Gare aux prédateurs !

Réservé aux abonnés
Publié le 25 octobre 2008
Mettre en favori

En légiférant par ordonnance, le gouvernement cherche à ouvrir à 100 % le capital des laboratoires d’analyses et de biologie médicale aux investisseurs financiers.

La biologie pourrait être la première victime de la marchandisation de la santé. De fait, tous les yeux sont rivés sur cette profession car d’autres activités de soins pourraient être concernées à brève échéance, à commencer par la chirurgie dentaire, la radiologie et bien sûr la pharmacie… A l’heure actuelle, les investisseurs non professionnels ne peuvent posséder au maximum que 25 % du capital des SEL. Et cela ne devrait pas aller au-delà de cette limite pour tous les professionnels de santé, si l’on se réfère à la loi de modernisation de l’économie d’août 2008. Mais, aujourd’hui, le gouvernement ne propose plus 25 % mais bien 100 % d’ouverture pour la biologie.

Soucieux de leurs intérêts personnels, les biologistes en activité, en particulier les plus âgés, proches de la retraite, pourraient accueillir de façon bienveillante une telle réforme qui leur offre des possibilités de revente avec de réelles plus-values. Attirés par les perspectives de spéculation et de rentabilité du secteur, les grands groupes financiers et autres fonds de pension risquent en effet de proposer des ponts d’or. « Actuellement, les fonds de LABM se vendent en moyenne à 100 % du CA TTC, mais, pour arriver à leurs fins, les investisseurs proposeront 120 %, 130 % voire 150 % », pronostique Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes. Pas sûr que face à de telles offres tous les biologistes aillent à rebours de leur intérêt économique immédiat, y compris ceux qui défendent la déontologie et l’intégrité de leur métier ! Un « effet dominos » est à craindre.

L’arrivée de grands groupes signerait également, selon Claude Cohen, la fin de la possibilité pour les jeunes diplômés de devenir propriétaires de leur outil de travail. Leur horizon pourrait bien se restreindre à la seule option du salariat, au regard des spéculations sur le rachat des LABM. « Par ailleurs, les fonds de pension sont très volatils, les cycles de vente/acquisition sont donc courts et les impératifs de rentabilité font peser une pression forte sur les professionnels », alerte Claude Cohen.

1 000 LABM pourraient disparaître

La création par ces financiers d’une biologie industrielle avec de gros plateaux techniques et des centres de prélèvement pourrait, dit-on, signer l’arrêt de mort de plus de 1 000 laboratoires, surtout ceux dirigés par un seul biologiste. « On n’évitera pas la constitution de réseaux », craint de son côté Jean Benoît, président du Syndicat des biologistes. Les verrous (lire encadré) proposés par la mission sur la réforme de la biologie médicale (rapport Ballereau) pour éviter les dérives capitalistiques, risquent de voler en éclats sous la pression de l’argent. « Deux ou trois opérateurs suffisent au rachat de l’ensemble du réseau des 7 500 laboratoires privés en France », estime Jean Benoît. Certains investisseurs avancent déjà leurs pions et sont en ordre de marche pour racheter, pour l’instant, des part de SEL : Capio (ex-Unilabs), Labco, La Générale de santé, et certains fonds bancaires. L’avenir est peut-être déjà écrit pour la biologie…

Publicité

Les pare-feu du rapport Ballereau

u Interdiction de position dominante sur un territoire suite à une fusion ou un rachat. u Réserver la majorité des droits de vote aux biologistes exerçant. u Interdiction pour un LABM d’investir dans d’autres LABM afin d’éviter la fragilité causée par des investissements en cascade et la dilution des responsabilités. u Identification des investisseurs. u Introduction d’une règle sur la durée minimale de l’investissement de 7 ans (clause d’inaliénabilité). u Impossibilité pour un investisseur donné d’avoir une part du capital dans des laboratoires situés sur un même territoire de santé, au sens des schémas régionaux d’organisation sanitaire, ou sur des territoires contigus.