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Le maître de l’onco-logis
En Loire-Atlantique, un quart des pharmaciens s’impliquent dans le dispositif de chimiothérapie à domicile élaboré par le réseau Onco Pays de la Loire. Dont Alain Sternchuss, titulaire à La Chapelle-sur-Erdre, pour qui le pharmacien est le maillon essentiel entre l’hôpital et le patient.
Vous avez accepté de prendre en charge pour un traitement de chimiothérapie à domicile, dans le cadre du réseau Onco Pays de la Loire, M. T., protocole de chimiothérapie Bléomycine et ordonnances joints. L’infirmier sera M. A. Voici son numéro de portable. » Cela commence comme dans la série Mission impossible. Sauf qu’ici la lettre de mission est transmise par les infirmières coordinatrices du réseau Onco Pays de la Loire. Alain Sternchuss, le « missionné », est titulaire de la Pharmacie Viv’Erdre à La Chapelle-sur-Erdre. « Cécile, vous avez contacté l’infirmier ? », s’enquiert-il devant le colis livré par la pharmacie du CHU de Nantes. « Je l’ai appelé : il sera là d’une minute à l’autre », répond l’assistante. « Et, dans moins d’une heure, il sera chez le patient qui pourra ainsi recevoir son traitement. Il n’y a pas plus simple. Le plus long, c’est de vous expliquer comment ça marche… », sourit Alain Sternchuss. Pour cet ancien directeur régional de l’OCP passé derrière le comptoir en l’an 2000, s’impliquer dans Onco Pays de la Loire relève de l’évidence. «J’ai tout de suite adhéré, dit-il. Le pharmacien, c’est l’homme du médicament. Si on ne joue pas ce rôle ultraspécialisé, on ne sert à rien. Ici, aucun médicament ne sort de l’officine sans un conseil d’observance. C’est de la vraie dispensation et non une simple distribution. Et la démarche de chimiothérapie à domicile est tout à fait cohérente avec cette volonté. »
« C’est de la vraie bonne coordination ! »
Expérimenté en 2002 dans le département, le dispositif de chimiothérapie à domicile s’est déployé de façon coordonnée en 2007 à Nantes puis en 2008 à Saint-Nazaire. Depuis, 166 patients ont bénéficié de ce service innovant associant infirmières, médecins hospitaliers, généralistes, spécialistes, oncologues, officinaux, prestataires de services, secrétaires… Parmi les 1 300 chimiothérapies délivrées, 80 % concernent des cancers du sein (Herceptin) ou du pancréas (Gemzar). A ce jour, 110 pharmaciens ont au moins réceptionné une chimiothérapie, soit un quart des officines de Loire-Atlantique. « Une coordination exemplaire », se félicite Hervé Lacroix, médecin coordinateur du réseau. « C’est de la vraie bonne coordination ! », confirme l’infirmier, François-Xavier Audonnet, venu récupérer le traitement du patient à la pharmacie. Avec la chimiothérapie, le pharmacien lui a préparé les sets nécessaires.
C’est là la principale contrainte : il faut veiller à avoir en stock le matériel nécessaire (perfuseur, set de remplissage, aiguilles, set de pose et d’héparinisation…). Ou se débrouiller pour que le patient l’obtienne au moment voulu. Pas le droit à l’erreur. Le temps de vérifier la prescription et la délivrance, une signature, un coup de tampon, l’échange entre les deux hommes n’excède pas cinq minutes. « ça s’est beaucoup simplifié », reconnaît Alain Sternchuss qui, aussitôt, faxe les documents de liaisons dûment signés à la cellule de coordination.
Ce cas est le huitième que le titulaire a à gérer depuis le lancement d’Onco Pays de la Loire. Actuellement, il en suit quatre en même temps. Si l’on peut dire. Car, selon les protocoles, l’administration varie. « Dans 50 % des cas, le traitement a lieu une fois toutes les trois semaines et, pour 30 %, quotidiennement, avec des pauses », précise l’infirmière coordinatrice Claire Jubé.
Une simple question d’implication et de rigueur
S’il arrive que le pharmacien porte lui-même le traitement à domicile, la pratique se fait de plus en plus rare. « Pour des questions de temps. Mais, à chaque fois, c’est l’occasion d’expliquer le traitement et les effets secondaires au malade ou à ses proches, ce qui est souvent plus compliqué à l’hôpital. Les gens sont demandeurs. Ils veulent savoir s’ils vont être malades, s’ils vont perdre leurs cheveux, combien de temps cela va durer… Dans ces moments-là, ils ont besoin d’être rassurés. Quand on se rend sur place, c’est aussi une valorisation de notre métier. Si on n’est pas disponible pour faire ça, on fait un autre métier », répond Alain Sternchuss à ceux de ses confrères qui estiment que le dispositif, « c’est beaucoup de paperasse et beaucoup de temps pour pas grand-chose ».
« Beaucoup de temps ? Non, c’est une simple question d’implication, d’organisation et de rigueur. » Chaque patient a son dossier. Tout y est noté pour que chaque membre de l’équipe puisse savoir où on en est. « Pour pas grand-chose ? Ce dispositif a sans doute un coût. En temps de déplacement, ici, il représente trois heures par semaine. Mais, honnêtement, je m’en fous ! Dans la vie, toutes nos actions ne sont pas motivées par l’argent », raisonne Alain Sternchuss.
12 à 14 h de disponibilité le jour de réception du produit
Dans l’officine, c’est lui qui a suivi la formation dispensée par Onco Pays de la Loire. Deux fois trois heures de théorie. Le réseau lui a remis un imposant classeur à potasser, comprenant les explications, les protocoles, la charte d’engagement, etc. Bien en vue sur une étagère, il peut être consulté par toute l’équipe. « Je me suis chargé de transmettre l’information à l’équipe », indique Alain Sternchuss. Sylvie, sa femme, Cécile Lescanne et Rosalie Goiset, toutes trois pharmaciennes, sont ainsi aptes à intervenir. « Il est important que la démarche soit validée par des professionnels. En termes de sécurité, nous sommes la dernière barrière », observe Cécile Lescanne qui, bien avant la mise en oeuvre du réseau, s’était formée à l’accompagnement des patients dans la maladie via un enseignement postuniversitaire au centre Gauducheau de Nantes, spécialisé dans le traitement des cancers.
Si la participation au réseau Onco Pays de la Loire est fondée sur le volontariat, elle impose au titulaire six engagements : la prise en charge de tout malade adressé par le réseau, le respect de la prescription, une disponibilité entre 12 et 14 heures le jour de la réception du produit, l’assurance pour tout soin à domicile d’une assistance 24 heures sur 24, sept jours sur sept, l’utilisation du dossier de liaison et le suivi obligatoire des formations dispensées par Onco Pays de la Loire. En contrepartie, le réseau coordonne les soins entre les différents intervenants, met à disposition des procédures de prise en charge, un programme de formation sur la chimiothérapie à domicile, un forfait financier, un dossier de liaison et un code d’accès sécurisé au site Internet, en l’occurrence très bien structuré, documenté et… à jour ! Un engagement réciproque duquel le patient a tout à gagner.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Maintien du patient à domicile, dans son environnement et avec un certain confort.
– Préservation de l’intimité de l’individu.
– La présence de l’infirmer ou du pharmacien rassure le patient.
– S’impliquer dans ce type d’initiative, c’est l’essence même du métier de pharmacien !
– Le coût d’une chimiothérapie à domicile s’élève en moyenne à 330 euros contre 475 euros pour une hospitalisation.
– Ce type de réseau favorise les liens entre le pharmacien, l’infirmière et le patient.
Les difficultés
– Un forfait de prise en charge peu incitatif : 40 euros à la première chimiothérapie, 20 euros pour les renouvellements.
– Le stress du patient à gérer.
– Cela demande une certaine ouverture d’esprit pour s’intéresser à un sujet que l’on ne maîtrise pas forcément, afin de pouvoir répondre aux questions des patients.
Les conseils d’Alain Sternchuss
– « Soyez rigoureux dans la gestion des dossiers et attentif aux délais. »
– « Soyez aussi à l’écoute des patients. »
– « Parlez-en à l’équipe et impliquez-la. »
– « Gérez l’information et les carences de matériel. »
– « Notez tout (nom, numéro de téléphone, heures…) dans des dossiers nominatifs. »
– « Soyez proactif pour vous assurer du bon fonctionnement de la chaîne. »
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