Les préparations passées au crible

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Publié le 14 décembre 2002
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On croyait les préparations moribondes à l’officine, ce sondage auquel ont répondu près de 2 400 officinaux, dont 467 maîtres de stage, tend à prouver tout le contraire. Et elle soulève d’autant plus de questions.

Exécutez-vous des préparations magistrales ?

Je voulais arriver à notre prochaine réunion à l’Afssaps avec du concret. Alors j’ai pris l’initiative de cette enquête, aidée par la FSPF », explique Claire Sevin, pharmacienne à Clamart (92) et membre du groupe de travail constitué d’officinaux, d’industriels, d’ordinaux, de galénistes…, qui se penche actuellement à l’Agence sur la refonte du « Formulaire national ». Cette enquête avait donc pour vocation à être un véritable outil de travail et, à cet égard, ses résultats n’ont pas déçu.

Un « Formulaire » mis à jour régulièrement vous paraît-il :

Revoir le « Formulaire national ».

On y apprend ainsi, contrairement aux idées reçues, qu’une écrasante majorité d’officines continue de réaliser des préparations magistrales. « C’est important car un des enjeux actuels est de savoir si on les conserve dans la formation de base. Or il me semble important que le pharmacien puisse toujours faire du « sur mesure », même ponctuellement (doses pédiatriques, patients qui sortent de l’hôpital…). »

Préparez-vous certaines préparations officinales ?* * Dont : cérat (69 %), cold-cream (59 %), glycérolé (53 %), teinture d’iode (34 %), julep gommeux extemporané (39 %), alcool (90 %), eau de Dalibour (39 %), poudre au centième (30 %), sirop de codéine (12 %), eau oxygénée (37 %), autres (21 %).

Vu ce « score », rien d’étonnant à ce que les officinaux souhaitent (à 73 %) une mise à jour régulière du « Formulaire national », 85 % préconisant qu’il soit établi par l’Afssaps. « Etablir un formulaire qui servirait à l’industrie pour soulager les pharmaciens serait une bonne chose, se réjouit Claire Sevin. Car nous devrions abandonner ce qui n’est pas de notre ressort. En quoi est-il utile que nous fabriquions du Dakin ? »

Faites-vous les diagnoses de produits chimiques et de matières premières ?

L’impossible contrôle.

« Beaucoup de confrères ont été dégoûtés car la barre a été mise trop haute », réagit également Christian Blaesi, président du conseil central A de l’Ordre. De fait, neuf officinaux sur dix avouent qu’ils n’effectuent pas de diagnose de la matière première : « parce qu’on a confiance dans notre fournisseur, la Cooper », « par manque de temps » ou parce qu’on n’a « pas de kit, pas de matériel », relèvent plusieurs centaines d’entre eux. « On sait que le pharmacien ne peut pas faire les contrôles qu’il est censé devoir faire, analyse Christian Blaesi. La commission ordinale qui travaille sur les préparations a donc proposé que la vérification des matières premières soit sous la responsabilité du fabricant, moyennant quoi l’officinal devrait s’adresser à certains fournisseurs qui ont le statut d’établissement pharmaceutique, pour être dégagés de cette responsabilité. » En revanche, l’officinal devrait s’astreindre à une certaine traçabilité (note des lots de matières utilisées, dates, etc.). Or l’enquête montre que 71,3 % des répondants ne mettent pas ce principe en application, 84,2 % n’utilisant pas la fiche de préparation établie par l’Ordre, tandis que seuls 49,5 % possèdent le « Guide des bonnes pratiques officinales » (en attente de réédition). « Il faut savoir déléguer quand on ne sait pas, que l’on n’a pas la matière première adéquate », avance Claire Sevin.

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Sous-traitance sous surveillance.

Incontestablement, la sous-traitance a le vent en poupe – 72,3 % des pharmaciens interrogés y ont recours, mais encore faut-il que les officines « spécialisées » assurent quant à elles la qualité nécessaire et assument les conséquences des préparations qu’elles acceptent parfois de réaliser (DHEA, produits amaigrissants !…). « J’ai moi-même réalisé des préparations à base de plantes chinoises, explique Claire Sevin à titre d’exemple. Mais dès que j’ai appris qu’il y avait des doutes, j’ai arrêté… » « J’espère que les officines sous-traitantes ont les moyens de vérifier la provenance de leur matière première », lance Christian Blaesi, ajoutant qu’elles bénéficient de la sollicitude de l’Inspection de la pharmacie.

Reste enfin le problème de la rentabilité de cette activité, notamment liée aux disparités de remboursement d’une CPAM à une autre, ce qui est non seulement incohérent mais aussi source soit de démotivation, soit d’ultraspécialisation. Mais là, c’est aux syndicats de jouer, relèvent les observateurs.

NB : Le Collège français des maîtres de stage remercie tous les pharmaciens qui ont répondu à ce sondage. Pour toute précision, téléphoner au : 01 46 44 03 80.