L’épineux problème de la parole politique

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Publié le 20 septembre 2018
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Le rapport de Magali Leo et de Gérald Kierzek relatif à « l’amélioration de l’information des usagers et des professionnels de santé sur le médicament », commandé par la ministre de la Santé après l’« affaire Levothyrox » fait un constat lucide des ratés de la communication publique : absence d’anticipation, communication « artisanale », « minimisation du ressenti des patients », etc. En revanche, on est un peu déçu du catalogue de 57 propositions en 4 chapitres qui partent dans tous les sens. La ministre en a officiellement retenu six, qu’elle s’est engagée à mettre en place dans l’année qui vient. Cela ne sera pas très compliqué car elles ont le grand mérite de pouvoir être mises en place au prix de légers amendements aux dispositifs existants déjà ! C’est le cas de la mesure-phare (n° 1), la « source d’information publique » sur le médicament qui rassemblera les données existantes de la « base de données médicaments » et du site « medicaments.gouv.fr ». Rien de nouveau non plus avec le dossier pharmaceutique (DP) et le dossier médical partagé (DMP), que la ministre veut promouvoir

auprès du grand public (n° 2), ce qui est louable mais ne sera pas facile.

Confier à l’ANSM un monopole de la communication publique appuyé sur le Centre d’appui aux situations d’urgence, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques (Casar) créé mi-2017 (n° 3) peut en effet réduire la cacophonie, tout en posant toutefois l’épineux problème de la parole politique dans ces situations où l’opinion attend moins des informations techniques que des explications, de l’engagement et des décisions. Le repérage des « signaux faibles » s’exprimant essentiellement sur les réseaux sociaux en dehors des circuits de pharmacovigilance (n° 4) est déjà plus ou moins en place à l’ANSM. Affilier à l’outil d’alerte DGS-Urgent (n° 5) – un peu rébarbatif – tous les médecins et pas seulement les volontaires n’est pas révolutionnaire. Enfin, offrir un siège aux associations de patients au sein du Comité économique des produits de santé (CEPS) n’a pas grand-chose à voir avec l’« affaire », même si cela s’inscrit dans une tendance constante d’élargissement de la représentation des « usagers ». Au total, ces mesures « tout-Etat » auraient-elles évité la « crise » si elles avaient été en vigueur à l’époque ? Rien n’est moins sûr ! Et surtout quelle place donnent-elles aux professionnels de santé, alors que le rapport note à juste titre que « la confiance interpersonnelle [entre patients et professionnels] demeure un point d’appui fort de notre système de santé » ?

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