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Les ratés du Mopral
Seule la parution d’un décret au « Journal officiel » permettrait aux pharmaciens de substituer le Mopral. Un cauchemar pour la Sécu. Depuis le 16 avril et la tombée du brevet de l’antiulcéreux dans le domaine public, chaque jour perdu à ne pas substituer lui fait perdre 200 000 euros.
Tout était prêt pour le grand jour. Les génériqueurs bouillaient d’impatience depuis des mois, stocks à profusion et forces de vente sabre au clair. Les pharmaciens monteraient au front. Les patients, préparés comme jamais par la presse audiovisuelle, se laisseraient faire et la Sécu se voyait déjà un peu moins pauvre. C’était écrit, le 16 avril, le brevet du Mopral tomberait dans le domaine public et il y aurait quelque chose de changé dans le monde du médicament. La substitution de la spécialité la plus remboursée par l’assurance maladie (316 MEuro(s) en 2002) marquerait l’essor définitif du générique.
Le décret perdu dans le circuit.
Le beau scénario a tourné court. L’oméprazole 20 mg a bien été livré le 15 au soir, les patients en réclament depuis le 16 au matin, mais les pharmaciens ne peuvent pas le proposer en substitution : il n’est pas inscrit au Répertoire des génériques. « Une catastrophe ! », commente Jean-Marc Yzerman, chargé de l’économie à la FSPF. Un vrai raté sur fond d’arcanes administratifs. Une histoire à la française, en somme.
En vue de la prochaine tombée des brevets de plusieurs grosses molécules, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004, votée fin 2003, a spécialement prévu, dans son article 19, de modifier l’inscription des génériques au Répertoire. Désormais, à l’issue d’un délai de 60 jours après la délivrance de l’AMM à statut générique, l’Afssaps inscrira ce médicament au Répertoire sans que le fabricant de princeps ne puisse s’y opposer. Les molécules seront ainsi inscrites au Répertoire dès le premier jour de leur commercialisation. Mais voilà : pour permettre l’entrée en vigueur de l’article 19, un décret d’application pris en Conseil d’Etat est impératif. Et ce décret, qui devait paraître au Journal officiel avant la mi-avril, est toujours perdu dans les méandres de l’administration, coincé dans le « circuit de validation », selon l’expression gouvernementale. On croit rêver.
« Ahurissant ! »
Comment comprendre un gouvernement, qui reproche à la profession de ne pas être assez performant sur le générique, la sanctionne en lui imposant des TFR, et ne lui donne pas les moyens de travailler sous peine d’être hors la loi ? Comment comprendre un gouvernement qui dit vouloir faire des économies partout, et dans tous les sens, et qui s’en prive ? Car si la CNAM estime que la substitution du Mopral lui fera économiser 50 millions d’euros en 2004, depuis le 16 avril, elle en perd 200 000 chaque jour. « Chaque boîte de Mopral vendue, qui aurait pu être substituée, fait perdre 17 euros à l’assurance maladie », précise Jean-Marc Yzerman. « C’est ahurissant de la part de l’Etat de se passer d’une telle économie ! », fulmine Philippe Besnard, P-DG de G GAM.
Il y a donc urgence pour le gouvernement à sortir de l’impasse dans laquelle il s’est lui-même engagé. « J’ai eu des contacts avec le gouvernement et surtout l’Agence du médicament, qui m’a dit qu’il fallait attendre deux à trois semaines avant que le Journal officiel publie le décret », indique Bernard Capdeville, président de la FSPF. « Nous avons perdu quatre mois avec l’ancien gouvernement. Mais nous avons eu la confirmation que ce dossier allait être confié immédiatement au nouveau ministre de la Santé et qu’il ne devrait plus traîner, rapporte Hubert Olivier, vice-président du GEMME, qui s’est rapproché du cabinet du Premier Ministre. Le décret est actuellement en cours d’examen au Conseil d’Etat et la procédure devrait être accélérée. En temps normal, il faut compter un délai technique de quinze jours à trois semaines, mais celui-ci pourrait, pour la circonstance, être réduit à une ou deux semaines. » Autrement dit, les pharmaciens pourront officiellement délivrer les douze génériques du Mopral au plus tôt à la toute fin du mois d’avril. Sauf à avoir en main une prescription libellée en dénomination commune (DC), seul moyen aujourd’hui de délivrer de l’oméprazole en générique. Mais les médecins ne rédigent que 6 à 7 % de leurs prescriptions en DC et l’Inexium est là pour leur faire oublier le Mopral…
AstraZeneca veille au grain.
Si le décret ne paraît que dans deux semaines, la Sécu aura perdu près de 4 millions d’euros ! En attendant, les syndicats conseillent vivement aux pharmaciens de respecter la réglementation. Tant que le groupe générique n’est pas officiellement créé au Répertoire, la substitution est interdite. La FSPF a d’ailleurs envoyé à tous ses adhérents une circulaire pour les informer de la situation actuelle. « Il faut que les pharmaciens respectent la réglementation. Tant que le Mopral n’est pas inscrit au Répertoire on ne peut pas substituer, au risque de voir le labo propriétaire du princeps faire un exemple avec les pharmaciens », avance Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. AstraZeneca ne sera pas tendre, a dit le laboratoire la semaine dernière au Moniteur : « Les brevets de fabrication du Mopral étant encore valides, nous veillerons à ce que ses génériques et leur formulation soient en conformité avec la réglementation. » Certains avancent même que le laboratoire opère déjà des contrôles type « client mystère » dans les pharmacies…
L’exception Stilnox
Si le Mopral n’a pas de groupe générique alors que son brevet est tombé dans le domaine public, l’inverse existe aussi. Ainsi, Sanofi-Synthélabo a pu obtenir la création d’un groupe générique « Zolpidem » alors que la spécialité de référence, Stilnox, est toujours protégée par un brevet jusqu’au 9 juin prochain. En ne s’opposant pas à l’inscription du seul générique de sa filiale Irex, ce laboratoire ménage ses arrières et occupe le terrain en anticipant la grande offensive des génériqueurs. Astucieux, mais pas très concurrentiel. Lorsque ces derniers se lanceront en juin, le marché sera inondé de génériques de la propre filiale du fabricant de princeps.
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