Paroles de président

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Publié le 9 décembre 2023
Par Magali Clausener
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Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

« Si la négociation aboutit, il faudra compter six mois avant que les revalorisations s’appliquent »

L’économie de l’officine post-Covid-19 va revenir à la normale en 2024. Nous allons voir si les nouvelles missions, comme la vaccination, vont avoir un effet sur l’économie. Si tel est le cas, il sera cependant probablement faible. Ce qui pourrait aussi jouer un rôle en 2024, c’est la substitution des biosimilaires si elle se concrétise. Et il y a bien sûr les revalorisations des honoraires que nous voulons négocier avec l’Assurance maladie. Mais il faut savoir que si la négociation de l’avenant économique aboutit, nous ne signerons pas avant janvier ou février prochain. Et il faudra compter six mois avant que les pharmaciens puissent appliquer les revalorisations des rémunérations. Par conséquent, si nous n’avons pas des assurances relativement tôt dans l’année de revalorisations à venir, cela va être difficile pour la profession. Nous devrons contracter les coûts, mettre un frein sur les investissements et les charges. Celles-ci ont fortement augmenté en 2023 et, si leur progression se poursuit, la situation ne sera pas tenable sur le long terme. 

Un autre élément « plombe » l’ambiance : il s’agit des pénuries de médicaments. Est apparu un nouveau métier à l’officine : le pharmacien qui a la charge de partir « à la chasse » aux médicaments manquants. J’espère vraiment que nous allons sortir de cette période, car elle est chronophage et pénalise les patients. 

Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO)

« L’année 2023 a déjà été compliquée et 2024 le sera encore plus » 

L’économie de l’officine est de plus en plus tendue et je déplore qu’il n’y ait pas un consensus avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) sur la situation. Pour la Cnam, l’économie est bonne. Or non, ce n’est pas le cas. D’ailleurs, je m’interroge sur son objectif : ne veut-elle pas retarder l’ouverture des négociations de l’avenant ? Il va falloir que nous nous battions et c’est pour cela que je demande à la profession de se mobiliser. Car les volumes de médicaments baissent, de 2 % environ, et les marges dégringolent. L’excédent brut d’exploitation (EBE) a chuté d’au moins 10 %. L’année 2023 a déjà été compliquée et 2024 le sera encore plus, puisque je pense qu’il n’y aura plus de « bulles » de réserves. 

Les nouvelles missions peuvent apporter une bouffée d’oxygène. Il faut renforcer notre rôle. Par exemple, le dépistage du cancer colorectal est une belle mission : le taux de conversion est de 70 %. Les pharmaciens prennent en effet le temps de parler aux patients et ils savent le faire. 

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Dernier point : je n’ai pas l’impression que les pouvoirs publics prennent conscience du travail généré par les pénuries de médicaments. La gestion des ruptures de médicaments est chronophage et nécessite qu’un pharmacien s’en occupe pratiquement à temps plein. Sur un an, cela coûte à la pharmacie 25 000 €. 

Christophe Le Gall, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF)

« Si nous n’obtenons pas une augmentation substantielle, l’économie de l’officine va s’effondrer » 

C’est une année, 2024, où il faut consolider d’urgence le réseau officinal. Nous passons d’une économie boostée par le Covid-19 – même si toutes les pharmacies n’en ont pas profité de manière homogène – à une économie normale mais affectée par l’inflation, les charges – notamment salariales – et une perte de rentabilité liée à la part croissante des produits chers. Les trésoreries se dégradent car, depuis le début de l’année 2023, nous avons dû faire face à une forte augmentation des coûts d’exploitation conjuguée à une diminution de la fréquentation et à une baisse de la marge brute globale de 10,42 %. Et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 prévoit 1,3 milliard d’euros d’économies. C’est un danger majeur pour le réseau officinal. 

Les pharmaciens sont prêts à se mobiliser. Si nous n’obtenons pas une augmentation substantielle pour les cinq années à venir, l’économie de l’officine va s’effondrer. La hausse des honoraires de dispensation représente un enjeu vital et la négociation avec l’Assurance maladie doit porter en priorité sur ce point. Les pharmaciens ressentent un vrai sentiment d’injustice : ils ont des missions à accomplir qui sont soit mal rémunérées soit pas rémunérées, alors qu’elles permettent à l’Assurance maladie de réaliser d’énormes économies. A cet égard, la revalorisation que nous demandons serait largement couverte grâce aux économies induites par le nécessaire élargissement du répertoire des biosimilaires.