Gardes : Le dossier oublié

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Publié le 18 mai 2002
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Les médecins viennent d’obtenir une revalorisation de leurs honoraires de garde. Les pharmaciens l’attendent depuis près de 20 ans. La CNAMTS n’y serait pourtant pas opposée.

Les indemnités de garde et d’urgence des pharmaciens d’officine n’ont pas été réévaluées depuis 1984 ! Même si la question centrale demeure la sécurité, il n’empêche qu’avec le temps les honoraires de garde font figure d’aumône. « Comment admettre des honoraires de nuit à 26 francs quand ceux des infirmières sont de 60 francs, ceux de nos confrères pharmaciens biologistes de 150 francs et ceux des biologistes médecins de 165 francs ? Assez de discrimination ! » lançait d’ailleurs Claude Japhet en début d’année lors des voeux de l’UNPF. En décembre, lors d’une rencontre avec notre ministère de tutelle, le dossier avait déjà été évoqué. L’UNPF avait alors demandé que les indemnités soient alignées sur celles des biologistes, soit 150 francs ou 22,87 euros.

L’Union des pharmaciens de la région parisienne a également donné de la voix sur ce sujet à l’occasion du mouvement de grève des gardes de nuit déclenché fin janvier. Les grévistes réclamaient que les honoraires de garde soient fixés à 19,80 euros. En février, Bernard Capdeville, en marge d’une conférence de presse consacrée au bilan de la politique contractuelle Etat-Officine, annonçait que le moment était venu de prendre le dossier des gardes à bras le corps, « parce que les médecins sont justement en train de l’aborder et plutôt habilement ». Avec notamment l’obtention en janvier dernier d’un forfait d’astreinte de 50 euros par tranche de 12 heures de garde. Car pour Bernard Capdeville, une rémunération à l’acte ne compensera jamais le faible nombre de patients se présentant dans une officine lors d’une garde. « Il faut une approche de forfaitisation des gardes vues comme des astreintes. J’attends donc de voir comment cela sera formalisé chez les médecins pour transposer le même système aux pharmaciens. C’est la requête qu’a formulée la FSPF auprès du gouvernement, y compris en ce qui concerne le montant. Une heure d’astreinte d’un pharmacien dure aussi longtemps qu’une heure d’astreinte d’un médecin ». Tout en maintenant les honoraires actuels, bien sûr.

Seulement voilà, le gouvernement Jospin est passé à la trappe et pour le moment personne ne sait si le prochain gouvernement réactivera ce dossier. D’autant qu’il aura bien d’autres chats à fouetter… Quant aux médecins, qui devaient servir de modèles pour les pharmaciens, ils sont en train de se déchirer sur la question. La signature d’un protocole d’accord sur la permanence des soins entre l’Etat, l’Assurance maladie et le conseil de l’ordre des médecins (chargé de la sectorisation et de la désignation des médecins d’astreinte) a provoqué l’ire des syndicats médicaux. Ces derniers, qui maintiennent leur mot d’ordre de grève des gardes depuis maintenant près de 6 mois, ont vu d’un très mauvais oeil l’instauration, sans concertation, d’un « Service de garde obligatoire ». Le conflit a provoqué la démission de près de la moitié des membres du bureau national de l’ordre des médecins qui a finalement diligenté une mission de médiation pour trouver un compromis entre les deux parties…

Et puis, l’Assurance maladie aura forcément son mot à dire sur une éventuelle revalorisation des honoraires de garde de la pharmacie d’officine même si le TPN demeure une prérogative de l’Etat. Et là, heureuse surprise, la CNAMTS, par la voix de Claire Martray, responsable de la division pharmacie et dispositifs médicaux, ne semble pas s’y opposer : « Je suis d’abord sensible aux problèmes de sécurité rencontrés par les pharmaciens mais il semble qu’une réévaluation soit logique ». A condition de donner le change ailleurs, comme sur les frais de photocopie par exemple : « les rémunérer 1,50 F, c’est un peu élevé ». La représentante de la CNAMTS admet toutefois que les contreparties demandées ne suffiront pas et que de toute façon il faudra tabler sur une augmentation des dépenses. « Mais il ne serait pas bon de réévaluer sans tout remettre à plat, en examinant à la fois les contraintes pour les professionnels ainsi que le service rendu . » Dans l’idéal de la CNAMTS, ce service rendu, synonyme de « qualité », pourrait être inscrit dans la convention nationale signée avec la profession. Mais les pouvoirs publics ne l’entendront pas forcément de cette oreille.

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« Je souhaite également que l’on fasse table rase de l’organisation des services d’urgence en se penchant sur les besoins objectifs de la population et en les coordonnant au niveau départemental avec l’ensemble des professionnels de santé » renchérit Bernard Capdeville. Une remise à plat qui pourrait selon lui se traduire par une baisse de la mobilisation des professionnels de santé en général et des pharmaciens en particulier. « Un certain nombre d’entre eux ont le sentiment d’effectuer des gardes virtuelles, de ne pas servir à grand chose. Ils finissent par se décourager. »

Près de 8 millions d’euros versés à la pharmacie d’officine

En 2000, les majorations pour service d’urgence facturées par les pharmaciens d’officine ont représenté 7 883 080 euros pour le régime général d’assurance maladie. Ce montant correspond à 3 337 083 facturations, incluant les différentes majorations possibles (0,99 Euro(s) de 7 heures à 21 heures, 3,96 Euro(s) de 21 heures à 7 heures et 1,98 Euro(s) les dimanches et jours fériés, de 7 heures à 21 heures).

A titre de comparaison, les dépenses de garde des médecins étaient de 72, 3 millions d’euros pour les jours fériés et les dimanches, auxquels il faut ajouter 66,3 millions d’euros pour les gardes de nuit. Pour les biologistes, les montants sont respectivement de 448 367 euros et 232 889 euros. Enfin, concernant les infirmières le montant remboursé en 2000 par l’Assurance maladie était de près de 687 millions d’euros pour les dimanches et jours fériés et de 197,1 millions d’euros pour les gardes de nuit.-

(Source : CNAMTS.)