La Commission européenne frappe

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Publié le 11 décembre 2010
Par Magali Clausener
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La Commission européenne a procédé le 30 novembre à des perquisitions dans des laboratoires suspectés d’entente illicite pour retarder l’arrivée de génériques sur le marché. Et le 8 décembre, elle a condamné l’Ordre des pharmaciens à 5 millions d’euros d’amende pour restrictions à la concurrence sur le marché des analyses médicales. Ambiance.

Coup de théâtre juste avant l’heure du déjeuner. Mercredi 8 décembre, la Commission européenne an­nonce qu’elle condamne l’Ordre national des pharmaciens pour « restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales ». L’Ordre doit verser 5 millions d’euros d’amende « pour avoir imposé des prix minimaux » et « avoir entravé le développement de groupes de laboratoires sur ce marché en violation des règles de l’UE relatives aux ententes et pratiques commerciales restrictives ». Ce qui « a lésé les patients et l’Etat qui ont payé plus pour les analyses médicales que si la concurrence avait joué et s’était développée ». Cette condamnation, non suspensive, intervient après l’enquête menée à la suite de la plainte du groupe LABCO en 2007 auprès de la Commission européenne. Une perquisition a même eu lieu au siège de l’Ordre en novembre 2008. Et aujourd’hui, conclusion de la Commission : « le comportement de l’Ordre national des pharmaciens (ONP) est de nature à restreindre la concurrence sur le marché français des analyses de biologie médicale. » Et de constater que « dès octobre 2003, des décisions de l’ONP ont systématiquement visé des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour ». La Commission relève que, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’Ordre « a pris des décisions visant à imposer des prix minimaux, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats ». Selon la Commission, lors de la durée de l’enquête, les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres pays de l’UE.

Une sanction injustifiée

« Une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’Etat pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’Etat avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi, a déclaré Joaquìn Almunia, vice-président de la commission en charge de la politique de concurrence. En tant qu’association d’entreprises, l’ONP et ses membres sont tenus, comme tous les acteurs de la vie économique, au respect du droit européen. » L’Ordre a aussitôt réagi. Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens déclare : « Je ne peux laisser dire que l’Ordre a lésé les patients et l’Etat français. Nous estimons cette sanction injustifiée dans sa portée et son montant. Nous envisageons d’ores et déjà de former un recours en annulation devant le tribunal de l’Union européenne. » Jean Benoit, président du Syndicat des biologistes, tient un discours similaire : « Cette sanction est lourde. Nous estimons que la justification relative aux remises supérieures à 10 % est inconcevable et va à l’encontre des intérêts de santé publique. Les patients ne sont jamais bénéficiaires des remises contrairement aux entreprises qui les pratiquent. » Jean Benoit est inquiet, car la Cour de justice de l’Union européenne doit rendre son jugement sur la même affaire le 16 décembre. « Si le jugement va dans le même sens que les conclusions de la Commission européenne, cela en sera fini de la biologie médicale en France », conclut-il.

Réaction d’Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens

« Nous sommes surpris et vivement indignés par la remise en cause de la mission de l’Ordre. D’autant qu’en février 2010, lors de l’audition, nous avons expliqué que l’Ordre émettait des avis qui étaient transmis au préfet. Et c’est le préfet qui prend la décision. Par ailleurs, les tribunaux français ont toujours confirmé l’orientation de l’Ordre en ce qui concernait l’ouverture du capital. Quant aux remises de 10 %, il faut dire que ces reversements d’honoraires aux établissements de santé bénéficient à ces derniers. Et nous avons effectivement considéré qu’elles pouvaient paraître excessives et nous avons donc formulé des demandes de renseignements. Enfin, l’Ordre n’intervient nullement dans la fixation des prix, puisqu’ils sont imposés par une convention entre l’Assurance maladie et les syndicats des biologistes. Quant au montant de 5 millions d’euros, il représente 20 % du budget annuel de l’Ordre. »

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