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« Il ne faut pas donner l’impression que c’est la catastrophe »
Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de sante (CEPS), devait quitter ses fonctions fin novembre. Il a donc accepté de recevoir « Le Moniteur des Pharmacies » pour dresser un bilan de la politique des prix des médicaments.? Mais coup de théâtre le 29 novembre : Noël Renaudin reste au CEPS. Interview au cœur de l’actualité.
Lors du 63e Congrès des pharmaciens, les 23 et 24 octobre dernier, vous avez déclaré : « Le médicament n’est pas la variable d’ajustement. C’est une fable. La variable d’ajustement, c’est le contribuable. » Pouvez-vous préciser votre pensée ?
Très simplement en rappelant que, jusqu’à il y a quelques années, les innovations étaient nombreuses, et l’augmentation des prescriptions en volume et en valeur importante. Les dépenses de médicaments ont donc durablement consommé une part croissante de la dépense collective de santé, et tout le monde l’a alors admis. Depuis quelque temps, les innovations se font plus rares et les brevets tombent sur des marchés très importants. Il est donc naturel que la part des dépenses de médicaments dans la dépense totale se réduise un peu. L’arrivée des génériques peut, de ce point de vue, être assimilée à un gain de productivité du secteur, même si ce n’est bien sûr pas comparable pour les entreprises.
Est-ce que cela signifie que le secteur ne connaîtra plus de croissance dorénavant ?
Le secteur reste en croissance, même si celle-ci est beaucoup plus modérée. Certes, il est clair que plus aucun des grands pays anciennement industrialisés n’est en état de supporter à l’avenir les fortes croissances des années 1980 et 1990. Pour autant, cette industrie ne connaît jamais de crise de demande, contrairement à toutes les autres. Mondialement, la demande solvable de médicaments va continuer à croître. C’est aux entreprises d’avoir les produits dont on aura besoin et d’intégrer leur croissance propre, forte ou faible, dans la croissance globalement modérée du marché. Des taux de croissance de 2 à 3 %, ce n’est pas ridicule ! Il ne faut pas donner l’impression que c’est la catastrophe.
Lors de l’examen du PLFSS pour 2011 au Sénat, Alain Vasselle, rapporteur général de la Commission des affaires sociales, a proposé un amendement afin de prévoir une prise en compte des recommandations et des avis médico-économiques de la HAS lors de la fixation ou de la révision du prix des spécialités pharmaceutiques, et éventuellement sur l’évolution du prix des médicaments. Alain Vasselle a retiré son amendement « provisoirement », jusqu’à l’examen du PLFSS pour 2012. Que pensez-vous de cet amendement ?
Je suis plutôt attaché à la stabilité des règles lorsqu’elles sont raisonnables, et il me semble que c’est le cas des règles de fixation des prix des médicaments. En France, on fixe les prix en fonction des médicaments comparables, de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) et des conditions d’utilisation. Si les médicaments ne sont pas meilleurs, ils doivent être moins chers, et s’ils sont meilleurs, ils peuvent être plus chers. Lorsque le brevet du premier médicament d’une catégorie tombe, ce médicament devient provisoirement moins cher que ses successeurs. A tout moment, on a donc des médicaments à peu près équivalents qui ont des prix différents. La compétence médico-économique de la HAS a pour objet d’aider les prescripteurs à faire les choix les plus efficients. Si l’on devait, de façon générale, prendre en compte les avis de la HAS pour fixer les prix, le système deviendrait d’une très grande complexité. Cela n’interdit évidemment en rien, au cas par cas, de tirer les conséquences de ces avis sur certains prix, sans qu’il soit nécessaire pour autant de modifier la loi.
Fixer le remboursement des médicaments en fonction de leur SMR est une antienne des assurances complémentaires de santé. Ne va-t-on pas y parvenir ?
Ce n’est pas le même sujet. Cette question soulevée dans le cadre des expériences Babusiaux sur les informations auxquelles ont accès les complémentaires de santé, en particulier sur le SMR des médicaments qu’elles remboursent, n’a pas le même objectif. Les complémentaires souhaitent avoir ces informations pour effectuer des choix et mettre en œuvre des stratégies de remboursement en fonction du SMR. On peut comprendre que les complémentaires aient envie de faire d’autres choix que ceux de l’Assurance-maladie.
Vous évoquiez tout à l’heure le système français de fixation des prix du médicament en le qualifiant de « raisonnable ». Quelle est votre vision de ce qui se passe en Europe dans ce domaine ?
De nombreux pays regardent ce qui se passe en France et estiment que nos institutions et nos règles sont plutôt efficaces, y compris parce qu’elles sont assez bien acceptées. Fondamentalement, le système français repose sur quelques principes forts et simples. Les prix sont administrés dans un contexte conventionnel. Ils dépendent de la valeur thérapeutique ajoutée par les produits, qui est elle-même évaluée par une instance indépendante. Ces principes sont en outre d’une très grande constance – la politique conventionnelle existe depuis dix-sept ans – et offrent donc aux entreprises une bonne prévisibilité. Cela explique sans doute, à un moment où, partout dans le monde, la conciliation entre les exigences de la santé et la limitation des ressources disponibles pose des problèmes difficiles, que le pragmatisme raisonné du système français soit observé avec attention. C’est ainsi que les Allemands, pour qui la liberté des prix a durablement constitué un dogme, viennent de se résoudre à un processus de négociation et de fixation centralisée des prix des nouveaux médicaments. De même le gouvernement britannique vient d’annoncer l’arrêt de l’utilisation des analyses coût-efficacité comme critère exclusif du remboursement des nouveaux médicaments, et on doit tenir comme probable que vont s’y substituer des techniques plus proches de ce que fait chez nous la commission de la transparence.
La fixation des prix des dispositifs médicaux suscite des problèmes, notamment pour les prix de cession. Certains reprochent au CEPS de ne pas fixer systématiquement des prix de cession. Ou bien sans l’accord de toutes les parties.
De plus en plus de dispositifs médicaux ont, outre un tarif de remboursement, un prix limite de vente au public, comme c’est le cas pour les médicaments et, pour la même raison qui est de garantir un accès équitable aux soins en ne laissant pas s’instaurer de reste à charge non maîtrisé, pour les patients. En revanche, à la différence du médicament, la marge de distribution n’est pas garantie et le partage du prix entre le fabricant et les divers niveaux de distribution est une question de rapport de forces, comme dans les autres secteurs de l’économie. Il arrive que ce rapport soit favorable à l’officine, comme c’est le cas pour les génériques ou pour les dispositifs médicaux prescrits sous nomenclature générique. Dans d’autres cas, ce rapport peut être moins favorable, lorsque sont prescrits des dispositifs médicaux sous nom de marque, et donc non substituables. Tout cela fait une moyenne, et le CEPS, dans le principe, souhaite intervenir le moins possible sur la réglementation des marges. Par exception, lorsque la liberté commerciale entre intermédiaires constitue une menace pour la disponibilité des produits en pharmacie, le CEPS intervient en fixant des prix limites de cession. Mais cela doit demeurer une exception.
Les génériques soulèvent aussi des débats, en particulier avec la proposition de TFR « haut » lors des négociations sur la marge des pharmaciens. En 2004, vous étiez pour le principe de TFR haut. S’oriente-t-on vers cette voie ?
En 2004, cette orientation n’a pas été retenue. Le CEPS a toujours indiqué qu’en matière de TFR il s’en remettait aux orientations des ministres. Cela reste vrai.
Un syndicat a également soulevé récemment la question du paracétamol. Il s’interrogeait, comme de nombreux pharmaciens, sur les raisons de la non-inscription du paracétamol au répertoire des génériques. Avez-vous une explication à nous donner sur ce sujet ?
C’est simple : la France est un très grand producteur de paracétamol. Les pouvoirs publics ont estimé qu’il était rationnel de maintenir une production en France à coût équivalent pour l’Assurance-maladie. Ne pas créer un groupe générique pour le paracétamol a permis de maintenir la production tout en réalisant, par la baisse des prix, une économie du même ordre que celle qui aurait été obtenue en organisant la substitution. L’aspect industriel est une préoccupation légitime du gouvernement. Ce dernier souhaite que la France conserve une place importante sur le marché du médicament en termes de découvertes et de production. La France est fortement exportatrice dans ce domaine.
Les grands conditionnements posent aussi problème. Ils génèrent des économies pour l’Assurance-maladie, mais les pharmaciens souhaitent qu’ils disparaissent. Quelle est votre position ?
En 2004, la mise en place des grands conditionnements dans certaines classes de médicaments était destinée, très explicitement, à assurer la contribution des pharmaciens au plan de retour à l’équilibre des comptes qui accompagnait la réforme de l’Assurance-maladie. Et ça a fini par fonctionner. Il n’est donc guère étonnant que les pharmaciens ne voient pas d’un bon œil ce dispositif. Toutefois, aucune extension générale du champ des grands conditionnements n’est aujourd’hui envisagée. C’était à l’époque la contribution des pharmaciens. Et ça marche.
Pensez-vous qu’il peut y avoir une politique de médicaments commune au sein de l’Union européenne ?
Je ne le pense pas. Il est possible qu’un cadre technique d’évaluation comparative des médicaments soit progressivement mis en place, autour ou à côté de l’AMM. Mais les orientations politiques resteront nationales.
Quel bilan tirez-vous de votre présidence au CEPS ?
Il ne m’appartient pas de dresser de bilan. Je peux seulement dire, à titre personnel, que c’est un métier passionnant.
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