Le modèle français joue son va-tout

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Publié le 13 septembre 2008
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Le 3 septembre, les partisans et adversaires de la libéralisation de l’officine assistaient à l’audition organisée par la Cour de justice européenne. Les 8 et 9 septembre, Roselyne Bachelot réinsistait sur le principe de subsidiarité des Etats dans le domaine de la santé.

C’est à Angers que Roselyne Bachelot a réuni les 27 ministres de la Santé de l’Union Européenne les 8 et 9 septembre. La ministre française leur a réaffirmé son désir de maintien du principe de subsidiarité des Etats dans le domaine de la santé. Elle veut même préparer une lettre commune en ce sens afin d’avoir plus de poids auprès de la Commission européenne. Malheureusement, aucun calendrier ne semble accompagner ce projet. Et le temps presse.

L’Italie accusée d’entrave à la libre circulation

Après l’audience du 3 septembre devant la Cour de justice européenne à Luxembourg, Giacomo Leopardi, président des Ordres des pharmaciens italiens, reste sur la défensive. C’est désormais un classique, la Commission européenne reproche à l’Italie « une entrave à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement ». L’avocat général, le Français Yves Bot, rendra ses conclusions le 16 décembre et la Cour se prononcera dans les mois suivants. Si elle ne donne pas raison aux Italiens, ceux-ci risquent de voir leur territoire conquis par des chaînes. « Des entreprises qui n’ont pas de conscience », lance Annarosa Racca, présidente de la fédération des pharmaciens. Une fois l’Italie condamnée, d’autres pays devront revoir leur copie, dont la France. Tous étaient donc présents à l’audience du 3 septembre. De quoi redonner espoir à Annarosa Racca : « Ces pays ont fondé l’Europe ! J’espère que l’Europe ne l’oubliera pas. »

Ce même jour, l’Allemagne y est aussi allée de ses griefs. Saisie par l’ordre des pharmaciens sarrois, la Cour européenne de justice rendra son verdict d’ici au printemps 2009. Si la propriété aux non-pharmaciens devient possible, un marché de 38 milliards d’euros s’ouvrira aux chaînes de la grande distribution et aux répartiteurs. Un millier d’officines allemandes pourraient en faire les frais. « Une telle libéralisation en France serait catastrophique pour la santé. Où serait alors l’indépendance de choix et de jugement face à un tiers économique qui n’aurait que la préoccupation de retour sur investissement ?, s’interroge Jean Parrot, président du Conseil de l’Ordre. Je ne souhaite pas que, sous prétexte d’une harmonisation, on arrive à un système de cartel. »

Jurisprudence ?

Isabelle Adenot, ex-présidente de la section A, estimait, lors du congrès de la Société de pharmacie de la Méditerranée latine, à Marseille, le 3 septembre, que la procédure en infraction contre l’Italie ne ferait pas forcément jurisprudence : « Il se peut que la Commission ne gagne sur aucune affaire, sur toutes, ou sur un seul point litigieux (liberté d’établissement, réservation de la propriété aux pharmaciens…), mais si la décision est suffisamment large, elle s’appliquera obligatoirement à tous les pays. »

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Les points contestés par la Commission

Italie

– L’interdiction de capitaux extérieurs à la profession dans les officines de pharmacie.

– L’interdiction faite aux grossistes-répartiteurs d’intégrer le capital des pharmacies communales milanaises (vente controversée de parts à Celesio).

Allemagne

– L’interdiction des capitaux extérieurs à la pharmacie.

– Les restrictions quant aux formes de sociétés.

– Les restrictions quant à la multipropriété des fonds.

– Le retrait souhaité de l’attribution d’une licence Doc Morris (e-pharmacie néerlandaise) à des officines physiques en Allemagne.

Espagne

– Les restrictions démogéographiques à l’installation.

– L’interdiction de la multipropriété et de capitaux extérieurs.

Autriche

– La discrimination basée sur la nationalité du futur titulaire.

– L’interdiction de l’installation sans proximité de cabinet médical.

– Les restrictions démogéographiques à l’installation.

– Les restrictions quant à la forme des sociétés.

– L’interdiction de la multipropriété des fonds.

Portugal

– Les restrictions à la multipropriété.

– L’interdiction de participation des grossistes dans le capital officinal.

Bulgarie

– Les restrictions quant aux possesseurs du capital.

France

– L’interdiction de capitaux extérieurs et multiples.

– Le rôle de l’ordre des pharmaciens.