Marie de Hennezel : « La loi Leonetti n’a jamais été vraiment appliquée »

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Publié le 25 janvier 2014
Par Loan Tranthimy
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La psychologue et psychothérapeute, auteur de nombreux ouvrages sur la fin de vie* répond au « Moniteur » sur la polémique suscitée par la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui s’est prononcé contre la décision d’euthanasie passive de Vincent Lambert.

LE MONITEUR DES PHARMACIES : Un nouveau texte sur la fin de vie est annoncé dans les semaines à venir. La loi Leonetti est-elle selon vous obsolète ?

MARIE DE HENNEZEL : La loi Leonetti n’est pas obsolète. Mal connue des Français, elle n’a jamais été vraiment appliquée. Les équipes soignantes n’ont pas compris l’esprit de cette loi qui leur offre un cadre assez large pour tout mettre en place afin de ne pas abandonner le patient. Il existe autour de ce texte des fausses idées et des mensonges. On dit par exemple que la loi laisse mourir les gens de faim et de soif. C’est faux ! Quand on arrête un traitement, cela ne signifie pas qu’on arrête de soigner. On vérifie que la personne ne souffre pas.

Dans l’affaire Lambert, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne impose à une équipe médicale de suspendre une décision d’arrêt des traitements. Les juges ont-ils promu l’acharnement thérapeutique ?

Oui. Les juges eux-mêmes n’ont pas compris l’esprit de la loi et ont fait une interprétation de l’acharnement thérapeutique, devenu illégal dans la loi Leonetti, un véritable retour en arrière. Il y a une véritable lacune dans la pédagogie de cette loi. Surtout, on n’a pas fait tout ce qu’il fallait pour que ce texte soit compris.

L’affaire Lambert soulève aussi la question de l’absence des directives anticipées…

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Oui. Si Vincent Lambert avait effectivement écrit ses directives anticipées, il n’y aurait pas eu de problème. Cela montre que les Français n’ont pas compris que la loi Leonetti a prévu les directives anticipées et l’importance d’écrire ces directives.

Quels points faut-il améliorer ?

Dans mon rapport sur les soins palliatifs remis à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé en 2008, j’ai proposé la mise en place d’une information obligatoire de la loi Leonetti dans tous les établissements en France où on meurt. Le cabinet de la ministre m’a répondu que l’on ne pouvait pas rendre obligatoire une information sur la fin de vie au sein des établissements de santé. Autre point important à améliorer : la formation des soignants. Aujourd’hui, les facultés ne prévoient dans la formation des futurs médecins à l’accompagnement de fin de vie et de la douleur que 2 heures à 40 heures de cours par an.

Comment expliquez-vous cela ?

Il y a des raisons psychologiques liées à des réticences sur des questions qui touchent à la mort. Je pense aussi qu’il y a des personnes qui pensent que si la loi Leonetti n’est pas appliquée alors on aboutira à un autre texte qui ira encore plus loin, comme ce qui se passe actuellement.

François Hollande annonce une large concertation sur l’aide médicalisée pour la fin de vie. S’agit-il pour vous d’une ouverture vers l’euthanasie ?

Le Président est resté volontairement très flou. Personne ne peut être contre l’aide médicalisée. Il n’a pas prononcé le mot euthanasie ni parlé de suicide assisté

* Notamment « Nous voulons tous mourir dans la dignité », Editions Robert Laffont, mars 2013.