Les raisons de se lancer dans une maison de santé

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Publié le 29 avril 2017
Par Loan Tranthimy
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Les conditions de rémunération des professionnels de santé exerçant en coordination dans les maisons de santé ont été améliorées par l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), signé le 20 avril en attente de publication au Journal officiel . Le texte conforte aussi la place du pharmacien et multiplie par deux l’enveloppe financière allouée à ce mode d’exercice.

Hie r, les porteurs des projets de maisons de santé étaient surtout des médecins. Aujourd’hui, c’est davantage des pharmaciens et des infirmières. » Ce bilan fait par Pierre de Haas, ancien président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS) lors de son congrès annuel en mars 2017, marque sans doute un tournant dans le développement de ces structures. Selon Brigitte Bouzige, titulaire et vice-présidente de la FFMPS, 2 000 titulaire exercent aujourd’hui en coordination avec les autres professionnels de santé. Grâce à l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), signé le 20 avril par l’Assurance maladie et plusieurs organisations syndicales dont les deux syndicats de pharmaciens (FSPF et USPO), davantage de pharmaciens pourront être incités à s’engager dans ce mode d’exercice. Prenant le relais du règlement arbitral mise en place en 2015 après l’échec des négociations sur les « NMR » ou nouveaux modes de rémunération, ce texte comporte en effet de nombreuses avancées pour le travail en équipe.

Reconnu et impliqué

Jusqu’à présent, le pharmacien n’était pas nommé dans le règlement arbitral. Désormais, cet oubli est corrigé. L’accord le mentionne clairement comme membre à part entière de l’équipe de la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) ou comme intervenant extérieur à la structure. Selon le dernier bilan de la DGOS, chaque MSP se compose de cinq médecins, de plus de deux pharmaciens (2,3 précisément) et neuf paramédicaux. « Sa reconnaissance dans le texte conventionnel incitera les autres professionnels à l’impliquer davantage dans le projet de santé », explique Jocelyne Wittevrongel, vice-présidente de la FSPF, chargée de l’exercice professionnel. Pour cette pharmacienne installée à Saint-Gaultier dans l’Indre, « le pharmacien est aussi reconnu dans ce texte en tant qu’intervenant extérieur. Il va pouvoir offrir ses compétences pour travailler avec l’équipe de soins pluriprofessionnelle », insiste-t-elle. Selon les premiers résultats d’une enquête présentée lors du congrès de la FFMPS auprès des pharmaciens déjà investis dans les MSP, trois types de missions sont dévolues aux pharmaciens : participation aux réunions de concertations pluriprofessionnelles, entretiens pharmaceutiques et accompagnement pour le maintien à domicile. « Alors que les entretiens pharmaceutiques s’essoufflent, ils gardent un bon niveau d’utilisation au sein des maisons de santé. Par ailleurs, dans le maintien à domicile, le rôle du pharmacien est largement reconnu. Il se déplace plus facilement pour apporter les aides nécessaires en matériel », souligne Brigitte Bouzige.

Des indicateurs assouplis

En s’engageant dans une structure de soins pluridisciplinaires, comme tout autre professionnel de santé, le pharmacien participe pleinement à la coordination pluriprofessionnelle pour la prise en charge des patients. Ses missions et le temps de son intervention sont détaillés dans les protocoles, ainsi que les modalités de transmission des informations nécessaires à la bonne coordination des soins. La dotation prévue dans l’ACI va servir à rémunérer le travail de coordination de toute l’équipe et son montant dépend de l’atteinte de trois indicateurs dits socles : accès aux soins (horaires), travail en équipe (protocoles) et système d’information partagé. Ces indicateurs ont été assouplis permettant ainsi à la structure d’obtenir plus facilement des financements. Exemple : le système d’information. L’accord prévoit de prendre en compte non plus le nombre de patients de la structure mais le nombre de postes équipés en logiciels interprofessionnels. Par ailleurs, si la MSP voit sa labellisation retirée par l’ASIP santé, elle continue à toucher une rémunération si les deux autres indicateurs sont atteints. La MSP pourra aussi voir son enveloppe augmentée grâce aux nombreux indicateurs dits optionnels : diversité de l’offre, missions de santé publique, formation des jeunes ou encore satisfaction des patients.

Le pharmacien indemnisé par la SISA

Pour chaque indicateur, l’accord prévoit un nombre de points : 800 points pour l’amplitude horaire et l’accès aux soins programmés, ou encore 100 points par protocole pluriprofessionnel écrit ou 1 000 points par réunion de concertation pluriprofessionnelle. Chaque point vaut 7 euros. Une structure type composée de treize professionnels de santé et ayant 4 000 patients (correspondant à une patientèle moyenne des maisons de santé), atteignant l’ensemble des engagements proposés pourra percevoir jusqu’à 73 500 euros par an au lieu de 51 800 euros auparavant. Pour recevoir ce financement, la maison de santé doit être constituée en société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). Comme tout autre professionnel de santé, le pharmacien, en tant que personne physique (et non la pharmacie, personne morale) et signataire du projet de santé peut choisir d’intégrer ou non la SISA. « C’est la maison de santé qui décide de redistribuer l’argent perçu. Le pharmacien peut être rémunéré pour les réunions de concertation ou pour les entretiens pharmaceutiques menés en tant qu’associé de la SISA ou intervenant extérieur », rappelle Brigitte Bouzige.

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Une rémunération minimale pour les nouveaux projets

Pour tout pharmacien ayant déposé son projet de soins à l’ARS depuis moins d’un an, il faut savoir que le texte prévoit aussi une garantie de versement d’une rémunération minimale de 20 000 euros, attribuée une seule fois à toute nouvelle structure ayant atteint deux des trois indicateurs socles. Ceci durant les deux premières années civiles de fonctionnement. Par ailleurs, l’accord prévoit aussi la garantie de versement d’une avance de 12 000 euros pour une année complète. Pour « inciter les maisons de santé qui ne sont pas encore constituées en SISA à le faire afin que le maximum d’entre elles bénéficient de l’ACI », expliquait Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance maladie. « Cela leur permet de ne pas avancer l’argent et d’investir rapidement dans le système d’information », se félicite Brigitte Bouzige.

À RETENIR


•  Un accord conventionnel pluriprofessionnel reconnaît le pharmacien comme partenaire à part entière de la coordination des soins.

•  Il prévoit une rémunération minimale de 20 000 euros pour les nouvelles équipes.

•  Les indicateurs ont été assouplis permettant aux structures de percevoir le financement.

REPÈRES 

COMMENT CRÉER UNE MAISON DE SANTÉ (MSP)

Texte : Loan Tranthimy – Infographie : Franck L’Hermitte