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Parce qu’ils le méritent bien !
L’Assurance maladie vient de proposer aux médecins généralistes qui le désirent un contrat d’amélioration de leurs pratiques individuelles. Avec, à la clé, une rémunération au mérite. A condition bien sûr de consentir à faire quelques sacrifices sur les prescriptions médicamenteuses.
Frédéric Van Roekeghem ne le cachait pas le 22 janvier dernier, lors d’un point d’information. Le directeur général de l’Assurance maladie verrait bien une généralisation des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui seront proposés dès mars aux médecins généralistes volontaires uniquement. Cet acte I des CAPI porte sur trois objectifs : le dépistage et la prévention, le suivi des pathologies chroniques et l’optimisation de la prescription. Et c’est bien ce dernier point qui inquiète les syndicats de pharmaciens, qui redoutent que des économies indirectes se fassent sur leur dos.
Pour séduire 4 000 généralistes dès la première année, la CNAM se veut très incitative et rassurante en avançant que le respect de ses objectifs par un généraliste ayant 800 patients pourrait lui rapporter 5 600 euros par an. « C’est ce que dit la caisse !, réagit Claude Leicher, vice-président de MG-France, le principal syndicat de généralistes. Il reste que le mode de calcul de la CNAM est extrêmement compliqué. De plus, il faudra pour cela réussir tous les objectifs concomitamment. Les généralistes devront donc mettre en place une véritable organisation administrative, pour les suivis de dépistages, le suivi des prescriptions liées aux objectifs, sans avoir aucune certitude d’obtenir au bout cette rémunération à la performance ! N’oublions pas non plus que la tranche des 65-70 ans est toujours difficile à convaincre car ils se sentent souvent en parfaite santé. Il est parfaitement illusoire de pouvoir atteindre l’ensemble des objectifs sur la totalité des patients. Honnêtement, beaucoup de généralistes se disent que c’est n’importe quoi et sont effarés de cette usine à gaz. »
« On achète les médecins pour qu’ils rapportent plus »
Philippe Gaertner, président de la FSPF, est un peu désappointé : « Si on en est arrivé à considérer que pour améliorer la rémunération des médecins il faut diminuer celle des autres professionnels de santé, on va se lancer dans une course infernale qui va s’avérer rapidement difficile à maîtriser. » Claude Japhet, président de l’UNPF, bondit : « On achète les médecins pour qu’ils rapportent plus. C’est un peu fort de café ! Il y a vraiment deux poids, deux mesures. D’un côté, ceux qui n’ont jamais été un modèle de respect des engagements conventionnels mais que l’on récompense en leur donnant toujours plus, et, de l’autre, les pharmaciens, qui ont toujours respecté leurs objectifs mais qui, lorsqu’ils demandent un petit quelque chose en plus pour l’indemnisation de services, même à titre expérimental, se voient répondre que cela va coûter trop cher. Ras le bol ! »
S’ils semblent avoir été écartés de l’élaboration de cette « mécanique », les syndicats de médecins ont en revanche été associés au choix des critères de santé publique susceptibles de faire l’objet de tels objectifs. Des objectifs de santé publique « qui parlent bien aux médecins et sont intéressants par rapport à l’amélioration de leurs pratiques », selon MG-France (incitations aux dépistages, à la vaccination contre la grippe…). L’affaire se corse un peu sur le volet de l’« efficience médicoéconomique » (consignes de prescriptions). « Arrêter d’abuser de la mention « non substituable » est un bon choix stratégique », constate, fidèle à son credo, Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Si cela ne devrait pas poser de problèmes majeurs dans le cas des antibiotiques, des IPP ou des statines par exemple, les médecins parlent dans d’autres situations de « conflits d’intérêts potentiels », d’économies parfois « contraires à l’intérêt du patient ». Réponse de la CNAM : il n’y a pas d’objectif de 100 %…
Autre point contesté, les médecins traitants ne contrôlent évidemment pas toutes les prescriptions liées à un patient et n’estiment donc pas en être redevables. « Les vasodilatateurs sont par exemple maintenant essentiellement prescrits par les ophtalmologistes et les ORL », cite Claude Leicher. In fine, MG-France préconise donc des campagnes de santé publiques ciblées (pas exemple sur les diabétiques) incluant tous les médecins, et pas seulement quelques volontaires, et fondées sur des critères clairs, lisibles et objectifs, à l’image de la campagne réalisée depuis des années sur les antibiotiques, qui est unanimement considérée comme un succès. Mais l’objectif est-il d’abord lié à la santé publique ou aux économies ?
Conventionnement individuel contre défense syndicale
Sur le plan politique, le ton monte encore d’un cran : « Ne nous voilons pas la face, ce système de rémunération à la performance est un cache-sexe pour ne pas revaloriser la médecine générale », estime Claude Leicher. Et, au-delà des revendications pécuniaires, le dossier est politiquement très sensible, et pas que pour les médecins ! En signant individuellement et directement des contrats avec les médecins, la CNAM passe outre les syndicats. Les syndicats préconisaient que de tels objectifs individuels soient déclinés dans le cadre d’un objectif collectif conventionnel, mais la CNAM n’a pas suivi. Rien qu’à l’évocation du terme « individuel », la FSPF, l’UNPF et l’USPO frémissent. « J’ai un problème de principe, admet Gilles Bonnefond. Cela veut dire que chaque médecin signera un contrat avec l’Assurance maladie en dehors de toute convention nationale. Méfiance ». Et si cela marche pour les médecins ? « On a bien compris que cette rémunération à la performance était un dada du directeur de la CNAM », lance Claude Leicher. Autrement dit, il y aurait des velléités d’étendre ce principe de rémunération à la performance à d’autres professionnels de santé. Toujours avec le risque de voir des professionnels signer isolément des conventions au lieu d’être défendus collectivement par leurs syndicats.
Voilà peut-être pourquoi les syndicats ne se pressent pas pour donner leur aval. Et pour couronner le tout, le Conseil national de l’ordre des médecins a rendu un avis déontologique défavorable à ce paiement à la performance. C’est bien mérité, penseront tout haut certains.
Les objectifs à atteindre sur le médicament
– Prévention des risques d’iatrogénie : réduire à 7 % la proportion de patients de 65 ans et plus traités par vasodilatateurs (autour de 15 % actuellement) et à 5 % celle de ceux traités par benzodiazépines à demi-vie longue (contre environ 13 % actuellement).
– Diabète : 75 % des patients diabétiques (hommes de plus de 50 ans et femmes de plus de 60 ans) traités par antihypertenseurs et statines (75 %), versus diabétiques traités par antihypertenseurs seuls ; 65 % des patients de la même population traités par antihypertenseurs, statines et aspirine à faible dose, versus diabétiques traités par antihypertenseurs et statines.
– Optimisation des prescriptions :
1° Inciter le recours aux génériques : 90 % des antibiotiques (nombre de boîtes), 80 % des IPP, 70 % des statines, 65 % des antihypertenseurs et 80 % des antidépresseurs. « Six mois avant qu’un médicament ne tombe dans le champ du Répertoire, la prescription se déplace sous l’effet de la visite médicale », constate Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la CNAM.
2° Réduire la part des sartans (en nombre de boîtes) par rapport aux prescriptions de sartans et d’IEC (taux inférieur ou égal à 35 %).
3° Augmenter à 85 % le taux de patients traités par aspirine à faible dose par rapport aux patients traités par antiagrégants plaquettaires.
– Vaccination : atteindre le taux de 75 % des patients âgés d’au moins 65 ans vaccinés contre la grippe.
IMS et MG-France s’allient
On sait à quel point il est important pour un syndicat professionnel de disposer de chiffres fiables face aux pouvoirs publics. Les médecins ont fini par le comprendre, MG-France ayant signé en décembre un accord avec IMS Health. Quelques repères macroéconomiques vous concernent : en volume, les généralistes sont à l’origine de 75 % de vos prescriptions et, en CA, 66 % de vos ventes sont issues des généralistes, 17 % des spécialistes et 17 % de l’hôpital. On voit quel poids un conventionnement individuel des médecins, type CAPI, pourrait avoir. Cela dit, cette activité liée aux prescriptions des généralistes a baissé de 400 MEuro(s) en 2008 quand les ventes issues des ordonnances hospitalières ont crû de plus de 200 MEuro(s) (sachant qu’IMS situe la baisse d’activité officinale totale à 100-110 MEuro(s)…). Côté spécialistes, ce sont les ophtalmos avec les traitements anti-DMLA et rhumatologues avec les anti-TNF-alpha qui dynamisent les prescriptions.
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