OÙ EN EST ON ?

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Publié le 25 octobre 2014
Par Loan Tranthimy
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Trois semaines à peine après la forte mobilisation des officinaux, le 67e Congrès national des pharmaciens, les 18 et 19 octobre à Mandelieu-La Napoule, a permis aux titulaires, adjoints et étudiants de connaître les avancées sur les réformes en cours. Compte rendu.

Faute de texte sur la déréglementation, la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutique de France) appelle les pharmaciens à « rester vigilants jusqu’au dernier amendement déposé au Parlement ». Michel Chassang, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), a reconnu, lors de la table ronde sur ce thème, que « ça va dans le bon sens ». « Mais je me méfie de ce qui n’est pas dit », s’est-il empressé d’ajouter. N’empêche, la forte mobilisation des pharmaciens le 30 septembre a semble-t-il fait reculer le gouvernement.

Le monopole est définitivement sauvegardé

Le ministre de l’Economie a en effet définitivement enterré l’idée d’ouvrir le monopole des médicaments sans ordonnance, préconisée par le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF). « On ne mettra pas des médicaments en grande surface parce qu’aujourd’hui on ne manque pas de pharmacies, les prix ne sont pas excessifs, et ensuite parce qu’il y a une sensibilité forte sur la sécurité sanitaire que j’ai pu mesurer dans mes contacts », a déclaré Emmanuel Macron le 16 octobre sur France Inter.

S’exprimant au nom de la ministre de la Santé au congrès, Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins, a déclaré que « la modernisation de l’exercice officinal doit respecter des principes essentiels, parmi lesquels le monopole sur la vente de médicaments ». Ce message est aussitôt salué par Philippe Gaertner, président de la FSPF, qui a encouragé les pharmaciens « à ne pas laisser sortir de boîte de médicaments sans conseils ». « La balle est dans votre camp », dit-il. Invitée à la table ronde sur la déréglementation, Catherine Lemorton, présidente socialiste de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale et députée de Haute-Garonne, a estimé que « l’automédication resterait en pharmacie ». « Mais je dis attention, je n’ai pas envie que, sur certains points, on ait reculé pour mieux sauter ! Je ne suis pas confiante ». Quid de l’idée d’un nettoyage de la liste des médicaments évoquée par Marisol Touraine fin septembre ? Philippe Gaertner est resté sur sa position. « C’est le rôle de l’ANSM. A partir du moment où l’autorité de tutelle décide qu’un produit est un médicament, il doit rester dans le circuit de l’officine », affirme-t-il.

Des règles d’installation massivement simplifiées

Pour Emmanuel Macron, il s’agirait de faire passer le nombre de règles de « douze à deux, sans contrôles excessifs par les administrations », avec instauration notamment d’une « distance minimale » entre les pharmacies. Ces règles qui seront prises par ordonnance dans le cadre du projet de loi de santé devraient favoriser les regroupements, les rachats-fermetures et les transferts. Jean Debeaupuis a évoqué par exemple la suppression du gel de 5 ans imposé entre deux autorisations de transferts, une proposition soutenue par la FSPF. Philippe Gaertner rappelle que les mesures concernant le rachat-fermeture ont été actées dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2012 et jamais mises en œuvre. Par ailleurs, son syndicat est prêt à accepter « que l’unique officine d’une commune ou d’un bassin de vie ne soit pas obligée de demander une autorisation de transfert dans la commune ». Selon Philippe Besset, vice-président de la FSPF, « le travail sur les règles d’installation est initié depuis mai avec les ARS pour prendre en compte des problématiques liés à l’implantation des maisons de santé ».

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Le capital réservé aux seuls pharmaciens

Combattue par la profession, l’ouverture du capital aux investisseurs étrangers prônée par le rapport de l’IGF n’est plus à l’ordre du jour pour préserver l’indépendance professionnelle des pharmaciens. En revanche, la réforme actera sans doute le principe d’une ouverture du capital aux pharmaciens adjoints et la fin de l’obligation pour un pharmacien de détenir un minimum de 5 % d’une société d’exercice libéral (SEL).

Des plateformes pour la vente sur Internet ?

Pour Emmanuel Macron, les règles dans ce domaine sont « trop rigides ». Un pharmacien doit pouvoir « vendre plus facilement des médicaments sur Internet », a-t-il déclaré. Lors des réunions de concertation, la profession est restée ferme sur le principe que « la porte d’entrée de ce dispositif doit être une pharmacie physique et un site Internet appartenant à l’officine », explique Philippe Besset. En revanche, son syndicat est ouvert à ce que « des facilités soient données aux petites pharmacies ». « Il faut développer une forme de sous-traitance à l’instar de ce qui se fait pour les préparations magistrales ». Cette idée ne convient pas du tout à l’USPO. Intérrogé sur le sujet, Gilles Bonnefond, président du syndicat, pense qu’« une telle plateforme sera gérée par des gens extérieurs à la profession ». « Cela va intéresser tout de suite Amazon ou la grande distribution. Qu’il y ait des aides pour développer le portail d’accueil, oui, mais l’acte pharmaceutique doit rester dans l’officine », conclut-il.

Mais aussi

Génériques

Un plan d’actions en faveur du développement des génériques devra être annoncé dans les 30 jours à venir. L’inspectrice générale des Affaires sociales Muriel Dahan est missionnée pour la réalisation de ce plan.

PLFSS 2015

Philippe Besset, vice-président de la FSPF, demande qu’une partie de la baisse des prix des médicaments prévue dans le PLFSS pour 2015 (485 millions au total), soit 250 à 300 millions d’euros, revienne à la promotion des médicaments génériques.

Dispensation à l’unité

L’expérimentation doit démarrer le 1er novembre, selon Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins.

NOUVELLE RÉMUNÉRATION

Le top départ des honoraires prend du retard

Le temps presse, il reste à peine plus de deux mois. La mise en place des honoraires de dispensation doit être effective le 1er janvier 2015. Mais il manque encore l’arrêté d’approbation de l’avenant conventionnel signé en mai dernier pour que s’applique cette évolution. Sa publication au Journal officiel doit intervenir « très prochainement », a assuré Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins, s’exprimant au nom de la ministre de la Santé Marisol Touraine. Sans ce texte, les logiciels informatiques ne seront pas mis à jour, même si le cahier des charges SESAM-Vitale est élaboré, a indiqué Philippe Gaertner, président de la FSPF. Aussi le syndicat demande-t-il « la nomination d’un responsable technique pour coordonner ce changement ». Par ailleurs, des lettres clés sont d’ores et déjà définies pour permettre le règlement des honoraires : HD pour les honoraires de dispensation à la boîte, HC pour les honoraires complexes liés aux prescriptions de cinq lignes et plus et HG pour les grands conditionnements. Pour le moment, le chantier des honoraires à l’ordonnance n’avance pas, l’Assurance maladie n’ayant pas la possibilité technique de rapprocher une dispensation d’une prescription. « C’est tout l’enjeu de la prescription électronique et du retour de l’information vers les médecins », a indiqué Philippe Besset, vice-président de la FSPF, rappelant qu’à terme 85 % de la rémunération sur le médicament ne sera pas lié à son prix. « Nous aurons des difficultés à l’atteindre. Cela va être long », a-t-il estimé.

Matthieu Vandendriessche