Le Collectif redessine son espace vital

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Publié le 15 février 2003
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En se structurant en association, le Collectif des groupements entend prendre une place politique incontournable au sein de la profession. Marquant le coup par une campagne d’affichage qui a démarré le 10 février dans ses officines adhérentes, il suscite considération et… circonspection.

Peut-on se contenter d’être un géant économique et un nain politique ? Toute proportion gardée, c’est sans doute la question que se posent actuellement les groupements, désormais habitués à faire plier des laboratoires, et que traduisent bien les ambitions affichées par le Collectif des groupements, qui vient de se constituer en association loi 1901. Fort de ses onze groupements et 11 700 adhérents déclarés, qui représenteraient 65 % du CA de la profession, il souhaite être davantage écouté.

Politique.

Concrètement, le Collectif souhaite être consulté sur presque tous les grands sujets de la profession et, en premier lieu, participer aux négociations pour la prochaine convention élargie CNAM-Officine, comme l’a expliqué son président Gilles Brault-Scaillet le 6 février. Unanimes, tous les syndicats jugent cette participation aux négociations non seulement inacceptable mais aussi contraire à la réglementation, même s’ils considèrent que la voix des groupements doit être entendue. « Les syndicats sont les seuls dont la signature en bas d’un document engage la profession », précise laconiquement Bernard Capdeville, président de la FSPF. « Tout ce qui est au-delà de la politique marchande n’est théoriquement pas de leur compétence. Un groupement qui veut faire du syndicalisme fera un très mauvais syndicat, comme un syndicat qui voudrait jouer les groupements ferait un très mauvais groupement », commente Claude Japhet, président de l’UNPF. Côté USPO, on ne cache cependant pas certaines affinités : « Leurs idées, à commencer par celle d’une prescription pharmaceutique [NdlR : rémunérée], collent beaucoup à celles de l’USPO, analyse Patrice Devillers, son président. Si le Collectif le souhaite, une place est à sa disposition à notre conseil d’administration en tant que représentant des groupements à titre consultatif. » Un mélange des genres peu évident, d’autant qu’une partie des pharmaciens groupés est aussi adhérente des différents syndicats en place, à commencer par Gilles Brault-Scaillet, membre du conseil d’administration de l’UNPF.

Restructuration.

Le Collectif a jeté deux autres pavés dans la mare : la « restructuration du réseau » et l’idée d’une prescription pharmaceutique. Si le « trop-plein » de pharmacies dans certains endroits est évoqué depuis longtemps, il parle de « réduire le nombre d’officines (environ 5 000), mais en augmentant la taille moyenne pour augmenter la palette de services […]. Ce qui libérerait des professionnels pour aider à faire face à la pénurie ». Avec à la clé un assouplissement de la loi qui exige le maintien du même nombre de diplômes en cas de regroupements, et l’idée de créer un fonds commun dans la profession pour racheter les officines surnuméraires. « Pourquoi 5 000 plutôt que 2 000 ou 14 000 ?, demande Claude Japhet. Si le Collectif a une étude très fine sur le sujet, elle serait intéressante à observer. Et puis il faudrait modifier les lois. » « Faire un pot pour fermer 5 000 officines ? Mais il faudrait 1,5 milliard d’euros !, lance Bernard Capdeville, ajoutant : un syndicat ne signe pas le licenciement de ses propres confrères. » Le rachat de licence prôné par le Collectif paraît aussi « intolérable » à Patrice Devillers. Bref, si le regroupement, grâce à des incitations financières à définir, a toujours la cote, la restructuration réclamée par le Collectif est rejetée. « Ce ne sont pas forcément de petites officines qu’il faudrait supprimer à certains endroits », glisse même Jean Parrot, président de l’Ordre.

Tollé chez les médecins.

La demande du Collectif que le pharmacien devienne un prescripteur pour le petit risque – « une responsabilité qui […] rendrait service à une profession (les médecins) qui pourrait éviter ce type de consultation » – a immédiatement agité la presse médicale… avant les syndicats médicaux. « MG-France m’a déjà appelé, déclarait mardi Bernard Capdeville. Avant de parler d’une rémunération de prescription du pharmacien, il faut d’abord voir la redistribution des cartes entre médecins et caisses et surtout le faire en parfait consensus avec eux. En tout cas il ne faut pas faire ce genre d’effet d’annonce qui ne peut que tout bloquer. » Jean Parrot y voit simplement « une expression malheureuse », « mais c’est ce que nous faisons tous les jours quand un client enrhumé vient nous voir ».

La méfiance reste cependant de mise sur l’idée d’enseigne, pourtant absente du discours de Gilles Brault-Scaillet. Mais selon les instances, l’idée de « réseaux d’officines » apparaît en filigrane quand le Collectif relance, dans le cadre de l’automédication, la solution « d’un partenariat avec les assurances complémentaires ». « L’atteinte à la croix verte par rapport à une sous-enseigne qu’ils pourraient avoir envie de développer, un sous-réseau dans le réseau, jamais je ne laisserai faire cela. » Un tir de barrage qui ne s’arrête pas à l’Ordre. « Nous ne voulons pas des chaînes, or l’enseigne est la première marche vers la chaîne, lance Patrice Devillers. Ce n’est pas là que nous trouverons notre terrain d’entente. » « Imaginer des patients cherchant autour d’eux des pharmacies Axa ou AGF s’oppose à l’idée de réseau d’officines de proximité, analyse Bernard Capdeville. Or les assureurs, ce n’est pas la Sécu, c’est du business, et du plus dur. »

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Un relais.

« Si le Collectif veut faire ce qu’il dit, glisse Patrice Devillers, il faudra déjà que tous ces groupements s’entendent. Tirent-ils tous dans le même sens ? ». « Par nature, les groupements ont des intérêts différents et se font concurrence, analyse de son côté Claude Japhet. Je ne sais pas comment ils vont le gérer. » Sur le fond, pour les syndicats comme pour l’Ordre, le Collectif reprend à son compte des idées et succès initiés par les institutions. Chacun s’en félicite avec un brin d’ironie. Mais malgré une certaine circonspection, personne ne s’y trompe chez les responsables professionnels, les groupements et leur collectif, désormais structuré, apparaissent comme un formidable relais sur le terrain des différentes actions et décisions qui seront initiées demain pour la profession. « Il est urgent que les pouvoirs publics tiennent compte de cette partie plus que représentative de la profession », assène quant à lui Gilles Brault-Scaillet. Alors que l’enquête de représentativité des syndicats pharmaceutiques vient d’être bouclée, l’affirmation est piquante.

A retenir

Revendications

– Le collectif souhaite participer aux négociations sur la convention élargie

– Il réclame une restructuration du réseau et la possibilité de prescrire sur le petit risque.

– Il estime que l’action des groupements a été le déclic permettant l’octroi de la marge supplémentaire sur le générique et a été responsable du succès de la substitution (85 % des adhérents des groupements ont substitué d’emblée à 70 % et sont les moteurs de la substitution).

– Il demande toujours la libéralisation des remises.

– Des activités comme le tri des champignons ou la diffusion de messages de prévention, la livraison de médicaments à domicile ou l’opinion pharmaceutique ne lui paraissent pas envisageables sans rémunération spécifique.

– Il envisage une charte permettant notamment de « faire le tri » parmi les structures se réclamant comme des groupements.