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Les étudiants , fer de lance de la prévention
Instauré dès la rentrée universitaire 2018 avant sa généralisation en 2019, le service sanitaire représente pour tous les acteurs concernés une avancée majeure. Il suscite toutefois des inquiétudes de la part des facultés et des étudiants quant à sa mise en place dans un calendrier très serré. Analyse.
L’arrivée du service sanitaire, permettant la réalisation par des étudiants en santé d’actions de prévention au sein de la population, est unanimement saluée. « Enfin on se saisit de la prévention. L’approche d’une éducation populaire est également très positive pour nous », se réjouit Jordan Challier, vice-président en charge de l’enseignement supérieur à l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Même analyse spontanée le Pr Nicolas Lerolle, doyen de la faculté de santé d’Angers (Maine-et-Loire) : « On ne peut plus se contenter d’avoir une formation exclusivement dédiée au soin, très hospitalocentrée. Le constat de la “ prévention 0 ” doit évoluer ». Bernard Muller, président de la conférence des doyens des facultés de pharmacie de France, est du même avis : « L’université ne doit pas être dans sa tour d’ivoire mais ouverte sur le territoire. Elle a une responsabilité sociale ». Interprofessionnalité, préparation plus adaptée à l’exercice de demain, meilleure visibilité du métier de pharmacien par la population, le service sanitaire a des finalités très favorables pour la profession. Le périmètre et les modalités de la mise en œuvre de cette nouveauté voulue par Emmanuel Macron ont été définis par une mission pilotée par Loïc Vaillant, professeur de médecine à l’automne 2017. Son rapport a été présenté lundi 26 février aux ministres en charge de la Santé et de l’Enseignement supérieur. Mais, dans l’attente des textes d’application de ce service sanitaire, dont la publication est prévue courant mars, certaines zones floues subsistent. « Concrètement, nous attendons de savoir comment appliquer le rapport Vaillant, qui est un avis technique et expert, et non politique », souligne Jordan Challier. Et le communiqué de presse de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), signé le 27 février et intitulé « Service sanitaire : ne bâclons pas un projet ambitieux », sonne un peu comme un cri d’alarme. Tout en saluant la démarche, les étudiants s’inquiètent particulièrement du calendrier très resserré pour sa mise en place. Ils souhaitent également un suivi et une évaluation renforcés des étudiants comme de la population, sur son instauration et sur sa réalisation.
Les facultés déjà en ordre de marche
Le Pr Bernard Muller se veut rassurant : « Le service sanitaire doit être abordé avec beaucoup de pragmatisme et il faut conserver son caractère ambitieux. L’intérêt du rapport Vaillant est qu’il fixe un cadre général, tout en laissant une grande souplesse dans l’organisation. » Certaines universités étant mieux préparées que d’autres, la montée en charge sera progressive. A la faculté de santé d’Angers par exemple, qui passera de 85 à 160 étudiants formés entre 2017 et 2018 : « Alors qu’on est une faculté pilote, le travail est énorme et il paraît difficile d’en faire bénéficier tous les étudiants la première année », rappelle le Pr Nicolas Lerolle. L’assistance des facultés sur le terrain est un point de vigilance des étudiants : « Nous ne voulons pas que localement, ce soit à chacun de se débrouiller », précise Jordan Challier. Ce à quoi Bernard Muller répond : « La conférence des doyens pourra accompagner les universités pour affiner le cadre général du rapport Vaillant et fournir des outils que chacune pourrait s’approprier ».
En tout état de cause, les facultés ne partent pas de zéro. Des unités d’enseignement autour de la santé publique sont déjà dispensées depuis 2011. Il faudra simplement les adapter et les perfectionner.
Certaines universités ont mis en place des initiatives, comme à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) où le programme « Etre et savoir : l’école de la santé » est déjà dispensé par une vingtaine d’étudiants en santé dans les écoles primaires. Brigitte Vennat, doyen de la faculté de pharmacie clermontoise choisie pour une expérimentation « grandeur nature » du service sanitaire, souhaite par ce biais « renforcer les actions du parcours éducatif en santé des établissements scolaires. Mais le service sanitaire doit apporter sa pierre à l’édifice et non bouleverser le système ». Ainsi 30 étudiants se rendront dans des classes de seconde entre mi-mai et mi-juin, après avoir eu une semaine de formation en mars et une semaine de gestion de projets avec les établissements en avril. Évaluation de l’action prévue en juin pour une adaptation à la rentrée de septembre.
Dans ce calendrier très cadencé, des interrogations demandent à être levées très rapidement. La période de réalisation du service sanitaire par exemple. Tous les acteurs s’accordent à dire que la cinquième année hospitalo-universitaire, la plus souple et la plus propice à différents terrains de stage, serait idéale. « Cet impact sur les stages hospitaliers nécessitera des aménagements, puisque le temps de présence des étudiants à l’hôpital diminuera. Néanmoins je pense que ceci présentera un intérêt plus direct pour eux », indique Frédéric Lagarce, directeur du département pharmacie à l’UFR de santé d’Angers. Ce service sanitaire ayant vocation à être pluridisciplinaire, il faut cependant que les emplois du temps et les territoires de stages des étudiants en santé des différentes filières concordent.
Des détails pratiques qui ont leur importance
Autre point d’inquiétude, la prise en charge des indemnités kilométriques pour les étudiants. Qui sous-tend la mobilité des stagiaires. « Les terrains de stage étant multiples, certains seront dans des territoires ruraux. Ce qui pose des questions de logistique, de déplacements voire d’hébergements des étudiants », souligne Brigitte Vennat. Pour se laisser du temps lors de la montée en charge, Bernard Muller précise que « nous pouvons commencer dans le périmètre de l’université avec des étudiants des autres composantes. » La création des comités locaux de coordination, en charge de trouver des lieux de stage, devra tout de même se faire sans tarder. Les étudiants surveilleront également de près la qualité de la formation et des stages. « Nous veillerons à ce qu’il n’y ait ni un allongement des études, ni que ce service sanitaire se fasse au détriment d’autres enseignements », précise Jordan Challier.
Bernard Muller conclut positivement : « Il faut faire confiance aux universités. Ce n’est pas la première fois qu’elles doivent s’adapter dans un calendrier serré. Elles ont par exemple su être réactives lors de la mise en place de l’expérimentation vaccination. »
• Instauré dès la rentrée universitaire 2018, le service sanitaire obligatoire va confier aux étudiants en pharmacie la réalisation d’actions de prévention.
• Tous les acteurs s’accordent à dire que la 5e AHU est la meilleure période pour réaliser ce service sanitaire.
• Interprofessionnalité, préparation plus adaptée à l’exercice de demain, meilleure visibilité du métier de pharmacien par la population, la démarche est accueillie favorablement par les universitaires et les étudiants, nonobstant un calendrier trop serré.
REPÈRES
PAR LAURENT LEFORT – INFOGRAPHIE : FRANCK L’HERMITTE
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