientifique de l’Association pour la recherche en plaques (http://www.arsep.org).

Quid du pharmacien ?

La création de réseaux de soins régionaux ces dix dernières années a mis en évidence l’importance du pharmacien. C’est l’acteur de santé qui voit le plus souvent le malade (qui va chercher son traitement chaque mois mais ne voit son neurologue que tous les 6 mois !). En plus de délivrer le médicament de fond, il informe et rassure le malade, le plus souvent jeune adulte actif, avec des enfants… Outre les molécules complexes prescrites en traitement de fond, il gère les médicaments symptomatiques essentiels à la qualité de vie. Les médicaments seront de plus en plus per os, normalement distribués par les officines. En cas de traitements lourds injectés à l’hôpital, le malade aura toujours besoin de son pharmacien dans la gestion symptomatique des complications. Quel que soit le stade de la SEP, il a un rôle primordial dans la prise en charge globale et le gardera de façon certaine.

Patricia Preiss, Association française des polyarthrites*

Identifier de nouvelles actions

Plusieurs pistes de recherche sont prometteuses pour lutter contre la polyarthrite rhumatoïde et les rhumatismes inflammatoires chroniques, dont celles sur la combinaison entre facteurs génétiques et facteurs d’environnement. Aujourd’hui, on recherche toujours les gènes qui prédisposent à la maladie […]. Le laboratoire Genhotel, que l’AFP finance depuis sa création, a confirmé le 4e facteur génétique. On estime que, quand ils seront tous identifiés, on aura compris environ 30 % des mécanismes de la polyarthrite. Par ailleurs, tous les facteurs environnementaux pouvant favoriser la survenue d’une PR sont étudiés. Le rôle du tabac comme facteur de risque important dans la survenue de la maladie est confirmé, ce qui permet de pousser encore plus la recherche sur les différents facteurs d’environnement suspectés.

L’identification de nouveaux ciblages dans la réaction immunitaire et l’inflammation est une autre piste […], dont le ciblage de différentes cytokines, celui d’une cellule en particulier et les voies de signalisation de la cellule. Par ailleurs, les immunologistes cherchent à comprendre comment se fabriquent les autoanticorps et les éventuelles anomalies dans la rencontre du lymphocyte B-lymphocyte T, étape indispensable à la réaction auto-immune. Enfin la pharmacogénétique étudie les sous-groupes de la PR pour savoir quel sera le traitement le plus efficace.

* Secrétaire générale de l’Association française des polyarthritiques (http://www.polyarthrite.org).

Quid du pharmacien ?

Il gardera son rôle dans la délivrance de ces traitements à condition qu’il soit ouvert à un programme d’accompagnement de sécurité.

Jean-Marc Pinard, Epilepsie France*

Bénéficier du boom de la génétique

Depuis 20 ans, plus d’une dizaine de nouvelles molécules antiépileptiques ont été proposées. Si elles sont souvent mieux tolérées que leurs prédécesseurs, des progrès restent possibles concernant leur facilité d’utilisation (forme retard en une seule prise), leur innocuité pour le foetus ou leurs faibles interactions médicamenteuses. En premier lieu, on progresse sur la connaissance des épilepsies réfractaires résistantes aux antiépileptiques. Certains facteurs de résistance commencent à être identifiés, comme par exemple des variants génétiques de protéines associés à une diminution de la quantité de médicament disponible dans les zones épileptogènes.

Dans le cas d’épilepsies lésionnelles ou chirurgicales, ces zones épileptogènes seront mieux définies chez chaque patient grâce aux progrès combinés de l’imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle. Ensuite, la stimulation cérébrale profonde paraît une bonne alternative ou un complément aux résections chirurgicales, sans effet secondaire médicamenteux.

Enfin, un dernier domaine prometteur concerne la détection des crises à leur début ou encore leur prédiction grâce à l’identification de signes prémonitoires, de facteurs déclenchants ou de signaux neurophysiologiques précis. En second lieu, on peut espérer des progrès thérapeutiques pour l’ensemble des autres épilepsies. Depuis 10 ans, l’épilepsie a bénéficié du boom de la génétique. La découverte de nouveaux gènes impliqués dans les épilepsies héréditaires pourrait à terme mener à des traitements spécifiques, ciblant un seul gène ou ses produits protéiques. La recherche clinique a beaucoup à apporter en prenant mieux en compte la survenue de troubles neuropsychologiques ou de la personnalité qui peuvent accompagner l’épilepsie.

* Membre du conseil d’administration de l’association ( http://www.epilepsie-france.com).

Quid du pharmacien ?

Dans le futur, certains antiépileptiques pourraient être prescrits dans des centres habilités pour des cas d’épilepsie rares et de cause bien identifiée. Mais la délivrance d’antiépileptiques se fait avant tout en officine, à l’exception de quelques-uns délivrés uniquement en pharmacie hospitalière. Les officinaux resteront donc des interlocuteurs privilégiés pour les patients dont l’épilepsie est bien contrôlée, soit la majorité d’entre eux. Dans l’avenir, ils auront par ailleurs à dispenser tous les génériques des antiépileptiques actuels. Ils auront alors la mission de veiller attentivement aux variations de biodisponibilité ou de pharmacocinétique d’un générique à l’autre, pouvant avoir des effets sur le contrôle des crises d’épilepsie.

France Dépression*

Commençons par enrayer les effets indésirables

Nos adhérents souhaiteraient qu’une certaine partie de la recherche à court terme soit consacrée à l’enrayement des effets secondaires indésirables des traitements actuels, pouvant être efficaces par ailleurs, et notamment la prise de poids, les troubles de la libido, les effets atropiniques, l’obnubilation, les troubles de la mémoire… Ceci semble plus important encore pour ceux ayant des traitements au long cours, dont les effets combinés de plusieurs médicaments pris à long terme sont mal connus.

D’ici dix ans ou plus, les recherches sur le cerveau et les neurosciences devraient permettre de localiser et traiter les zones du cerveau affectées menant à la personnalisation des traitements et une efficacité bien plus rapide, avec toujours un minimum d’effets indésirables. Une meilleure connaissance du sommeil et l’avenir de la stimulation magnétique transcrânial réitérée sont des domaines prometteurs qui intéressent aussi nos adhérents.

Mais encore, une synthèse serait nécessaire entre la vision « électrohormonochimique » du cerveau (chimiothérapies, électroconvulsivothérapies ou autres stimulations transcrâniennes) et l’approche psychothérapeutique qui engagera personnellement le patient dans le processus de sa guérison en tentant d’agir aussi au plus près des causes de sa maladie, avec la prise en compte de son environnement, sa nutrition, son activité physique et avec une approche globale et pluridisciplinaire…

N’aurons-nous progressé que lorsque ces deux visions de l’immense complexité du cerveau humain auront convergé chez les mêmes chercheurs, puis praticiens ?

* Site : francedepression.free.fr

Quid du pharmacien ?

Malgré leurs craintes, nos adhérents estiment que les pharmaciens auront toujours un rôle dans la délivrance des traitements, et bien plus. Le niveau de leurs connaissances médicales, leur responsabilité envers les patients (sur les risques, les effets secondaires ou la prise concomitante d’autres médicaments), leur rôle de proximité, d’écoute et d’intermédiaire avec le médecin traitant sont indispensables. Nos adhérents estiment que parfois les pharmaciens sont humainement plus accessibles que leurs propres médecins, lesquels ont parfois une image paternaliste. Enfin, ce rôle des pharmaciens a l’avantage de déstigmatiser la dépression, avec l’espoir que plus de personnes auront accès aux soins. Quant à l’intervention directe des laboratoires auprès des consommateurs, nos adhérents y sont opposés et sont pleinement conscients de leur impact.

Patrick Vexiau, Association française des diabétiques*

De l’insuline per os : possible mais coûteux !

Les avancées significatives concerneront le mode d’administration des analogues de l’insuline et la thérapie cellulaire. Sur le premier point, les pompes à insuline ont déjà révolutionné le traitement en permettant une délivrance en continu plutôt que plusieurs injections par jour. D’ici dix ans, on peut penser que l’administration de l’insuline se fera par patchs avec des micro-aiguilles.

En revanche, les recherches concernant un inhalateur d’insuline semblent vouées à l’échec en raison d’effets secondaires graves (cancer du poumon…). L’administration per os de l’insuline peut être envisagée. Mais le traitement risque d’être coûteux au vu des doses nécessaires pour maintenir un taux de glucose satisfaisant dans le sang. Enfin, concernant la thérapie cellulaire, quand aujourd’hui un patient reçoit une greffe de cellules pancréatiques, le greffon dure un, voire deux ans. Grâce aux avancées de la médecine, on repoussera sa durée de vie à trois ou quatre ans. Mais reste le problème du manque d’organes face aux 200 000 diabétiques de type 1 candidats à une thérapie cellulaire en France. C’est pourquoi d’autres recherches se tournent vers l’autogreffe (réinjecter au patient ses propres cellules-souches différenciées en cellules productrices d’insuline). D’ici dix ans, la thérapie cellulaire sera plus efficace et plus accessible.

* Secrétaire général de l’Association française des diabétiques (http://www.afd.asso.fr).

Quid du pharmacien ?

Avec le développement des traitements de pointe, on pourrait redouter que le pharmacien n’ait plus un rôle aussi important vis-à-vis du patient. Il n’en est rien. D’une part, parce que d’ici 10 ans la Pharmacopée contre le diabète de type 2 (9 cas de diabète sur 10) aura connu un véritable essor. Ces antidiabétiques sont certes déjà efficaces, mais des progrès sont attendus concernant la baisse du poids ou l’impression de satiété. Des nouvelles formulations permettront une prise de médicament plus espacée, jusqu’à une seule fois par mois. D’autre part, la pharmacie sera toujours un passage obligatoire pour le patient, en particulier avec le décret à venir sur la collecte des DASRI. Le besoin d’information du patient risque d’être accru dans 10 ans avec la pénurie prévue chez les professionnels de santé. On le voit déjà aujourd’hui avec les lecteurs de glycémie, car l’offre est tellement large que le patient ne s’y retrouve pas. Les laboratoires privés auront sans doute leur rôle à jouer de ce côté, mais cela ne se fera pas sans le concours des médecins traitants, des diabétologues et des pharmaciens.

Bruno Favier et André Nieoullon France Parkinson*

La neurostimulation en attendant la thérapie génique

La prise en charge des patients passe avant tout par des médicaments dont l’efficacité est avérée : la dopathérapie corrige le déficit de production de la dopamine, le neurotransmetteur qui vient à manquer dans la maladie. Ses effets secondaires comme les dyskinésies sont limités grâce à des agonistes dopaminergiques ou des inhibiteurs d’enzymes de dégradation. Mais d’ici 5 à 10 ans, les progrès en termes de prévention permettront de repousser au maximum le recours à ces médicaments. En effet, on peut s’attendre à découvrir de nouveaux marqueurs précoces de la maladie afin d’identifier plus tôt les patients à risque. Ensuite, des pistes de recherche prometteuses concernent la neuroprotection, c’est-à-dire la mise au point de traitements qui reculent la survenue de la maladie dans le temps et ralentissent son évolution. L’autre domaine de recherche important porte sur la neurostimulation. Après une opération chirurgicale lourde (implantation d’électrodes profondes dans le cerveau), celle-ci régule efficacement et pendant au moins une dizaine d’années l’apparition des symptômes. Dans 5 ans, les neurochirurgiens disposeront peut-être de sites de stimulation plus accessibles comme les sites corticaux. Et pourquoi pas envisager dans 10 ans de remplacer la neurostimulation par la thérapie génique en vue de rétablir la production défaillante de dopamine au coeur du cerveau.

* Respectivement président de France Parkinson et vice-président du comité scientifique de France Parkinson (http://www.franceparkinson.fr).

Qui du pharmacien ?

D’une part, la maladie de Parkinson est extrêmement complexe : on recense ainsi vingt symptômes (constipations, troubles du sommeil, douleur…) en plus des troubles habituels (lenteur, raideur, tremblements). D’autre part, les patients ne sont pas toujours conscients de la nécessité d’observer correctement leur traitement ou du risque d’effets secondaires. Avec une visite par mois en moyenne, le pharmacien semble le plus à même pour éduquer le patient, en lui expliquant par exemple que certains troubles sont dus aux médicaments et non à la maladie. Charge à lui de former et d’informer la clientèle. Il faudra sans doute pour cela développer des outils comme un site Internet ou une plate-forme téléphonique pour répondre aux questions du pharmacien.

Françoise May-Levin Ligue nationale contre le cancer*

Généraliser les tests prédictifs

Le traitement des cancers connaît aujourd’hui un véritable tournant grâce aux molécules ciblées qui reconnaissent et détruisent avant tout les cellules cancéreuses. En complément d’une chimiothérapie, de tels traitements ont déjà montré leur efficacité, comme cela a été le cas pour le Glivec contre la leucémie myéloïde chronique. Mais leur essor pose de nouveaux problèmes, notamment du point de vue des effets secondaires parfois graves et souvent différents de ceux causés par la chimiothérapie.

Par ailleurs, la biologie moléculaire est devenue un outil indispensable dans la réussite des traitements ciblés. Des études internationales sont en cours sur le cancer du sein et du côlon pour rechercher de nouveaux gènes associés à la gravité de la maladie. Il s’agit de prédire au mieux, grâce à un test génétique, la réponse du patient cancéreux à une molécule spécifique. L’objectif, dans 5 ou 10 ans, est de généraliser ce type d’approche à l’ensemble des cancers. Mais pour des tumeurs découvertes très tard comme celle du pancréas ou de l’estomac, cela ne suffira vraisemblablement pas.

De véritables progrès sont donc nécessaires pour dépister précocement la maladie. Aujourd’hui, l’imagerie et la découverte de nouveaux marqueurs moléculaires paraissent les pistes les plus prometteuses. La LNCC finance l’un des programmes internationaux de recherche phares en la matière : la carte d’identité des tumeurs.

* Conseillère médicale pour la LNCC (http://www.ligue-cancer.net).

Quid du pharmacien ?

Dans un domaine de recherche où une nouvelle molécule anticancéreuse est annoncée chaque semaine, la mission de délivrance des traitements assurée par le pharmacien ne semble pas menacée. Ce dernier devra porter une attention particulière aux nouvelles formes pharmacologiques de chimiothérapies et de molécules ciblées. Ainsi, la prise de comprimés per os pose de nouvelles questions : quelles sont les précautions à prendre ? que faire en cas de vomissements ?… Le pharmacien est aussi un interlocuteur de choix pour la prévention. A la LNCC, nous travaillons pour que son rôle soit continuellement renforcé. Il serait bon par exemple d’intégrer aux nouveaux établissements des pièces de confidentialité pour recevoir et conseiller les malades. Enfin, il est essentiel que les laboratoires restent en dehors de la prise en charge médicale. Les molécules anticancéreuses risquent de coûter de plus en plus cher et, pour des raisons déontologiques, on ne peut pas permettre aux laboratoires privés d’adresser leurs traitements directement aux patients.

Dr Gilles Garcia, Asthme #amp; allergies*

Des anticorps monoclonaux dans l’asthme sévère

Les perspectives de recherche sont différentes selon qu’il s’agisse d’asthme persistant léger à modéré ou d’asthme sévère. Les médicaments disponibles en pharmacie sont efficaces chez plus de 90 % des patients atteints d’asthme léger à modéré. La pierre angulaire du traitement de l’asthme léger à modéré reste la corticothérapie inhalée à faibles doses qui présente un rapport bénéfice-risque très favorable en raison de sa grande efficacité et de l’absence d’effets secondaires. La désensibilisation (immunothérapie spécifique) est efficace pour la prise en charge de l’allergie et de l’asthme non sévère mais donne de meilleurs résultats chez les enfants et adolescents que chez les adultes. D’ici deux à cinq ans, plutôt que d’être injectée en sous-cutané ou en gouttes sublinguales, elle pourrait être dispensée per os, c’est-à-dire en officine, le pharmacien étant plus apte à délivrer des doses d’allergènes standardisées. Des recherches prometteuses visent à utiliser des molécules capables de réorienter la réponse immunitaire. Toutefois, elles ne seront pas disponibles avant dix ans.

C’est donc dans le champ de l’asthme sévère que la Pharmacopée est amenée à se développer. Dans les asthmes réfractaires, les traitements ne suffisent pas à contrôler les symptômes. L’avenir passera probablement par des thérapeutiques ciblées comme les anticorps monoclonaux afin de limiter la réaction inflammatoire lors des crises. Pour l’instant, seul l’omalizumab (Xolair) a obtenu l’AMM dans l’asthme allergique sévère difficile à contrôler, mais d’autres médicaments en voie de développement pourraient rejoindre le marché d’ici 5 à 10 ans (anti-IL5, anti-IL13, voie des lipoxines et traitement antiendothélines).

* Responsable de la prise en charge des asthmes sévères dans le service de pneumologie-réanimation respiratoire de l’hôpital Antoine-Béclère, délégué par Marc Humbert, membre du conseil d’administration d’Asthme #amp; Allergies (http://www.asthme-allergies.org).

Quid du pharmacien ?

Les asthmatiques sévères, souvent suivis en pneumologie hospitalière, seront au fait des nouveautés. L’officinal a en revanche un rôle de conseil important à jouer dans l’asthme léger à modéré. En effet, l’asthme reste globalement sous-diagnostiqué et de nombreuses prescriptions d’antibiotiques pour des bronchites asthmatiformes pourraient être évitées. Lorsque ces bronchites durent plus de trois à quatre semaines malgré une à deux prescriptions d’antibiotiques (ou se répètent), le pharmacien peut suggérer au patient la recherche d’une pathologie chronique type asthme ou BPCO.

Arlette Meyrieux France Alzheimer*

Neuroprotection médicamenteuse et comportementale

Les pistes de recherche sont nombreuses et diverses. […] et certaines voies pourraient aboutir à des résultats significatifs à plus ou moins long terme : citons par exemple la voie de dégradation de la protéine tau qui cause les dégénérescences neurofibrillaires, l’immunothérapie ou encore la neuroprotection.

La première est sans doute la plus médiatique puisqu’elle concerne le Rember, qui donne des résultats encourageants selon des essais préliminaires. Mais il faudra encore plusieurs années pour prouver son efficacité lors d’essais cliniques à grande échelle. Concernant la deuxième voie, plus d’une dizaine d’essais cliniques explorent l’immunothérapie chez des patients avec un diagnostic d’Alzheimer établi. La stratégie consiste à sensibiliser le système immunitaire du patient afin qu’il se défende contre le peptide amyloïde, impliqué dans la formation des plaques séniles. Même si l’organisme produit des anticorps, il s’agit d’un vaccin thérapeutique et non préventif.

Enfin, la voie de la neuroprotection pourrait conduire à la découverte de nouvelles molécules mais aussi à l’émergence de nouveaux comportements chez les patients susceptibles de développer la maladie. En effet, la correction des facteurs de risque vasculaires, le recours au régime méditerranéen ou le maintien d’une vie sociale et intellectuelle active sont autant de pistes préventives à explorer.

* Présidente de France Alzheimer (http://www.francealzheimer.org).

Quid du pharmacien ?

Dans l’avenir, nous pensons que le monopole des pharmaciens dans la délivrance des traitements contre la maladie d’Alzheimer sera préservé. Du moins en France puisque la loi HPST du 21 juillet 2009 interdit aux laboratoires de promouvoir directement leurs produits auprès des patients dans le cadre de l’éducation thérapeutique. Les professionnels de santé et les associations de patients nous paraissent être des garde-fous nécessaires dans la relation entre les laboratoires et les patients. Par ailleurs, les pharmaciens ont un rôle de proximité à jouer auprès des aidants familiaux et des personnes malades. Ils sont souvent les confidents des proches inquiets qu’ils peuvent orienter vers des associations France Alzheimer afin qu’ils bénéficient d’informations sur la maladie, le parcours de soins ou les aides mobilisables. Ce rôle de proximité est d’autant plus important que l’on estime que la moitié des personnes malades ne sont pas diagnostiquées.

Franck Barbier, AIDES*

Il faut des médicaments plus « pardonnants »

Une prise en charge et un traitement précoces sont aujourd’hui porteurs d’une meilleure espérance et qualité de vie. Des protocoles actuels de recherche promettent une utilisation simplifiée et des résultats plus rapides grâce à des tests novateurs. Pour l’instant, ils se font par prélèvement capillaire au bout du doigt, mais d’ici cinq ans il suffira sans doute d’un prélèvement de salive. C’est une avancée significative au vu des recommandations récentes de la Haute Autorité de santé, lesquelles préconise des propositions de tests plus systématiques en passant par les généralistes, les biologistes ou même les associations de malades.

Du point de vue des trithérapies, de nouvelles classes d’antirétroviraux ont fait leur apparition depuis deux ans. Il est important de soutenir un effort continu de la recherche dans ce domaine car on sait que le virus mute continuellement et 6 % des patients résistent encore aux différents médicaments.

D’ici dix ans, nous espérons également voir arriver en pharmacie des médicaments plus « pardonnants ». Aujourd’hui, un malade peut se permettre d’oublier de prendre un comprimé par mois, pas plus, ce qui paraît très difficile pour un traitement à vie. Des progrès paraissent donc indispensables pour porter sur le marché des médicaments à la demi-vie plus longue ou administrés par patch, par exemple. Par ailleurs, des essais cliniques en cours visent à démontrer l’efficacité de solutions d’immunothérapie comme les interleukines renforçant les défenses contre le virus. Enfin, l’espoir d’un vaccin subsiste et le récent essai thaïlandais a montré pour la première fois qu’un effet protecteur, bien que modeste, pouvait exister contre le sida.

* Responsable santé d’AIDES (http://www.aides.org).

Quid du pharmacien ?

Il y a fort à parier qu’il assurera toujours une mission de santé publique pour combattre le sida. Son rôle est primordial depuis quelques années lorsque les discussions entre les associations de malades et l’Afssaps ont abouti à la mise à disposition rapide des antirétroviraux en ville. Il aura également de nouveaux défis à relever comme celui de l’observance, y compris en évitant à tout prix des ruptures de stock sur les antirétroviraux. Enfin, des mesures sont encore à prendre pour garantir l’anonymat du client (stock des anti-VIH en arrière-boutique, remise au client dans des sacs) car le sida est encore un tabou.