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Le partage du Midi
Pierre Brémond pense et agit collectif. Ce titulaire a créé l’Union départementale des pharmaciens des Alpes-de-Haute-Provence. Cette intersyndicale fait mieux que réduire les coûts de fonctionnement des trois syndicats qu’elle regroupe : elle est aussi un partenaire très actif du service d’hospitalisation à domicile des Alpes du Sud.
Les Alpes-de-Haute-Provence seraient-elles une exception française dans le domaine de l’exercice pharmaceutique ? On pourrait le croire. Ici, le soleil ne donne pas seulement moral et bonne mine à ses habitants. Il ne fait pas seulement pousser les herbes aromatiques. Il a forgé une espèce particulière de titulaires pour lesquels l’action en groupe est une philosophie. Exemple parmi d’autres : l’Union départementale des pharmaciens des Alpes-de-Haute-Provence (UDP 04). L’idée de cette association qui regroupe les trois syndicats de pharmaciens du département – UPSO, UNPF et FSPF -, soit 45 des 65 titulaires du département, est née en 2006 dans la tête de Pierre Brémond, président de l’USPO 04. Il raconte : « Cette année-là, la convention avec l’Assurance-maladie confiait aux syndicats le soin d’organiser les gardes. Nous avions trois syndicats. Il était impossible qu’un seul d’entre eux représente tout le monde. J’ai pensé qu’en nous réunissant au sein d’une même association nous serions plus efficaces. »
Les moyens logistiques et financiers sont mis en commun
Pierre Brémond dit n’avoir eu « aucune difficulté » à convaincre les autres présidents. Pour plusieurs raisons. Dans un petit département, tout le monde se connaît. Deuxièmement, le titulaire est un ardent militant des actions collectives, sait s’impliquer pour la cause des autres – il a été dirigeant de la corpo et, plus tard, responsable d’une formation politique -, et sait aussi avancer les bons arguments pour convaincre. Enfin, les statuts de l’UDP 04, calqués sur le modèle de l’Union des entreprises qui, dans les Alpes-de-Haute-Provence, regroupe le Medef et la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, prévoient (en principe) une présidence tournante tous les deux ans.
Pierre Brémond est naturellement élu premier président de l’association, poste qu’il occupe jusqu’à la fin de l’année 2008, avant de passer le relai à Emmanuel Luthringer (FSPF), titulaire à Forcalquier. L’organisation des gardes, le site Internet qui lui est dédié et les rapports automatiquement adressés à l’Assurance-maladie constituent un prétexte pour aller plus loin. Très vite, les trois syndicats mettent en commun leurs moyens logistiques. Le secrétariat, sous-traité à une société extérieure, s’occupe de toutes les tâches administratives : diffusion des informations, gestion des adhésions, etc. Pierre Brémond explique : « Dans un petit pays comme les Alpes-de-Haute-Provence, la dispersion entre trois syndicats est peut-être un signe de bonne santé, mais elle implique que chaque syndicat représente un nombre restreint d’adhérents. Conséquence automatique : les moyens financiers, forcément limités, ne permettent pas à leurs responsables d’embaucher un permanent qui se chargerait des tâches administratives indispensables. Et comme, par temps de crise, il leur est impossible de délaisser leurs officines pour s’investir dans la gestion de leur syndicat, ils sont de moins en moins nombreux à le faire. D’où une crise des vocations. En leur facilitant cet aspect, en minimisant les frais de gestion, l’UDP 04 leur permet de se recentrer sur l’essentiel. » Pierre Brémond précise : « Mettre en commun nos moyens ne veut pas dire que les trois syndicats se sont fondus en un seul. Chacun, et c’est heureux, reste maître chez lui, même si l’UDP 04 fixe les règles de représentativité à la commission paritaire locale et aux réunions du Codamups (Comité départemental de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires). »
Une convention avec l’Assurance-maladie
Pierre Brémond ne peut pas s’arrêter à ces aspects pratico-pratiques. Il lui faut aller plus loin dans la démarche collective et mettre en avant ce qui fait le coeur de son métier : le conseil officinal. Il explique : « Dans un contexte où les grandes surfaces veulent casser le monopole, le pharmacien ne doit pas s’arc-bouter sur un principe. Il doit apporter la preuve que la mission de service public qu’il remplit, la plus-value qu’il apporte dans la dispensation des médicaments, justifie le monopole. » C’est cette intime conviction qui va le conduire à engager l’UDP 04 dans le dispositif d’hospitalisation à domicile (HAD), piloté par le syndicat inter-hospitalier des Alpes du Sud (SIH). Au terme d’un « long et difficile travail, d’une vingtaine de réunions avec les acteurs de la HAD, de nombreux allers-retours avec les autres titulaires, d’écriture et réécriture du texte », il a, en janvier 2008, signé une convention très détaillée avec l’Assurance-maladie et le SIH. Désormais, tout pharmacien du département, désigné par un patient comme pharmacien référent et signataire de la convention, participe à la prise en charge thérapeutique conjointe d’un patient admis dans le système HAD. Cette mission de suivi thérapeutique lui est confiée par le pôle de coordination de l’hôpital de Manosque. Ce suivi concerne la gestion des médicaments, les dispositifs médicaux et les produits consommables au domicile du patient. Il s’intéresse aussi à l’optimisation de la feuille de posologie transmise par le médecin coordonnateur du SIH. La mission prend en compte les contre-indications, les allergies, les interactions médicamenteuses, la redondance de substances actives, l’incompatibilité physico-chimique, les dépassements de posologie éventuels ainsi que l’optimisation du coût, à qualité égale. Pierre Brémond insiste : « Cette démarche d’optimisation, conduite en relation avec le médecin coordonnateur, peut amener ce dernier, en concertation avec le médecin traitant, à établir une nouvelle feuille de posologie. » Le pharmacien tient aussi à jour le dossier pharmaceutique du patient, participe à l’amélioration de la qualité du traitement, son adaptation… De ce point de vue, il souligne : « J’ai tenu à ce que notre interlocuteur soit le médecin coordonnateur. Le médecin généraliste se pense tout-puissant et tient trop peu compte de l’opinion pharmaceutique. Il a tort. Il confond délivrance et dispensation. Dans le premier cas, on se borne à distribuer les médicaments inscrits sur l’ordonnance. Dans l’autre, le pharmacien se prononce sur l’utilité et le bien-fondé de la délivrance. Pourquoi ? Parce qu’il engage sa responsabilité et qu’il a comme objectif de conseiller au mieux un patient qui lui fait confiance. »
Pierre Brémond argumente : « La convention entre l’UDP 04 et le SIH permet au pharmacien de faire son métier, d’apporter sa plus-value, de gagner en visibilité dans un monde où son rôle est peu ou mal connu, souvent décrié, et de montrer aux autres acteurs de santé que nous savons tous ensemble mener une action collective utile au bénéfice de patients fragiles. » On a oublié de dire que ce partisan des actions collectives est aussi conseiller de l’Ordre, adhérent à un groupement d’achat créé avec douze titulaires, et associé avec sept pharmaciens dans une société de matériel médical de Manosque.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Une intersyndicale permet de réduire les coûts de fonctionnement d’un syndicat.
– Elle permet de recruter plus facilement les dirigeants syndicaux.
– Elle allège le travail des responsables syndicaux.
– Elle implique une meilleure représentativité de la profession.
– Elle permet de lancer des actions collectives en matière de santé et de valoriser le rôle du pharmacien.
Les difficultés
– Beaucoup de travail !
Les conseils de Pierre Brémond
– « Pour monter une intersyndicale, il faut avoir des qualités de rassembleur, tout en ayant le souci de la liberté de choix du pharmacien de s’inscrire ou pas dans une action collective. »
– « Le pharmacien doit aussi avoir la liberté de choisir le syndicat qui le représente. »
– « Il faut distinguer l’action intersyndicale de l’action syndicale. La première facilite la gestion logistique et administrative. La seconde fait référence à une manière de concevoir l’exercice du métier. Autrement dit, le prosélytisme est à proscrire. »
– « Une intersyndicale pourrait fonctionner dans tous les départements, quelle que soit leur taille, à condition de respecter la liberté de chacun et de faire en sorte que les trois syndicats soient représentés. »
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