Les nouvelles coopérations interprofessionnelles

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Publié le 16 avril 2011
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Pas encore adoptée, la proposition de loi de Jean-Pierre Fourcade inclut les pharmaciens dans les SISA et les maisons de santé.

Le statut de pharmacien correspondant n’est pas l’unique forme de coopération interprofessionnelle qui va se mettre en place. Les pharmaciens vont pouvoir intégrer les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) et les maisons de santé. La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a, en effet, amendé la proposition de loi de Jean-Pierre Fourcade dans ce sens. La loi Fourcade vise à modifier la loi HPST. Les SISA peuvent intégrer « des personnes physiques exerçant une profession médicale, d’auxiliaire médical ou de pharmacien ». Elles ont pour objet « l’exercice en commun, par les associés, d’activités de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération entre les professionnels de santé relevant de leurs professions respectives ». L’article 2 de la loi Fourcade spécifie aussi que les maisons de santé pourront être constituées « entre des professionnels médicaux, des auxiliaires médicaux ou des pharmaciens ». Les maisons de santé assurent des soins de premier recours sans hébergement, des actions de santé publique et d’éducation à la santé. De fait, les pharmaciens vont pouvoir réellement travailler dans le cadre de la coopération interprofessionnelle. Une nouvelle facette de leur métier à laquelle les médecins sont « pleinement favorables » comme le déclarent Michel Chassang, président de la CSMF, et Philippe Marissal, vice-président de MG France. Dans tous les cas, le pharmacien travaillerait donc hors de son officine.

De nouvelles rémunérations

D’où la question de la rémunération de ces actes qui ne relèvent pas de la dispensation. En outre, se pose la question de la TVA que les pharmaciens règlent pour leur activité commerciale. Or, les SISA ont été instaurées pour permettre de répartir les honoraires perçus entre les différents professionnels. « Il va falloir qu’on ait soit un paiement à l’acte, soit une lettre clé, soit des honoraires pour ces activités », estime Philippe Gaertner, président de la FSPF, qui propose aussi de transformer une partie de la marge commerciale en honoraire de dispensation à hauteur de 25 % dans un premier temps. Gilles Bonnefond souhaite également la suppression de la TVA sur ces activités : « Nous devons être à égalité avec les autres professionnels de santé ». Pour le président de l’USPO, Bercy devrait se positionner après l’adoption de la loi Fourcade. Frédéric Laurent, président de l’UNPF, partage les opinions de ses confrères. Il pointe également le problème du pharmacien titulaire ou adjoint au sein des SISA. Pour l’heure, les députés n’ont pas précisé ce détail. « Si un pharmacien adjoint intègre une SISA, il y a rupture du contrat de travail avec l’officine, souligne Frédéric Laurent. Nous aurions souhaité que la SISA soit constituée de personnes morales et non de personnes physiques. » Gilles Bonnefond rejoint Frédéric Laurent sur ce point. Quoi qu’il en soit, les amendements soutenus par Xavier Bertrand peuvent encore être modifiés avant d’être votés ou non. Nous n’en sommes qu’à la première lecture…

FRÉDÉRIC LAURENT, PRÉSIDENT DE L’UNPF

« Il ne s’agit pas de délégation de tâches. Je ne souhaite pas devenir médecin. Ce n’est pas non plus un protocole tripartite entre le prescripteur, le patient et le pharmacien. Il doit être validé par les Agences régionales de santé. »

GILLES BONNEFOND, PRÉSIDENT DE L’USPO

« Les médecins ne peuvent plus camper sur une posture. Ceux qui interprètent le pharmacien correspondant comme une ingérence n’ont pas compris le texte ou sont de mauvaise foi. Nous ne sommes pas là pour faire un diagnostic et des prescriptions. On leur propose une coopération concrète qui leur fait gagner du temps. Il faut y aller doucement et sans provocation. »

PHILIPPE GAERTNER, PRÉSIDENT DE LA FSPF

« Le pharmacien correspondant peut intervenir dans des zones en sous-densité médicale, mais pas seulement. En pratique, soit le médecin propose un accompagnement au patient, soit le pharmacien repère un patient qui a besoin d’un accompagnement. Mais c’est bien le médecin qui donne au pharmacien la possibilité de renouveler une ordonnance. Il y a beaucoup d’agitation autour de tout cela. Je ne vois pas dans ce texte ce qui enlève des prérogatives aux médecins. Il faut certainement user de pédagogie sur le terrain. »

JEAN-CHARLES TELLIER, PRÉSIDENT DE LA SECTION A DE L’ORDRE DES PHARMACIENS

« C’est une formalisation des échanges qui existent déjà entre médecins et pharmaciens. Dans le cadre du protocole, il faut connaître les limites de ce que fait le pharmacien. En amont, il doit être formé et le prescripteur informé qu’on ne lui retire rien, qu’on fait “avec” et pas à “la place de”. L’élément important n’est pas cité dans le décret : c’est le patient. Il est à la fois l’objet du protocole et le lien entre professionnels de santé. C’est lui qui va évaluer si, grâce à cette procédure, il obtient les résultats escomptés. »

MICHEL CHASSANG, PRÉSIDENT DE LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS MÉDICAUX FRANÇAIS

« Oui à la complémentarité, à la coordination entre médecins et pharmaciens. Oui à l’intervention du pharmacien et du dossier pharmaceutique pour une meilleure observance du traitement. Mais nous ne sommes pas d’accord pour que les uns prennent le boulot des autres. En pratique, il pourrait y avoir des dérives. Je ne veux pas que le pharmacien se mette à prescrire. »

PHILIPPE MARISSAL, VICE-PRÉSIDENT DE MG FRANCE

« Tout ce qui peut faciliter l’accès au soin de la population est une bonne chose. Le renouvellement de l’ordonnance et l’ajustement de posologie, cela vient régulariser des pratiques existantes. Cela dit, il faut que chacun respecte le travail de l’autre et se recentre sur ce qui est utile pour le patient. Sur le terrain, il faut reconnaître que cette coopération ne fonctionne pas bien partout. »

Dépistage cardiovasculaire : le torchon brûle avec les médecins

L’Ordre des Médecins s’attaque au dépistage des maladies cardiovasculaires en officine proposé par le Collectif des groupements (CNGPO), en partenariat avec l’assureur Allianz (voir Le Moniteur du 22 janvier 2011). Il s’agit du premier bilan de prévention rémunéré (glycémie, tension artérielle, etc.). « Tel qu’il est organisé, ce dépistage présente des éléments constitutifs d’un exercice illégal de la médecine », estime André Deseur, membre du Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM). Ce dernier a décidé de déposer un recours à l’encontre du CNGPO. Son président, Pascal Louis, indique qu’il n’est pas « au courant d’une action quelconque » du CNOM.

Autre grief : les médecins se plaignent de ne pas recevoir le retour des évaluations de façon systématique. Réponse de Pascal Louis : « Un courrier type est mis à disposition du pharmacien afin d’informer le médecin traitant des résultats du dépistage. Ce courrier est bien sûr adressé au médecin avec l’accord du bénéficiaire. »

Le CNOM s’interroge aussi sur le devenir des informations recueillies. « En aucun cas, elles ne sont transmises à l’assureur, qui est seulement notre partenaire financier », précise Pascal Louis. MV