Ces défis que vous avez relevés

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Publié le 23 juin 2017
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Baisses de prix autoritaires, mise en place du tiers-payant, révolution des génériques, évolution de la rémunération… En 70 ans, la profession a su s’adapter aux changements majeurs. Et relever tous les défis. La preuve page après page dans nos archives.

LA RÉGULATION DES DÉPENSES DÈS 1970

Créée en 1945, la Sécurité sociale connaît dans les années 1950 son premier « trou ». Cibles de toutes les critiques dans ces années-là : les dépenses de médicaments. Même si elles ne représentaient que 15 % du total des remboursements de l’Assurance maladie. Pour enrayer ces déficits, les gouvernements successifs ont fait le choix de baisser de façon autoritaire les prix des médicaments en 1952, puis en 1954 et 1956. Plusieurs arrêtés, pris par le ministre des Affaires sociales de l’époque, Albert Gazier, ont provoqué une pénurie de médicaments durant l’hiver 1956-1957 et une guerre de tranchées entre officine et laboratoires. Mais rien n’y a fait. Les dépenses de santé dérapent et les baisses des prix de médicaments perdurent. Face aux décisions autoritaires, les pharmaciens se rebellent. Pour la première fois en juillet 1970, 95 % d’entre eux baissent le rideau. La profession s’enflamme de nouveau en 1981 lorsque le gouvernement socialiste de l’époque envisage de limiter la progression des revenus des pharmacies. En vain ! Malgré une réforme de la Sécurité sociale de 1994 à 2011 avec l’instauration de la loi de financement de la Sécurité sociale, la politique du rabot perdure et n’est pas sans conséquence sur le réseau. En 2016, l’ordre des pharmaciens sonne l’alerte : une pharmacie ferme tous les deux jours.

LE TIERS-PAYANT GÉNÉRALISÉDÈS 1982

La délégation de paiement a été instaurée en 1951. L’objectif premier était de favoriser un accès plus facile aux soins médicaux pour les patients nécessiteux. Mais très rapidement, les pharmaciens eux-mêmes l’ont généralisée via une convention de tiers-payant signée en 1975 entre la Fédération et la Sécurité sociale. Une mesure qui passait mal au sein de la profession. Avec l’informatisation de l’officine, le dispositif s’implante peu à peu. La généralisation du tiers-payant pharmaceutique à tous les assurés sociaux sans seuil minimum de dépenses intervient en décembre 1982. Le pharmacien peut alors, sur demande, tarifer les produits délivrés sur une facture subrogatoire, l’assuré ne lui réglant que le montant du ticket modérateur s’il n’en est pas exonéré et les éventuels médicaments ou articles non remboursables. Trente ans plus tard, en 2012, l’Assurance maladie misera sur le tiers-payant pharmaceutique pour booster les médicaments génériques.

L’ALTERNATIVE « HONORAIRES », DÈS LES ANNÉES 1960

« L’exercice de la pharmacie en officine est autre chose qu’un acte commercial banal. C’est pourquoi il faut mettre en évidence le caractère sanitaire et social de la profession et substituer l’honoraire au bénéfice commercial ». Cette préconisation est écrite noir sur blanc dans un rapport présenté à Raymond Marcellin, ministre de la Santé nouvellement désigné en 1962. Mais il a fallu attendre les années 2000 pour que cette alternative soit envisagée. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), sorti en 2011, préconise clairement la mise en place des honoraires pour valoriser le rôle de professionnel de santé du pharmacien et sa fonction de conseil au moment de la dispensation des médicaments. Il s’agit, en outre, de déconnecter sa rémunération du prix des médicaments et des volumes de boîtes vendues. En 2012, une première étape est franchie. La convention pharmaceutique signée par un seul syndicat représentatif, la FSPF, permet de basculer près de 50 % de la rémunération en honoraires. Une nouvelle étape est envisagée en 2018.

LA RÉVOLUTION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

C’est en 1981 qu’est établie la définition du médicament générique mais ce n’est qu’en 1997, avec la création d’un Répertoire, puis en 1999 avec la loi sur le droit de substitution, que le générique est mis en lumière. Un droit qui devient un devoir pour le pharmacien. Depuis le 1er juin 2003, il se voit aussi imposer le tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), qui correspond au prix moyen des médicaments d’un groupe générique. Cinq ans plus tard, en 2008, l’acceptation du générique reste fragile, même si 78 % de la population déclare lui accorder sa confiance autant qu’au princeps. Cette année là, l’Europe, dans un rapport, accuse même les laboratoires de bloquer ce développement. En 2016, les génériqueurs écrivent à la ministre de la Santé pour rappeler qu’une plus large utilisation de ces médicaments, qui ne représentent aujourd’hui que 33 % de la consommation nationale, apporterait chaque année 3,5 milliards d’euros d’économies, soit 1,5 milliard de plus qu’aujourd’hui. En 2016 toujours, une campagne de communication en officine s’affiche pour améliorer l’adhésion des Français à ces médicaments. Les pharmaciens incités depuis 2012 à substituer les médicaments génériques via la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) jouent à fond le jeu.

LA MDL DE TRISTE MÉMOIRE


Jusqu’en 1989, la marge des pharmaciens était fixe et proportionnelle au prix fabricant hors taxe. En 1988, cette marge linéaire grimpait jusqu’à 48,5 % du prix fabricant hors taxe (PFHT). Pour faire face à cette marge jugée juteuse pour les pharmaciens et à une hausse constante du volume et des prix des médicaments, l’Etat a régulé en l’abaissant de façon autoritaire. Face aux contestations des pharmaciens, un nouveau mécanisme a été décidé en 1990. Ainsi est née la marge dégressive lissée ou MDL, divisée en plusieurs tranches selon le prix du médicament. Pour un prix de médicament donné en PFHT, on calcule la marge obtenue sur chaque tranche PFHT et on additionne les marges obtenues sur tranche pour avoir la marge totale du pharmacien. Ce dispositif permet de corriger la hausse du volume et des prix des médicaments, tout en permettant aux pharmaciens de ne pas être trop perdants. Depuis 2014, la situation s’inverse. Les prix et le volume des médicaments baissent. Le système de la MDL montre qu’il n’est plus adapté à la pharmacie. La réforme de la rémunération est alors introduite en 2015 avec un forfait à la boîte (honoraires), assorti d’une refonte de la MDL.

OFFENSIVES SUCCESSIVES

CONTRE LE MONOPOLE



En contrepartie de son monopole de dispensation du médicament, le pharmacien doit se conformer à un certain nombre d’obligations dont l’indépendance professionnelle et la formation continue. Cette exception française est ébranlée d’abord par l’appétit du distributeur Leclerc dès la fin des années 1990 pour obtenir l’autorisation de vendre certains médicaments. En vain. En 2005, le Conseil national de la consommation (CNC) revient à la charge dans un avis proposant « sous réserve de garanties en matière de santé, que puissent être mis hors monopole des pharmaciens et commercialisés légalement dans tous les circuits de distribution » un certain nombre de produits comme l’alcool à 90º et à 70º, les autotest de grossesse, les pansements, les vitamines, les produits antipoux ou les produits d’entretien des lentilles de contact… En 2006, Michel-Edouard Leclerc en remet une couche pour demander l’ouverture du monopole des pharmaciens. « Les prix des médicaments à prescription facultative seraient 25 % moins chers dans nos établissements », a-t-il affirmé en 2008. Alors ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, défend ce monopole mais autorise les médicaments de conseils devant le comptoir. Le libre accès est né. En 2013, c’est l’Autorité de la concurrence qui recherche des « opportunités pour ouvrir la concurrence ». « Cette intention ne doit pas s’effectuer au détriment de la santé publique », indique alors Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens. Un an plus tard, en 2014, c’est au tour d’Arnaud Montebourg puis d’Emmanuel Macron, successivement ministres de l’Economie, de vouloir libéraliser le secteur au nom du sacrosaint pouvoir d’achat des Français. Une proposition qui provoque la colère de la profession et la plus belle grève de son histoire. Le 30 septembre 2014 restera une journée marquée d’une pierre blanche. 87 % des pharmaciens avaient fermé leur rideau.

LE DP, FIERTÉ DE LA PROFESSION



Alors que le dossier médical partagé (DMP) peine à voir le jour, le dossier pharmaceutique (DP) voulu par le législateur en 2004 a été créé avec succès en 2007. Conçu pour permettre aux pharmaciens de sécuriser la dispensation des médicaments en limitant les risques d’interactions médicamenteuses et les traitements redondants, cet outil a été généralisé en 2008 dans toutes les pharmacies. Pour favoriser la coordination entre les professionnels de santé entre la ville et l’hôpital, le dossier pharmaceutique a été rendu accessible depuis 2012 aux pharmaciens hospitaliers, en 2016 à trois catégories de médecins (urgentistes, anesthésistes et gériatres), puis à tous les médecins hospitaliers depuis mai 2017.

LES PARAPHARMACIES FLEURISSENT

L’INFORMATISATION DE L’OFFICINE S’ACCÉLÈRE AVEC L’ARRIVÉE DE LA CARTE VITALE


Né en 1998, ce petit rectangle de plastique vert et jaune contient l’identification numérique du patient permettant ainsi la création de FSE, feuilles de soins électroniques. Elle ne renseigne en aucun cas sur l’état de santé du patient, ni sur les médicaments que celui-ci utilise. Avec la deuxième version en 2007 de la carte Vitale, le patient peut obtenir la création de son dossier pharmaceutique qui ouvre au pharmacien la possibilité de connaître ce qui a déjà été délivré dans d’autres officines.

OUVERTURE DU CAPITAL, LA MENACE GRONDE, LES PHARMACIENS TIENNENT BON


Occupant une position particulière, à la fois commerciale et libérale, la pharmacie d’officine est soumise à des règles de droit très spécifiques, notamment sur la propriété des officines par des pharmaciens. Nul ne peut ouvrir une pharmacie s’il n’est en même temps propriétaire du fonds et muni d’un diplôme de pharmacien. Cette règle de l’indivisibilité de la propriété et de la gérance de l’officine a souvent été violée, et l’usage de prête-noms s’est répandu, jusqu’à la loi de septembre 1941. Cette dernière énonçait que le pharmacien est propriétaire de l’officine dont il est titulaire et autorisait les pharmaciens à constituer entre eux une société en nom collectif en vue de l’exploitation d’une officine. La loi de 1990 introduit un changement important avec l’arrivée des sociétés d’exercice libéral (SEL) et réserve la majorité du capital et des droits de vote aux pharmaciens exerçant effectivement au sein de la société leur garantissant une relative
indépendance professionnelle. Depuis 2001 et la loi Murcef, le titulaire d’une pharmacie en France peut ne détenir que 51 % des parts de sa pharmacie, montée alors sous la forme juridique SEL. Les 49 % autres étant détenues par un ou plusieurs pharmaciens déjà installés. Malgré l’empilement des lois, l’ouverture du capital n’est pas envisagée pour les non pharmaciens. En 2007, la menace vient de l’Europe qui trouve injustifiée la réserve de propriété des officines aux seuls pharmaciens et l’interdiction de cumul de propriété de plusieurs pharmacies. La députée européenne Françoise Grossetête, en évoquant l’ouverture du capital, a parlé d’« évolutions à termes assez inéluctables ». Alors que la fronde gronde, la Cour de justice européenne tranche en 2008 en faveur de la profession en soutenant les Etats membres qui refusent l’ouverture du capital. En 2016, le syndicat UNPF, dans son « livre Blanc », propose une ouverture du capital au sein de la profession. Une proposition qui a soulevé un tollé et semble avoir coûté sa représentativité au syndicat en 2015.