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Un téléphone rouge entre l’officine et le cabinet
Cotitulaires de la Pharmacie de la Rotonde à Aix-en-Provence, Geneviève Coureau et Karim Arnoux proposent un numéro Vert à l’attention des médecins. Objectif : faciliter la communication et les échanges pour une meilleure prise en charge du patient.
Si téléphoner à un médecin est banal pour un pharmacien, l’inverse est plus rare. Et créer une ligne téléphonique spécialement à cet effet l’est plus encore. C’est pourtant ce qu’a fait Karim Arnoux à Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Depuis le début de l’année, aux heures d’ouverture, de 9 à 20 heures, les médecins de proximité peuvent le joindre lui ou un adjoint de la Pharmacie de la Rotonde dont il est cotitulaire. Dans l’intérêt du patient. A l’origine de ce projet, il y a le parcours de Karim Arnoux dans l’industrie pharmaceutique. Ce jeune pharmacien de 35 ans, ancien de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, a occupé tour à tour les postes de manager au marketing puis de directeur commercial chez Johnson & Johnson. « Le triptyque « médecin-pharmacien-industrie pharmaceutique » a pour objectif d’assurer la meilleure prise en charge possible du patient, lui-même se trouvant au centre, expose Karim. Et nous pouvons optimiser la communication entre ces trois acteurs. »
A cause de leurs cabinets surchargés et de la baisse du nombre de visiteurs médicaux, l’information dont ont besoin les médecins n’est pas rapidement disponible. « Le médecin définit la pathologie et le traitement des patients. L’émergence de nouvelles molécules, les nouvelles directives environnementales, l’ensemble des informations ayant trait à la pharmacologie sont autant de sujets évolutifs que nous devons maîtriser au sein de nos officines », avance Karim. D’où la logique érigée en système par le pharmacien aixois : « Si le médecin a des questions sur un dosage, une nouveauté, des souhaits de procédure particulière de prise en charge d’un patient, nous lui offrons la possibilité de nous appeler. Notre objectif est, humblement, d’optimiser ensemble la prise en charge de nos patients. »
Médecin et pharmaciens doivent parler d’une seule voix
Inciter le médecin à s’informer auprès de du pharmacien permet de prouver que ce dernier a bien sa place dans l’environnement médical du patient. Avec pour conséquence logique l’amélioration de l’observance. Qui n’a jamais reçu un patient n’hésitant pas à mettre en porte à faux médecin et pharmacien en déclarant que le premier s’est trompé ? Situation ô combien délicate… « Le patient vient chercher auprès du pharmacien la confirmation de la prescription médicale, analyse Karim. Si nous lui donnons la même information que le médecin, cela incitera à améliorer l’observance. » Mieux vaut en effet un petit coup de fil du médecin prévenant qu’il envoie monsieur Untel avec une prescription inhabituelle plutôt que de manifester, devant un patient déconcerté, son étonnement ou son irritation.
Une centaine d’appels depuis le début de l’année
L’idée de créer un numéro accessible aux seuls médecins a germé quand Karim Arnoux reprend la Pharmacie de la Rotonde en mai 2007 avec Geneviève Coureau. Si la pharmacie est bien connue des Aixois pour son offre en dermocosmétique haut de gamme, elle est également un lieu privilégié pour une centaine de patients sous traitements de substitution aux opiacés, dont certains souffrent du VIH ou d’hépatites. « Ils sont humainement attachants et éthiquement intéressants, témoigne Karim. Nous devons être patients avec ces patients. » Et en contact étroit avec les médecins.
Pour toutes ces raisons, Karim Arnoux prend un jour l’initiative d’appeler quelques médecins pour leur faire part de son idée. « Certains l’ont reçue positivement, relate Karim. Ils ont apprécié la liberté et la facilité de pouvoir contacter un pharmacien quand ils en ont besoin, pour passer une information ou poser une question, au travers d’une ligne qui leur est réservée. » Karim appelle alors France Télécom pour obtenir un numéro Vert. Il l’obtiendra en novembre dernier, « pour un coût d’une trentaine d’euros mensuels et le prix d’une communication locale ».
Depuis sa mise en service, début janvier, une centaine d’appels ont été passés. « Cela fait moins de un par jour, reconnaît Karim. Ce n’est pas démesuré et cela ne doit pas le devenir. » Il a fait éditer des cartes de la pharmacie spécifiques où figure le numéro Vert et qu’il remet aux médecins lorsqu’ils passent à l’officine. Le bouche-à-oreille fait le reste. Le service téléphonique en est à ses balbutiements. Lui qui a connu l’industrie, Karim Arnoux reconnaît qu’il n’en a pas encore la rigueur puisqu’il ne note, pour l’instant, ni les appels ni le thème des communications avec les médecins.
Seuls des pharmaciens répondent au téléphone
Les questions posées par les médecins sont souvent liées à la disponibilité d’un produit. Cela évite au patient d’avoir à se déplacer plusieurs fois à l’officine. Mais certaines questions sont parfois plus pointues. « Un médecin m’a appelé un jour pour une adaptation posologique. Il voulait connaître la demi-vie d’élimination d’un antihypertenseur afin de faire le relais avec une autre molécule », explique Karim. C’est pour cette raison que seuls les pharmaciens de la Pharmacie de la Rotonde répondent au « téléphone rouge ». Pour affiner leurs réponses, ils se servent notamment du Dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques de l’Académie nationale de pharmacie, mais aussi d’Internet et des informations émanant des laboratoires. Quand la question est particulièrement ardue, ils n’hésitent pas à différer la réponse afin d’obtenir des renseignements.
Selon Karim Arnoux, ce type de numéro Vert est simple à mettre en oeuvre. « Les bonnes idées ne marchent qu’à partir du moment où la réalisation est simple, plaisante-t-il. Ce numéro n’est pas grand-chose en soi, c’est la démarche qui est importante. » Ce fameux numéro est quasi confidentiel sur Aix-en-Provence. Karim ne l’a communiqué ni auprès des autres pharmaciens, ni auprès des grossistes-répartiteurs. L’objectif final est de communiquer avec le médecin vers le patient. D’une seule voix.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Le pharmacien retrouve une place de scientifique et son rôle de pharmacien.
– Etablir des relations confraternelles avec les médecins.
– Développer la confiance des médecins et casser cette image de « pur commerçant ».
– Le patient est le vrai gagnant de cette communication rétablie entre le médecin et le pharmacien : gain de temps, amélioration de l’observance.
Les difficultés
– La charge de travail augmente.
– Le pharmacien doit développer son expertise médicale.
– On met sa crédibilité en jeu.
– Il faut prendre l’habitude de noter les questions des médecins et leur faire un courrier de rappel s’il le faut.
Les conseils de Karim Arnoux
– « Je pense qu’une forte motivation et une puissante conviction sont la base pour entreprendre quelque initiative que ce soit à l’officine. »
– « Si vous envisagez une initiative similaire, sachez que ce n’est pas ingérable à mettre en place : une pharmacie travaille avec un certain nombre de médecins qui ne vont pas appeler quotidiennement, encore moins plusieurs fois par jour ! »
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