MANAGEMENT ET MOTIVATION SANS FAILLE

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Publié le 1 novembre 2020
Par Yves Rivoal
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La pandémie du Covid-19 génère un nouveau stress, qui impacte les équipes officinales. L’absentéisme, les signes d’énervement et les conflits entre collaborateurs démontrent que le traumatisme collectif et individuel n’est pas refermé. Le temps est venu pour les titulaires d’engager des actions pour remotiver leurs troupes.

Pour remotiver une équipe, il faut à la fois agir sur le plan individuel et sur le collectif, en ouvrant le dialogue », lance en préambule Catherine Mieg, clinicienne du travail et consultante en management. Pour Francis Boyer, consultant en innovation managériale au sein du cabinet Dynesens, c’est un véritable travail de catharsis qui doit être réalisé auprès de chaque collaborateur. « Tout le monde ne réagit pas de la même manière face à une telle crise. Il est donc important de savoir comment les uns et les autres l’ont traversée, ce qu’ils ont appris, les difficultés qu’ils ont rencontrées… Pour cela, il faut faire preuve d’authenticité et apprendre à se dire les choses. »

Face à un collaborateur qui ne va visiblement pas bien, il faut prendre le temps de lui parler en aparté. « S’il est épuisé physiquement, proposez-lui de prendre quelques jours de congé, conseille Catherine Mieg. S’il refuse, pour ne pas mettre en difficulté l’équipe, insistez en lui expliquant qu’il doit d’abord penser à lui et que vous allez vous arranger. » Lorsque le malaise est plus profond et d’ordre psychologique, il faut, là encore, apporter son soutien. « A un membre de l’équipe particulièrement touché par la disparition de certains patients, avec qui il avait noué une relation privilégiée, conseillez-lui de consulter un psychologue », suggère la clinicienne.

La reconnaissance au travail : un levier de motivation.

La qualité du travail réalisé ou l’implication doivent être saluées. « Pendant la crise, certains salariés se sont révélés en prenant des initiatives, en faisant preuve d’empathie avec les patients, ou en redoublant d’efforts pour compenser le ou les collègues absents pour raisons de garde d’enfants ou d’ordre médical. Il faut les récompenser. A l’inverse, si un salarié n’a pas joué le jeu, et qu’il ne semble plus partie prenante du projet de l’entreprise, il ne faut pas hésiter à s’en séparer », conseille Patrick Vignaud, co-fondateur de B-Harmonist, un cabinet qui aide les entreprises à se développer de manière harmonieuse. Mais attention, cette reconnaissance doit coller aux attentes de chaque collaborateur, comme le rappelle Catherine Mieg. « Certains seront plus sensibles au fait de recevoir une prime, quand d’autres préféreront se voir accorder des horaires de travail plus souples, une formation professionnelle ou davantage de responsabilités au sein de l’officine… » « Pour mieux appréhender leurs attentes, ajoute Francis Boyer, il faut simplement demander à chaque membre de l’équipe ce qu’il aimerait changer pour donner plus de sens à son travail. Au manager de décider si leur souhait exprimé est réalisable ou pas. » En effet, ces marques de reconnaissance ne doivent pas perturber l’équilibre au sein des troupes. « Il ne faut surtout pas qu’une prime ou une nouvelle responsabilité, soit considérée par les collègues comme une marque de préférence non justifiée », note Catherine Mieg. D’où la nécessité de traiter aussi la dimension collective. « Pour récompenser l’implication de son équipe, le titulaire peut inviter tout le monde au restaurant », suggère Patrick Vignaud. Ou, si la situation financière le permet, il peut octroyer une prime, à condition que celle-ci s’inscrive dans un mode de reconnaissance plus global, avec de la célébration et de la co-construction de projets… », poursuit-il. Mais, une prime est loin de régler tous les problèmes. « Pour être bénéfique, une reconnaissance financière doit être en cohérence avec la posture managériale et l’ambiance au sein de l’équipe », insiste Catherine Mieg.

L’heure est au premier bilan.

Un épisode de crise doit aussi être mis à profit par le titulaire, pour dresser un bilan de ce qui a bien fonctionné ou pas. « Cette « autocritique » doit être établie en mode team building, souligne le consultant. Il faut donc réunir l’équipe et tous les inviter à identifier les process, les comportements et les valeurs qui leur ont permis de tenir, mais aussi les points faibles ou les dysfonctionnements à corriger. Et comme tout changement a plus de chances d’être accepté s’il vient de l’intérieur, j’invite les titulaires à confier ce travail à deux de leurs collaborateurs, qui auront pour mission de piloter le projet et d’identifier les chantiers à mener pour relancer la dynamique collective. » Ce travail réalisé à partir d’une vision commune doit ensuite déboucher sur des mesures concrètes. « S’il ressort, par exemple, que tout le monde est encore sous l’eau, le titulaire doit envisager de prendre une ressource supplémentaire pour soulager l’équipe, à condition bien évidemment de ne pas fragiliser l’équilibre économique de la pharmacie », souligne Catherine Mieg. Si les scans ordonnances sont en forte progression, il faut peut-être envisager d’investir dans un outil digital qui va permettre d’optimiser les process. « Un titulaire peut décider d’associer ses collaborateurs les plus impliqués aux futurs recrutements, ajoute Catherine Mieg. Cette co-responsabilité sur la construction et la cohésion de l’équipe sera perçue comme une vraie marque de confiance par les principaux intéressés. »

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Changement de pratiques managériales.

Pour que ces signes de reconnaissance produisent leurs effets, il faut aussi une forme de cohérence de la part du manager, comme l’explique Catherine Mieg. « Il ne sert à rien d’inviter toute l’équipe au restaurant, si l’ambiance au travail est exécrable. D’où l’importance d’instaurer d’abord une relation de confiance et des interactions sur la manière de travailler harmonieusement ensemble. » Pour Francis Boyer, cette crise sanitaire doit même se traduire par une nouvelle posture managériale. « Pendant longtemps, les relations entre managers et collaborateurs étaient très orientées sur l’organisation. Mais, avec la charge affective et émotionnelle induite par la pandémie, beaucoup ont pris conscience que cette relation devait aussi, basée sur une bienveillance réciproque, investir un champ plus personnel. Lorsque vous avez des collaborateurs qui expriment une soif de liberté et d’autonomie, ce n’est pas en instaurant une règle que vous allez répondre à leurs aspirations. C’est en se plaçant en position d’écoute et d’humilité, en acceptant de ne plus imposer ses idées, parce que les salariés sont les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux », conclut Francis Boyer.