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LA SUBSTITUTION PAR LES PHARMACIENS DE NOUVEAU CRITIQUÉE
La loi de financement de la Sécurité sociale 2014 a autorisé la substitution des biomédicaments par les pharmaciens d’officine, à l’instar des génériques. Cette mesure contrarie les industriels qui ne voient pas là un signe positif pour développer le marché.
A l’heure où le gouvernement cherche des économies tous azimuts pour limiter le déficit public, la perte des brevets d’une dizaine de médicaments biologiques vedettes d’ici 2020 attise les convoitises et crée la polémique. Ces médicaments indiqués dans des pathologies lourdes comme le cancer, les maladies auto-immunes ou encore la dégénérescence maculaire liée à l’âge représentent à eux seuls un chiffre d’affaires (en PFHT) de près de 3 milliards d’euros par an (1,6 Md€ en ville et 1,3 Md€ à l’hôpital), soit plus de 10 % du marché pharmaceutique total.
Différentes des médicaments chimiques couramment génériqués, les copies de ces biomédicaments sont appelées « biosimilaires », dont la définition, d’abord européenne, est intégrée l’article L. 5121-1 du Code de la santé publique. En France, l’arrivée des biosimilaires pourrait générer de 500 millions à 1 milliard d’euros d’économie par an. Pas étonnant que les pouvoirs publics souhaitent encourager leur développement. Sauf qu’en voulant stimuler ce marché, la France risque de freiner leur extension, selon les industriels du médicament, dont le laboratoire Amgen, pionnier dans la fabrication des biomédicaments.
Un droit de substitution mal encadré
Dans la ligne de mire des laboratoires pharmaceutiques, l’article 47 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2014 qui accorde le droit de substitution aux pharmaciens d’officine pour ces médicaments à l’instar des génériques. D’après ce texte, la substitution se fera selon une « liste de référence » des médicaments biosimilaires qui doit être définie par l’ANSM (une réflexion pilotée par la DGS est en cours). Elle ne s’appliquera qu’aux seules initiations de traitement. Les pharmaciens devront écrire le nom du biosimilaire délivré et informer les prescripteurs de cette substitution. Alors qu’un groupe de concertation travaille sur le décret d’application de la loi, Jean Monin, président de la filiale française d’Amgen, défend le maintien d’un encadrement strict des possibilités de remplacement d’un biomédicament par un biosimilaire : « Il faut une concertation entre les acteurs. S’empresser à légiférer constituerait un écueil. » Pour appuyer ses dires, le laboratoire Amgen dégaine, lors d’une conférence de presse le 7 avril, le rapport réalisé par Claude Le Pen, économiste de la santé. Sous la forme de 15 questions-réponses, le professeur de l’université Paris-Dauphine veut démontrer que le choix de la France d’une substitution officinale n’est « ni nécessaire ni suffisant » pour encourager le développement des biosimilaires. Au contraire. Pointant les nombreuses différences entre génériques et biosimilaires (nature, mode de fabrication, prix…), Claude Le Pen cite l’exemple de l’Allemagne où de bons taux d’utilisation des biosimilaires sont obtenus sans le levier de la substitution. Il considère le cadre légal de substitution trop simpliste et les modalités de mise en œuvre imparfaites. « Comment le pharmacien informera-t-il le prescripteur ? Quelles indications financières faudra-t-il accorder aux pharmaciens pour qu’ils s’engagent dans un acte de substitution très contraignant et consommateur de temps susceptible d’affecter les marges commerciales ? », s’interroge-t-il. Il prévient aussi sur un risque de blocage au niveau des patients et des prescripteurs, qui vont multiplier les mentions « non substituable », ne souhaitant pas de substitution pour des produits jugés très techniques et des pathologies lourdes. « Le biosimilaire reste un produit de prescription et non un “simple” produit de substitution officinale », dit Claude Le Pen. Au final, il conseille aux pouvoirs publics de privilégier un système d’incitations multicritères fondé sur la concurrence (référencement par appel d’offres, objectifs individualisés de prescription pour les médecins…).
Les pharmaciens prêts pour la substitution
La prescription de ces médicaments proviendra essentiellement de l’hôpital, où l’on reconnaît à demi-mot que la substitution à l’officine des médicaments biologiques arrive comme un cheveu sur la soupe. « Dans la plupart des CHU, nous avons déjà commencé à réfléchir à la place à donner aux biosimilaires pour les molécules majeures à partir de 2015 et à les inscrire dans les stratégies thérapeutiques, commente le Pr Samuel Limat, chef du pôle pharmaceutique du CHU de Besançon. Tout le monde a compris qu’il est essentiel de trouver une méthodologie scientifique supportant un modèle gagnant-gagnant : le patient, l’hôpital et l’assurance maladie. Si on fait supporter le poids de la substitution aux pharmaciens d’officine, on risque de les mettre en porte à faux vis-à-vis des patients dont les pathologies sont compliquées. Il faut que l’hôpital, dans sa politique du médicament, définisse la juste place des biosimilaires. »
Du côté de la ville, on n’est pas tout à fait d’accord. « Si les médecins prescripteurs hospitaliers n’assument pas leurs responsabilités, alors les pouvoirs publics ont le droit de donner aux pharmaciens la possibilité de substituer », commente Claude Leicher, président de MG-France. Les représentants des pharmaciens n’apprécient guère ce risque de mise à l’écart de l’officine. Gilles Bonnefond, président de l’USPO, ne mâche pas ses mots : « C’est un lobbying industriel pour continuer à piloter la gestion de la marque à l’hôpital. Si on doit faire des économies sur les biosimilaires, cela se fera avec les pharmaciens d’officine, qui sont des spécialistes du médicament. » Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, « deux principes doivent prévaloir sur ce sujet : la sécurité des patients et l’économie générale pour le système de la Sécurité sociale. Si le pharmacien est l’acteur du biosimilaire, il faudra alors fixer des règles précises. Cela relève de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Il faudra aussi faire en sorte que les confrères ne soient pas économiquement perdants ». Mais, quoi qu’il en soit, « la profession est prête à assurer la dispensation des biosimilaires », conclut Philippe Gaertner.
Ce que dit le Code de la santé publique
Selon l’article L. 5121-1 du CSP, est considéré comme biosimilaire « tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active qu’un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues […] pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première et aux procédés de fabrication nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire ».
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