LES PROMESSES DE XAVIER BERTRAND

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Publié le 2 avril 2011
Par Magali Clausener
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Xavier Bertrand a inauguré Pharmagora samedi, 26 mars. Pas de discours, mais un débat avec les syndicats professionnels et l’Ordre. Pas de monts et merveilles, mais des décrets signés et un calendrier fixé pour le PLFSS 2012.

Pour son « retour » à Pharmagora le 26 mars, Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, n’a pas voulu tenir le « discours habituel ». Le ministre a opté pour une table ronde réunissant Philippe Gaertner, président de la FSPF, Gilles Bonnefond, président de l’USPO, Frédéric Laurent, président de l’UNPF, et Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, pour « être sûr » de ne pas passer « à côté des préoccupations de la pharmacie ». Au programme, un tour d’horizon des sujets brûlants de l’officine : rémunération, nouveaux services, génériques, EHPAD, sociétés de participation financière de professions libérales (SPF-PL)… Xavier Bertrand a répondu à toutes les interrogations sans faux-semblants : « Je ne suis pas là pour apaiser, mais pour dire la vérité. Je ne suis pas là pour faire un exercice de câlinothérapie. »

Premier point abordé par Philippe Gaertner : le calendrier des négociations. Le ministre a affirmé que les négociations reprendront après la remise du rapport de l’IGAS, prévue désormais en mai ou juin, contre fin avril initialement. Les décisions seront prises dans la foulée pour être intégrées dans le calendrier législatif, c’est-à-dire le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012. Xavier Bertrand veut également attendre la fin des Assises du médicament : « Il y aura un avant et un après Mediator. Le rapport de nos concitoyens avec le médicament va changer. »

Des points positifs pour les futures négociations

Autre élément positif pour les pharmaciens : les rémunérations des nouveaux services seront complémentaires à la marge commerciale. « Je dis bien complémentaires et pas “à la place” de la marge », a-t-il insisté. Et d’ajouter à la fin de la table ronde : « Le système de la marge dégressive lissée n’est plus aujourd’hui adapté. »

Autre bonne nouvelle : la signature des décrets et arrêtés sur les missions du pharmacien correspondant, les préparations des doses à administrer, les bonnes pratiques de dispensation et les conventions types entre les pharmaciens et les EHPAD. Leur « publication est imminente », c’est-à-dire courant avril, à l’exception du texte sur les conventions avec les EHPAD dont la date de parution au Journal officiel n’a pas été spécifiée. En ce qui concerne l’expérimentation dans les EHPAD, Xavier Bertrand a concédé ne pas être « emballé par la forfaitisation ». Quant à l’impossibilité pour les pharmaciens d’intégrer les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) réservées aux professionnels qui perçoivent des honoraires, Xavier Bertrand a promis que l’amendement de la loi Fourcade autorisant l’accès des pharmaciens serait réintroduit lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale le 12 avril.

Satisfaction également pour les syndicats et l’Ordre : le ministre a rappelé son attachement au monopole pharmaceutique et son opposition à la vente de médicaments sur Internet et dans la grande distribution.

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Les syndicats renvoyés dos-à-dos

En revanche, Xavier Bertrand n’a pas abondé dans le sens de Gilles Bonnefond, qui abordait les thèmes des génériques et du TFR haut, et celui des grands conditionnements. « C’est mon idée et je l’assume », a déclaré le ministre au sujet des grands conditionnements. Il a cependant temporisé : « Au départ, le pharmacien ne devait pas être le seul contributeur. S’il faut revoir les marges des uns et des autres, je ne suis pas fermé à la question. » Et de proposer de constituer un groupe de travail sur ce thème. Quant au TFR haut, le ministre n’a pas tranché, mais a remarqué à trois reprises que « tout le monde n’est pas aligné sur cette question », faisant allusion à la position de la FSPF qui avait proposé à l’automne dernier des TFR hauts pour compenser un relèvement de la 1ere tranche de la marge. Xavier Bertrand a utilisé le même argument pour le décret sur les SPF-PL, question soulevée par Frédéric Laurent : « Rapprochez-vous et je serai prêt à signer. »

Globalement, les réponses de Xavier Bertrand ont satisfait les syndicats. En habile négociateur, le ministre n’a fermé aucune porte. Mais a également laissé entrouvertes des portes de sortie. Personne ne sait, en effet, si les conclusions de l’IGAS rejoindront celles des professionnels. De plus, il faut aussi attendre la fin des travaux des Assises du médicament. Enfin, la voie législative comporte toujours des incertitudes. Certaines mesures du PLFSS peuvent être amendées, rejetées ou retoquées par le Conseil d’Etat. Sans oublier que l’ONDAM ne sera pas augmenté. Pour autant, Xavier Bertrand a été clair : « Je dois agir pour les quatorze mois qui viennent, mais si on prend les bonnes décisions, nous travaillerons pour les dix prochaines années. » « J’attends avec impatience le début de l’été », s’est exclamé Philippe Gaertner à l’annonce du calendrier. Nul doute qu’il n’est pas le seul pharmacien dans ce cas.

L’ESSENTIEL

• Xavier Bertrand a annoncé à Pharmagora la signature des décrets sur le pharmacien correspondant, les préparations des doses à administrer et les conventions types entre les pharmaciens et les EHPAD.

• Les négociations reprendront avant l’été, après la remise du rapport de l’IGAS.

• Des décisions seront prises pour le PLFSS 2012.

• Xavier Bertrand attend que les syndicats alignent leurs positions sur le TFR haut et les SPF-PL.

Vente sur Internet, ce que dit le droit

« Le droit européen ne peut obliger la France à lever l’interdiction de vendre des médicaments via Internet, mais la France ne peut pas interdire l’importation de médicaments non soumis à prescription », a expliqué Maître Cathie-Rosalie Joly, avocat au Barreau de Paris lors du débat « Vente de médicaments sur Internet, que dit le droit ? », organisé par le magazine Porphyre, samedi 26 mars. De ce fait, les Français peuvent acheter en ligne sur des sites de pharmacie d’autres Etats européens.

Claire Bouquigny

PHILIPPE GAERTNER, PRÉSIDENT DE LA FSPF

« Il y a eu un échange et un dialogue avec Xavier Bertrand, qui correspondent aux attentes de chacun. On a une visibilité de six mois et un ministre qui a marqué sa volonté politique de s’impliquer dans les dossiers et d’aboutir. Il y a une prise en compte des difficultés des officines et une volonté de changer la marge dégressive lissée. Je constate que nous avons les moyens d’avancer. Nous sommes satisfaits de la signature des décrets. Au sujet du décret SPF-PL, il nous renvoie à notre copie. Quant au TFR, il faut arrêter de se focaliser sur ce point. Il faut réajuster les curseurs. »

GILLES BONNEFOND, PRÉSIDENT DE L’USPO

« Sur l’économie de l’officine, Xavier Bertrand n’est pas dupe de la situation des pharmaciens. Il a fait deux réponses positives. Sur le TFR haut, il a clairement dit qu’il y avait un syndicat qui faisait cavalier seul. L’USPO a fait un effort en écartant l’idée du forfait à la boîte à partir du moment où le TFR haut était abandonné. Ce qui apparemment n’est pas le cas. Sur les grands conditionnements, il a accepté de revoir les marges. Je ne suis pas déçu des réponses du ministre, mais je regrette toujours que la mission de l’IGAS ait été lancée avant les négociations. »

FRÉDÉRIC LAURENT, PRÉSIDENT DE L’UNPF

« Xavier Bertrand a la volonté d’aller de l’avant, et vite. Trois axes sont à retenir : le décret du pharmacien correspondant qui permet au professionnel de santé de prendre le pas sur la vente des médicaments ; la marge commerciale qui va perdurer ; les négociations qui vont commencer après la remise du rapport de l’IGAS. Le fait d’introduire un TFR haut est un mauvais signal. Ce point me rend pessimiste. Je crois que les trois syndicats vont devoir travailler pour avoir un projet qui tient la route. »