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Le rapport Chadelat lance la réforme
Jean-François Chadelat, inspecteur général des Affaires sociales, remettra mardi à Jean-François Mattei son rapport sur la répartition des interventions entre assurances maladie obligatoire et complémentaires en matière de dépenses de santé. Avec en toile de fond un déficit abyssal de la Sécu.
On parle d’un déficit de 16,8 MdEuro(s) pour la CNAMTS au 31 mai, 22,9 MdEuro(s) fin 2003. Pourtant Jean-François Mattei affirme exclure une hausse de la CSG : « Je veux d’abord remettre de l’ordre dans la maison. » Dans ce contexte, le ministre de la Santé, qui prépare sa réforme de l’assurance maladie, auscultera attentivement le rapport Chadelat. Car si ce dernier affirme que son travail ne vise pas à réaliser des économies, il y est pourtant régulièrement question « d’un peignage fin, prestation par prestation […] et de façon permanente », ainsi que de service médical rendu (« pour moi toutes les dépenses doivent obéir à une logique de SMR I à IV, y compris à l’hôpital », lâchait-il la semaine dernière, invité par la revue Espace social européen).
Jean-François Chadelat a formalisé une couverture maladie généralisée (CMG) constituée de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et d’une assurance maladie complémentaire de base (AMCB) facultative, couvrant grosso modo les garanties assurées aujourd’hui par le régime obligatoire et les contrats de complémentaires « les plus standard ». Chaque complémentaire serait tenue de proposer un contrat d’AMCB sans sélection des risques, sans majoration pour état de santé, sans période probatoire…, dont elle fixerait les tarifs mais en limitant les majorations pour les personnes âgées et pour les jeunes. La CMU complémentaire continuera, elle, d’exister en l’état.
Remboursement à taux zéro.
Quels médicaments et prestations mettra-t-on dans le panier de soins des AMO et AMC ? Jean-François Chadelat ne s’est pas aventuré jusque-là dans son rapport, car « cela relève de l’Etat ». Il a cependant publiquement suggéré une répartition des prises en charge en fonction du SMR. SMR majeur : remboursement à 100 % par l’AMO et 0 % par l’AMC ; jusqu’au SMR insuffisant : remboursé à 0 % par l’AMO et à x % par l’AMC, avec un vrai ticket modérateur à la charge du patient. « Les veinotoniques pourraient parfaitement entrer dans cette dernière catégorie, suggère-t-il. J’ai imaginé ce taux de remboursement zéro pour conserver le « label Sécu » dans l’esprit des gens. Car si vous déremboursez un médicament, vous le tuez. »
Le haut fonctionnaire parle de copaiement, de corégulation entre l’Etat, l’AMO et l’AMC. « Nous devons participer à la gestion du risque, à la constitution des paniers de soins, précise Francis Contis, président des Associations des directeurs de mutuelles. « Le copilotage à six ou sept, on connaît déjà, tempère Gérard Arcéga, président de la CPAM du Vaucluse. Le copaiement aussi, c’est une calamité au quotidien. » « Les cotisations mutualistes risquent d’augmenter, se méfie de son côté François Joliclerc, vice-président de la Mutuelle des associations. Certains Français hésiteront à faire cette dépense facultative. » « Que ce soit du côté de l’AMO ou de l’AMC, les cotisations ont et vont augmenter de toute façon, rétorque Jean-François Chadelat. Ou alors il faudra revoir un certain nombre de prises en charges. » Alors il propose une aide dégressive de l’Etat soumise à un plafond de ressources dont bénéficieraient 13 à 20 millions de Français, selon les scénarios proposés.
Arbitrage politique.
Mais comment financer le coût de cette aide (de 1,8 à 2,8 MdEuro(s) selon le scénario) ? En diminuant les avantages fiscaux liés aux contrats collectifs d’assurance complémentaire (par l’entreprise). Et c’est là que le rapport devient politiquement délicat et fait hurler les institutions de prévoyance, les assureurs privés, les grandes centrales syndicales ainsi que le Medef et la CGPME, selon lesquels les entreprises devraient alors majorer leurs cotisions de 45 % (avec risque de conflits sociaux). Jean-François Chadelat reste stoïque : « Je suis fonctionnaire, les considérations de marché ne m’intéressent pas. Je n’ai pas d’état d’âme lorsque je transfère aux populations les moins défavorisées les fonds par lesquels le contribuable finançait des contrats haut de gamme. » « Certains syndicats [NdlR, FO, CFTC, CGC] ne sont pas d’accord là-dessus. Comment l’Etat pourra-t-il prendre ce risque ? », demande Bruno Gabellieri, directeur de cabinet du groupe APRI (retraite, prévoyance). « Et pourquoi ne ratissez-vous pas tous les avantages fiscaux, y compris ceux des mutuelles ?, réagit Marianne Binst, directrice générale de Santéclair (assureurs). Comme ça vous ferez le plein de mécontents et ce sera cohérent ! »
En bon politique (DL), Jean-François Mattei reprendra-t-il les éléments d’un rapport dont l’une des pages fâche assureurs et partenaires sociaux ? « Il a de grandes chances d’être repris, analyse un directeur de CPAM. Car seul ce point pose vraiment problème. » Pour se faire une religion sur la réforme envisagée, le ministre a aussi demandé au CNPS de lui rendre fin avril « des contributions écrites ». Il est vrai que le temps presse : il souhaite ciseler sa réforme d’ici l’été pour l’intégrer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2004. « Et il y a là de quoi nourrir les trois ou quatre prochains PLFSS », estime Jean-François Chadelat.
Repères
Répartition de la dépense courante de santé en 2001 (148 MdEuro(s)) : régimes obligatoires : 75,7 % ; ménages : 10,8 % ; mutuelles : 7,4 % ; sociétés d’assurance : 2,7 % ; institutions de prévoyance : 2 % ; Etat, collectivités locales : 1,4 %. (Source : DREES.)
Couverture par une complémentaire en 2000 : 86 % des Français ; 52 % des plus de 65 ans. (Source : CREDES.)
Pourquoi certains Français n’ont pas de complémentaire : « trop cher » : 52 % ; « bonne santé » : 11 % ; « exonéré du ticket modérateur » : 9 % ; « en train de chercher » : 9 % ; « pas le temps » : 6 %. (Source : CREDES, 2000.)
Types de contrats : mutuelle : 62 % ; institution de prévoyance : 15 % ; assureur privé : 23 %. Contrat par l’entreprise obligatoire : 24 % ; par l’entreprise non obligatoire : 26 % ; à l’initiative de l’assuré : 50 %. (Source : CREDES 1998.)
A noter
Les professionnels de santé devront-ils contractualiser avec les complémentaires ? « J’avais posé la question dans le rapport : faut-il intégrer les complémentaires dans les négociations conventionnelles ? Je l’ai ensuite retirée car ce n’était pas gérable, confie Jean-François Chadelat. Mais pourquoi les complémentaires ne discuteraient-elles pas directement avec les professionnels de santé, quitte à signer des contrats sélectifs ? Ça je ne pouvais pas l’écrire dans le rapport, c’est la différence entre courage et témérité… »
Noël Renaudin : « L’Etat doit réguler les prix »
Noël renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), était invité lui aussi par la revue Espace social européen à commenter la future réforme de l’assurance maladie. Morceaux choisis.
« Sur quels critères un médicament doit-il être remboursé à 100 % par le régime obligatoire, en partage avec les complémentaires ou par les complémentaires seules ? C’est une décision éminemment politique, appuyée par l’expertise certes, mais le SMR seul ne peut emporter le fond de la décision. Le CEPS a dit que deux ou trois médicaments anticancer avaient un SMR modeste. Et alors ? Un SMR modeste a sa place dans une maladie dont la collectivité a décidé que la prise en charge était solidaire. C’est à la collectivité de définir une frontière, de dire ce qui doit être pris en charge ou non.
» Les marchés doivent être régulés, au moins sur les prix. Sur les médicaments comme sur les dispositifs médicaux, l’idée de laisser faire le marché en disant « que le meilleur gagne », ça ne marche pas. L’Etat doit réguler les marchés qu’il finance. Qui plus est, dans notre système, régimes obligatoire et complémentaires travaillent dans le même contexte : la collecte des ressources se fait auprès de gens qui ne savent pas à l’avance de quoi ils vont avoir besoin, ce qui est antinomique avec le mécanisme traditionnel de l’offre et de la demande.
» Sur les baisses de remboursement, on reproche au CEPS d’avoir pris des avis stéréotypés par classe. Mais quelle que soit la décision finale du Conseil d’Etat, ça n’arrêtera pas le mouvement. Quant aux déremboursements de produits prévus pour juillet, leur rapport bénéfice/risque est tellement moins bon que pour d’autres spécialités qu’ils diminuent les chances de guérison. » Nicolas Fontenelle
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