Un hors-d’oeuvre déjà bien salé

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Publié le 26 avril 2003
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Dans la ligne de mire du ministre de la Santé depuis plusieurs mois, plus de 600 médicaments sont aujourd’hui concernés par un arrêté du 18 avril 2003 baissant leur taux de remboursement de 65 % à 35 %. Une mesure inattendue, même par la CNAM (!), de par son ampleur. Et ce n’est qu’un début !

Même si Jean-François Mattei avait annoncé, lors de la présentation du PLFSS 2003, que figurerait dans son plan d’économies le déremboursement sur trois ans de 650 médicaments dont le service médical rendu (SMR) est jugé insuffisant, l’effet de surprise d’un arrêté décidant plus de 600 baisses de remboursement en plein week-end de Pâques a été total. « Cet arrêté est assez surprenant », reconnaît Gilles Marchandon, délégué général de la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles (FNIM), qui s’attendait, avec le récent rapport Chadelat sur les champs de compétence de l’assurance de base et de l’assurance complémentaire, davantage à la poursuite d’une phase de réflexion plutôt que le passage à l’acte (voir Le Moniteur n° 2484).

Le ministre de la Santé n’a pas coupé les cheveux en quatre : 617 spécialités pharmaceutiques dont le SMR a été jugé modéré ou faible par la commission de la transparence, voient leur taux de remboursement passer à 35 %. Cette modification de la liste des médicaments remboursables, par son ampleur, émeut surtout le monde des organismes complémentaires, qui évoque déjà des augmentations de cotisations. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, s’élève contre cette nouvelle vague de baisse des remboursements : « Pour tenter de boucher le trou de l’assurance maladie, on impose des charges supplémentaires aux mutuelles, ce qui aura pour conséquence d’accroître les cotisations des adhérents mutualistes. »

Ecoulables jusqu’au 20 mai.

Ce changement de taux de remboursement est-il aussi synonyme de nouveau casse-tête pour les officinaux ? Difficile à dire pour le moment. L’arrêté prévoit une période transitoire pour l’écoulement des anciennes vignettes. Ainsi, les répartiteurs pourront continuer à commercialiser les spécialités à l’ancien taux pendant 15 jours à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté, c’est-à-dire jusqu’au 5 mai, et les officinaux pendant un mois, c’est-à-dire jusqu’au 20 mai. Au-delà, les stocks comportant des vignettes à l’ancien taux ne pourront être écoulés et pris en charge qu’au nouveau taux de participation.

C’est pendant cette seconde phase que les choses pourraient se compliquer pour les pharmaciens. D’une part, la saisie du code CIP de la boîte (vos fichiers devront être à jour) sera plus sûre que celle du code à barres imprimé sur la vignette, qui vous exposera à une erreur de prise en charge éventuellement synonyme de rejet de la caisse. D’autre part, si des complémentaires décident de ne pas prendre en charge intégralement le nouveau ticket modérateur – une hypothèse qui semble certes peu probable -, les officinaux devront faire payer ce dernier à leurs clients… ou en être de leur poche. « Pour des raisons à la fois techniques et juridiques, les mutuelles ne baisseront pas la garde en matière de remboursements et continueront dans un premier temps, probablement jusqu’à leur prochaine assemblée générale, à rembourser la totalité de la part non couverte par l’assurance maladie, même si cela doit créer un déséquilibre entre charges et cotisations », rassure Gilles Marchandon.

Les mutuelles veulent le code CIP.

Cette baisse de remboursement massive marque le début d’une évolution vers de nouveaux équilibres entre les régimes obligatoire et complémentaires, mutualistes ou privés, comme le préconise le rapport Chadelat. Mais pour la FNIM, ce rééquilibrage ne doit pas se fonder sur la notion de SMR. « Une mutuelle est représentative d’une collectivité restreinte, explique Gilles Marchandon. Elle doit donc pouvoir ajuster ses prestations à la demande locale, en d’autres termes décider de ce qu’elle garde en plein remboursement et de ce qu’elle ne rembourse plus du tout en fonction du profil et de l’âge de ses adhérents. » Pour ce faire, donc pour retrouver dans certains cas un vrai ticket modérateur, elle doit disposer d’informations suffisamment précises sur les soins qu’elle rembourse. Or, aujourd’hui, les organismes complémentaires se contentent sur le médicament d’informations transmises sur le montant global payé par l’assuré et le taux de remboursement.

L’accès à des données plus fines est une vieille requête des assureurs complémentaires, et notamment de la Fédération française des sociétés d’assurance, peut-être en passe d’être bientôt satisfaite. Fin janvier, Christian Babusiaux a remis un rapport à M. Mattei proposant plusieurs pistes pour leur permettre d’accéder aux données de santé de leurs assurés dans le cadre de la télétransmission. Ainsi, par exemple, l’accès au code CIP (jusqu’ici refusé par la CNIL) permettrait aux mutuelles et assurances privées de rembourser certaines spécialités non prises en charge par le régime obligatoire. Mais de l’avis de tous, une telle mesure est à prendre avec des pincettes

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Rappel

Le service médical rendu se décompose en 5 SMR correspondant à trois niveaux de prise en charge :

– SMR majeur ou important,

– SMR modéré ou faible justifiant cependant un remboursement,

– SMR insuffisant pour justifier une prise en charge.

Les 617 baisses du 19 avril correspondent à des produits à SMR modéré ou faible.

Les 200 déremboursements prévus en juillet, eux, concerneront des SMR insuffisants.

Les baisses de remboursement les plus marquantes

Parmi les spécialités concernées figurent de nombreux ténors en termes de chiffres d’affaires ou d’unités vendues. On relèvera :

– Myolastan, Coltramyl, Vastarel, Serc… et leurs génériques.

– Les traitements préventifs de la perte osseuse à base de calcitonine, Didronel, les antiarthrosiques (Chondrosulf, Art 50, Zondar, Nexen…).

– Des AINS sous des formes autres qu’orales : diclofénac en suppositoire et solution injectable, piroxicam sous les mêmes présentations, naproxène et indométacine en suppositoire seulement, kétoprofène en injectable et en suppositoire ; acide tiaprofénique par voie rectale, Tilcotil en suppositoire et en injectable…

– Les théophyllines.

– Les antiacnéiques à base d’érythromycine, de peroxyde de benzoyle et les trétinoïnes.

– Les médicaments du RGO (Gaviscon, Prepulsid), des nausées et vomissements (Vogalène, Primpéran), des diarrhées (Smecta) ; autres : Gelox, Gastropulgite, Phosphalugel…

– Les antimigraineux à base de dihydroergotamine, Migpriv, Céphalgan…

– Les antihistaminiques et antiallergiques : Aerius, Clarityne, Polaramine, Célestamine, Telfast, Zyrtec…

– Les antifongiques topiques à base d’éconazole, mais aussi Fazol, Gyno-Daktarin, Amycor, Lamisil, Lomexin, Gyno-Trosyd, Kétoderm…

– Le vaccin DTcoq.

– Des médicaments du SNC : Halcion 0,125 mg et Haldol sous les dosages 0,5 mg et 1 mg, Equanil cp à 250 et 400 mg ainsi que la solution injectable, Mogadon, Vivalan…

– Des antibiotiques et antiviraux : ampicilline, Zovirax crème, Amphocycline ovules, Bacicoline collyre, Fucidine application locale…

– Des antiseptiques locaux : Bétadine, Amukine, Biseptine, Cytéal, Dakin Cooper…

– Des produits de radiologie : Hexabrix 200…

– Des antalgiques de palier II : Lamaline, Optalidon, Salgydal, Viscéralgine forte…

La liste des baisses de remboursements du 19 avril est disponible sur le site du Moniteur (http://www.moniteurpharmacies.com), rubrique « Information », puis « Produits ».

La liste de toutes les spécialités avec leur niveau de SMR est disponible sur le site de l’Afssaps (http:/agmed.sante.gouv.fr/htm/5/smr/dissmr.htm).