Le ministère de la Santé toujours pas fixé sur la stratégie

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Publié le 21 mai 2016
Par Loan Tranthimy
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Soumis au Conseil d’Etat, le projet de décret sur les biosimilaires permettra-t-il aux pharmaciens de substituer ? Pas certain selon Marisol Touraine, ministre de la Santé.

On est sur la base non pas de la substitution mais de l’interchangeabilité, c’est-à-dire que c’est le médecin qui prendra la décision du produit qui est prescrit, et ce n’est pas au niveau du pharmacien que cela se passera », déclare Marisol Touraine en réponse à une question sur le projet de décret sur la substitution des biosimilaires lors d’une conférence organisée le 12mai par le mensuel Décision Santé. Le ministère de la Santé est-il en train d’enterrer le droit de substitution prévu pour le pharmacien par l’article 47 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2014 ?

Interrogé par Le Moniteur des pharmacies, le cabinet ministériel précise que « la ministre s’exprimait sur le rapport de l’ANSM publié en avril dernier. Le décret à paraître prochainement porte sur la liste de référence des groupes biologiques similaires établie par l’ANSM et ne traite pas du rôle du médecin ou du pharmacien dans la prescription ou la dispensation d’un médicament biosimilaire ». Le décret sur la substitution des médicaments biosimilaires par les pharmaciens verra-t-il le jour ? Pas de réponse du ministère. Deux ans après l’adoption de la LFSS de 2014, qui a fait de la France le seul pays en Europe à autoriser la substitution, le gouvernement se montre prudent sur ce sujet complexe. La substitution d’un médicament biosimilaire peut-elle se faire de la même façon qu’avec un médicament générique ? Faut-il miser uniquement sur le pharmacien pour développer ce marché ?

Avis divergents

Pour le Gemme, l’association des fabricants de médicaments génériques, « la substitution telle qu’elle a été mise en place pour les génériques n’est pas nécessairement le bon modèle car elle s’appuie exclusivement sur les pharmaciens, alors qu’on a besoin que ces deux professionnels de santé travaillent de concert pour que le marché des biosimilaires se développe de façon pérenne et optimale en toute confiance avec les patients ». Le vice-président du Gemme, Frédéric Girard, souhaite « qu’une évolution législative vienne intégrer la nouvelle doctrine de l’ANSM et reprécise le rôle de chacun des acteurs. Le médecin reste celui qui décide du produit mais il est aussi important de renforcer le rôle du pharmacien et de trouver un mode de rémunération pour ce rôle car le pharmacien va devoir absorber une perte de marge avec ce marché », déclare-t-il. Du côté des représentants des pharmaciens, la colère est palpable. « A nouveau, c’est un déni de notre métier de pharmacien. C’est une manœuvre des industriels qui veulent maîtriser la prescription », accuse Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Le président de la FSPF, Philippe Gaertner, ne mâche pas non plus ses mots. « Il n’y a aucune indication sérieuse qui permet de limiter la substitution des biosimilaires et notamment dans le cadre envisagé par loi. Ce serait un pas en arrière aussi important que sur la vaccination. Les médecins et les industriels sont derrière pour empêcher cette substitution et les pouvoirs publics ne prennent pas leur responsabilité », affirme-t-il. Une accusation que le Gemme refuse de relever. L’organisation annonce même vouloir faire des propositions sur le rôle des différents professionnels de santé avant l’été.

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INTERCHANGEABILITÉ ET SUBSTITUTION : QUÈSACO ?

L’interchangeabilité correspond à la possibilité de remplacer, au sein d’un groupe défini, le médicament biologique de référence par un médicament biosimilaire et inversement. Cependant, l’interchangeabilité n’autorise pas la substitution. En effet, la substitution par le pharmacien ne s’applique actuellement qu’aux médicaments chimiques. D’après l’ANSM, « les produits biosimilaires ne pouvant être strictement identiques au produit de référence, le principe de substitution, valable pour les médicaments chimiques et les génériques qui sont leurs copies, ne peut donc pas s’appliquer automatiquement ». Anne Drouadaine