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SIOUX SUR LA PISTE DE L’OSTÉOPOROSE
Dorothée Caspard participe au programme Sioux (Suivi intégré de l’ostéoporose par URPS-X) qui réunit depuis mai 2013 dans la région de Metz, pharmaciens d’officine et hospitaliers, médecins spécialistes et généralistes autour du patient. Cette titulaire prolonge, au cours des entretiens dans son officine, la séance d’éducation thérapeutique réalisée à l’hôpital, porte d’entrée dans le programme.
Tout a commencé à l’issue d’une maladie qu’elle préfère oublier. Une scintigraphie révèle un soupçon d’ostéoporose confirmé par une ostéodensitométrie. C’était en février dernier et Michèle est invitée par l’hôpital de Mercy en Moselle (voir aussi le récit en images paru dans Le Moniteur n° 2993 du 13 juillet 2013) à rejoindre le programme SIOUX pour une durée de trois ans. « Je ne m’étais rien fracturé mais les résultats étaient dans le rouge et plutôt que risquer de me casser quelque chose, j’ai dit oui tout de suite. » Encore alerte à 75 ans, Michèle vit seule, fait ses courses dans la commune de Mercy où elle réside et « marche davantage qu’autrefois » depuis qu’elle a suivi la séance d’éducation thérapeutique à l’hôpital. Elle énumère les autres règles d’hygiène de vie et de nutrition qu’elle y a apprises au cours des jeux (un jeu de l’oie sur les os) et des animations. « J’ai enlevé mes descentes de lit, je ne monte plus sur l’escabeau pour décrocher mes rideaux. On nous a également conseillé de manger trois à quatre produits laitiers par jour et le rhumatologue nous a même recommandé le gâteau au fromage blanc ! », récite-t-elle avec gourmandise. Pour l’autre volet de son traitement de l’ostéoporose – la prise en charge médicamenteuse –, Michèle s’en est remise à sa pharmacienne, Dorothée Caspard, qu’elle a explicitement choisie. « Je suivais déjà une autre patiente de la commune dans le cadre du programme SIOUX et j’avais participé à la réunion de présentation du projet à l’hôpital qui réunissait les médecins généralistes, les spécialistes, les pharmaciens d’officine et la pharmacienne hospitalière », explique la titulaire de Verny. Elle a parallèlement été informée par Véronique Noirez, pharmacienne de l’hôpital de Mercy – ouvert depuis seulement une année –, chargée de faire la liaison entre les différents intervenants. « Mon rôle est de consolider le maillage, notamment en organisant, comme prochainement, des réunions de coordination », décrit-elle.
Car SIOUX est l’affaire de tous. Comme l’expose Didier Poivret, rhumatologue à Metz, initiateur et coordinateur de ce programme qui accueille déjà 44 patients depuis le début d’année, (120 sur trois ans), « chaque professionnel de santé y trouve sa place selon sa compétence.
L’idée du programme est de se mettre à plusieurs autour du patient. Le rôle des professionnels de santé de proximité est essentiel pour s’assurer que le traitement que nous prescrivons est bien suivi ». Un argument de choix pour élire le pharmacien, l’homme clé de SIOUX et pour convaincre l’URPS-pharmaciens de s’associer au programme. « L’Ordre a permis ce rapprochement avec d’autres acteurs de santé. De fait, la profession est prête pour ce projet pluriprofessionnel. 32 confrères, soit un pharmacien sur quatre de la région Metz/Thionville, participent au programme SIOUX », se félicite Christophe Wilcke, président de l’URPS-pharmaciens de Lorraine. Car l’observance – Didier Poivret préfère le terme d’« adhésion » – est la condition du succès du traitement de cette pathologie qui, selon les projections, devrait causer la mort de plus de 10 000 femmes dans les trois prochaines années dans le département*.
Une rémunération identique à celle perçue pour les AVK
« C’est une maladie dont les effets ne se voient pas au quotidien et les patients décrochent souvent, ne voyant pas l’utilité du traitement », observe Dorothée Caspard. Pas question pour autant de contrôler le patient dans la prise quotidienne de son médicament, Protelos dans le cas de Michèle. Il s’agit avant tout de l’accompagner dans son traitement. Les officinaux sont rémunérés pour les réunions avec les médecins et pour deux entretiens patients de vingt minutes par an, sur la même base que pour les antivitamines K, soit 40 euros par patient et par an. « Le carnet de suivi qui est remis par l’hôpital à l’issue de la formation du patient contient des questionnaires que nous devons remplir. Mais bien entendu, nous ne nous contentons pas d’énumérer les questions une à une, nous évoquons très vite le quotidien de la patiente, son régime alimentaire, ses mesures de prévention des chutes… », décrit la pharmacienne.
Une partie des questionnaires de suivi revient également au médecin traitant de la patiente. « Ce programme SIOUX est un premier pas dans la prise en compte de la maladie, mais il faudrait que ces efforts soient relayés au niveau de l’assurance maladie dans le remboursement des ostéodensitométries. Cela nous aiderait davantage à motiver nos patientes à se faire suivre », objecte le Dr Jean-Marc Seichepine, médecin généraliste dans le canton de Verny.
Le patient crée un lien privilégié avec son pharmacien
Les patients inscrits volontairement au programme sont déjà bien informés sur leur maladie et responsabilisés sur la nécessité de suivre le traitement au quotidien. Surgissent cependant des questions pratiques : que faire si l’on est invité à dîner chez ses enfants ? faut-il impérativement attendre deux heures avant de se coucher après la prise de son médicament ? doit-on prendre deux sachets ou deux comprimés si on a oublié celui de la veille ? Des questions qui débouchent parfois sur des réflexions plus complexes sur les raisons de l’arrêt de l’association calcium-vitamine D, sur la confiance dans le médicament, son efficacité, ses effets indésirables… « J’ai lu dans la notice qu’il pouvait y avoir des effets cutanés graves** », se souvient Michèle, qui a interrompu son traitement pendant un mois. L’entretien s’oriente ensuite sur le confort de vie, sur le taux de cholestérol qui risque d’être mis à mal par les trois ou quatre produits laitiers quotidiens, sur les ampoules électriques que le fils de Michèle devra désormais changer et sur les nécessaires rayons de soleil qui apportent la vitamine D ! « Les patients prennent conscience par le biais de l’éducation thérapeutique à l’hôpital et des entretiens qu’une fracture peut signifier la perte d’autonomie. L’ostéoporose peut être l’entrée dans la dépendance. Cela les motive à suivre leur traitement », expose Didier Poivret. « Je ne saurai que dans deux ou trois ans à la prochaine ostéodensitométrie si la maladie a avancé ou non », déclare Michèle, qui tire cependant un bénéfice immédiat de cette prise en charge : un lien privilégié avec sa pharmacienne.
Sur le terrain, les résultats sont finalement plus palpables. Il faudra quand même attendre six ans pour tirer les conclusions du programme SIOUX. « Six ans pour battre en brèche les statistiques sur le taux des patients décrocheurs. Six ans pour démontrer qu’en faisant tomber les barrières entre médecins et pharmaciens, on peut prouver qu’une bonne coopération peut améliorer le traitement », conclut Didier Poivret, pour lequel le travail en réseau est une question de survie des professionnels de santé, médecins et pharmaciens confondus.
* Selon l’URPS-pharmaciens de Lorraine, 35 000 femmes de plus de 50 ans se casseront le col du fémur dans les trois prochaines années en Moselle, un tiers d’entre elles ne survivront pas. La mauvaise observance du traitement de l’ostéoporose (moins de 50 % à un an) est la première cause de cette morbidité.
** Le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) a recommandé le 9 janvier la suspension d’AMM de Protelos en raison des risques thromboembolique veineux et allergique cutané. En attendant que cette recommandation soit – éventuellement – adoptée par l’Agence européenne du médicament, l’ANSM invite les patients à consulter sans urgence leur médecin traitant.
Si vous avez envie d’essayer
Les avantages
• Cela permet d’avoir des rapports privilégiés avec les patients.
• Le lien créé avec les médecins généralistes et une autre façon de les aborder.
• La valeur ajoutée du pharmacien par rapport à d’autres professionnels de santé est bien mise en valeur.
La difficulté
• Il aurait été utile de participer à la réunion initiale à l’hôpital afin de mieux connaître le contenu et la teneur de la formation du patient.
Les conseils
• Il faut absolument saisir cette chance du réseau de soins qui inclut les pharmaciens d’officine !
• Il faut cependant avoir une structure qui permette de participer à de tels programmes et de recevoir les patients pendant les heures d’ouverture.
Dorothée Caspard en 3 dates
• 2001 Diplôme d’Etat de docteur en pharmacie à l’université de Nancy.
• 2004 Installation à Verny.
• 2013 Entrée dans le programme SIOUX.
L’AVIS DE L’ÉQUIPE
Francine, préparatrice : « J’aime m’impliquer dans ce programme qui est très positif et qui montre que l’officine agit en faveur des patients. Cela est l’occasion de nous intéresser à une pathologie particulière et d’apporter des réponses de fond à nos patients. Dans un milieu rural comme le nôtre, ils se confient facilement. Je suis ici depuis vingt-cinq ans alors forcément cela crée des liens et ils nous parlent de leurs maux. Un tel programme permet de prolonger la discussion au comptoir et d’approfondir la prise en charge. »
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