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Psychofficinaux
Mieux connaître les pathologies psychiatriques, les nouveaux protocoles de traitements et les conseils associés, les officinaux grenoblois votent pour. La preuve : une formation originale coordonnée par un jeune pharmacien hospitalier a fait le plein. Dont Régine Le Roy, titulaire de la Pharmacie des Alpins.
L’homme a le dos voûté, le regard fuyant. A son comportement légèrement fébrile, Régine Le Roy comprend qu’il ne va pas bien. « Je voudrais faire renouveler cette ordonnance, explique-t-il. Mais je ne veux pas aller chez le médecin. » Régine lui propose de la suivre dans l’espace de confidentialité. Après quelques minutes de discussion, le patient finit par convenir qu’il a besoin de consulter. « Des patients souffrant d’une pathologie psychiatrique, nous en avons de plus en plus, informe la titulaire de la Pharmacie des Alpins à Grenoble. La grande difficulté réside dans le fait qu’ils ne sont pas toujours conscients d’être malades. »
Pour mieux les aider, Régine Le Roy, que la consommation record de psychotropes par les Français ne laisser pas indifférente, a décidé de parfaire sa formation sur les pathologies psychiatriques et leurs traitements. « De plus en plus de patients atteints de troubles psychiatriques sont suivis en ville : ils sont donc régulièrement amenés à fréquenter l’officine. Nous avons un rôle important à jouer sur l’explication du traitement et ses effets indésirables », note la titulaire. D’autant que les traitements ont beaucoup évolué ces dernières années, de même que les protocoles de prise en charge par les spécialistes. « Désormais, chaque molécule correspond à un cas bien spécifique et nos connaissances deviennent vite obsolètes. »
L’hôpital s’ouvre au monde officinal
Le courrier de l’Association pour la formation et l’information sur le médicament (AFIM) invitant, en mars 2008, Régine Le Roy à quatre modules de psychiatrie est tombé à point nommé. Comme une quarantaine de ses confrères de la région grenobloise, sur les cinquante qui furent invités, la titulaire a répondu présente.
Ce taux de réponse réjouit Akram Barrak, responsable pédagogique et organisationnel de la formation destinée aux officinaux sous l’égide de l’AFIM. Arrivé en novembre 2006 en tant qu’interne au centre hospitalier de Saint-Egrève, hôpital à vocation psychiatrique, Akram Barrak découvre les activités de l’association. Constituée de pharmaciens, de psychiatres et de personnels de santé de l’hôpital, elle propose depuis dix ans des formations sur les médicaments et les pathologies psychiatriques dans le cadre de la formation continue du personnel hospitalier.
« La mise en place d’une formation pour les officinaux avait déjà été évoquée il y a quelques années mais reportée faute de moyens », raconte Akram Barrak. Formé lui-même par l’AFIM, il en devient membre et passe du côté des formateurs. « C’est en 2007 que l’idée d’une formation pour les officinaux a de nouveau été relancée, explique le pharmacien, qui en sera tout naturellement désigné comme le responsable. En arrivant à Saint-Egrève, j’ai découvert un cadre hospitalier différent et des professionnels très ouverts, même s’ils connaissaient peu l’exercice officinal et la prise en charge des patients par le pharmacien de ville. Monter cette formation, c’était aussi faire se rencontrer deux acteurs de santé très peu en contact : les psychiatres et les officinaux. »
Des patients plus fidèles avec la pharmacie qu’avec le médecin
L’AFIM sonde d’abord le marché. « Parmi les formations agréées pour les officinaux sur les deux années précédentes, nous nous sommes aperçus que seules trois affichaient clairement une thématique psy », note Akram Barrak. Les quatre modules proposés en 2008 sous forme de soirées auront pour thème les pathologies psychiatriques et les psychotropes. « La mise en place nous a pris quasiment un an, se remémore Akram Barrak. Il a fallu définir précisément les orientations pédagogiques, en conformité avec les besoins de nos confrères officinaux. Chaque module portait sur une grande classe de maladies psychiatriques et leur prise en charge, principalement pharmacologique. Nous avions également sollicité l’avis de l’UTIP sur certains modules pour être certains de coller aux besoins des pharmaciens. Pour chaque module un volet clinique et un autre pharmaceutique étaient assurés par un binôme de formateurs : un psychiatre clinicien et un pharmacien hospitalier. » Selon le questionnaire de satisfaction proposé à l’issue de la formation, 44 % des pharmaciens participants ont jugé son intérêt « excellent » et 40 % « très bien ».
De son côté, Régine Le Roy estime que la formation lui a donné, comme à ses deux adjointes, « les outils pour mieux détecter ce type de patients, les prendre en charge mais aussi collaborer avec les médecins de ville ou l’hôpital. Une fois équilibrés, ces patients reviennent. Beaucoup sont d’ailleurs plus fidèles à leur pharmacie qu’à leur médecin, surtout lorsqu’ils sont pris en charge par un généraliste. »
Etablir une relation de confiance avec le patient
Particulièrement vigilante, la titulaire n’hésite pas à prendre contact avec le prescripteur lorsqu’elle constate une prise en charge inquiétante. « Certains patients se voient prescrire un traitement par leur psychiatre, puis vont voir un médecin généraliste qui leur prescrit autre chose sans avoir connaissance de la première prescription, et ainsi de suite…, constate la pharmacienne. Je parle aussi de ce problème avec les patients à chaque fois que cela est possible. »
Cette décision doit être prise avec tact car il est important dans ce type de pathologie d’établir une relation de confiance avec le patient. « Notre prise en charge s’appuie énormément sur le dialogue. La formation m’a aussi donné des clés pour aider ces patients à consulter : notre connaissance suffisamment précise de la clinique de ces pathologies nous facilite grandement le travail. » Que ce soit Régine Le Roy ou l’une de ses deux adjointes, les trois pharmaciennes sont particulièrement sensibles aux pathologies psychiatriques. « L’une de mes adjointes avait fait sa thèse sur la schizophrénie », glisse la titulaire. Voilà une conduite qui n’a rien de paradoxale !
L’AFIM
– Sept journées de formation par an.
– Trente participants par journée.
– Un journal de formation est diffusé tous les deux mois à plus de trente partenaires (unités de soins intrahospitalières, centres médicopsychologiques et associations)
– De nombreux thèmes de formation : l’actualité des troubles psychotiques, la dépression, le bon usage des psychotropes chez les toxicomanes, les troubles cardiovasculaires et neuroleptiques, la prise en charge de la démence, la pharmacodépendance, les nouvelles addictions…
Téléphone : 04 76 56 42 75.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Presque un quart de la population française adulte consomme régulièrement des psychotropes, rendant nécessaire une connaissance irréprochable de ces médicaments.
– Cela permet d’alerter les médecins en cas de « nomadisme » des patients.
– Pouvoir instaurer une réelle collaboration entre soignants.
Les difficultés
– Etablir le contact avec les médecins quand il y a surprescription par exemple.
– Faire prendre conscience à un patient qu’il doit aller consulter.
Les conseils d’Akram Barrak
– « La formation initiale est insuffisante pour ce type de pathologies, d’autant que les classes thérapeutiques utilisées ont beaucoup évolué. Il faut à la fois avoir une approche clinique suffisante de la pathologie et maîtriser les traitements : protocole, posologie, interactions, effets secondaires et conseils hygiénodiététiques. »
– « Choisissez une formation alliant pharmacologie et clinique de la pathologie. La mixité des intervenants (pharmaciens et psychiatres) est un gage de qualité. »
– « N’hésitez pas à vous rapprocher des structures de psychiatrie les plus proches, voire à rencontrer des spécialistes pour demander un conseil ou connaître une conduite à tenir face à un cas particulier. »
– « Soyez à l’écoute du patient et proposez-lui des fiches d’information pour l’engager dans une relation thérapeutique et favoriser l’observance, un problème majeur en psychiatrie. »
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