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Les complémentaires s’imposent
Six ans après le rapport Babusiaux qui préconisait l’accès des complémentaires aux données de santé pour moduler les prises aux charge, le bilan positif des expérimentations ouvre la porte en grand à une généralisation du dispositif.
Le 24 septembre, le directeur santé de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) annonçait, lors d’une conférence organisée par les Echos consacrée à l’assurance santé, que l’accès anonymisé aux données de santé par les complémentaires leur permettrait de ne pas augmenter les cotisations… moyennant le paiement d’un ticket modérateur. Le même jour, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) adoptait son rapport 2009 en prenant acte d’« une association plus nette des organismes complémentaires à la gestion des prestations ». Point le plus saillant, « elles ont obtenu le principe de l’accès aux données collectées par les régimes de base pour autant que cet accès ne permette pas de sélection du risque », note le HCAAM en se référant au succès des expérimentations Babusiaux dont le bilan est annexé au rapport. C’est comme si c’était fait… Avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy qui a réitéré cet été son souhait de transferts de charge de la Sécu vers les complémentaires.
Parallèlement, la Mutualité vient de dresser un bilan positif de sa propre expérimentation menée dans trois pharmacies mutualistes et trois officines.
Cette expérimentation avait pour objectif d’analyser la consommation pharmaceutique des adhérents mutualistes. L’accès aux noms des médicaments a permis aux mutuelles de travailler sur l’optimisation des prises en charge et de se pencher sur l’utilité de certains remboursements.
Réallouer 6,2 % des remboursements pharmacie
De quoi mieux choisir ce qu’elles allaient prendre en charge au regard de critères comme le service médical rendu, ou encore simuler le remboursement de certains princeps sur la base du prix du générique. D’après le chiffrage de la Mutualité, « près de 6,2 % du ticket modérateur pharmacie, dont 1,5 % au titre des seuls médicaments génériques », pourrait être employé plus utilement à la prise en charge d’alternatives thérapeutiques jugées plus bénéfiques pour le patient, au financement d’actions d’éducation thérapeutique (maladies chroniques) ou à la réduction des restes à charge pour des prestations très mal remboursées. « A titre d’exemple, pour des personnes souffrant de troubles de la mémoire ou de l’attention, il est plus utile, tel que l’a démontré la HAS en 2006, de prendre en charge des séances de rééducation et de stimulation de la mémoire qu’un vasodilatateur », peut on lire dans le rapport.
Techniquement, les complémentaires auront maintenant les clés pour ne plus être des payeurs aveugles. L’enjeu est important car le poste pharmacie arrive en tête de leurs dépenses. Elles pourraient décider de ne plus copayer du remboursable ou, au contraire, de prendre en charge un produit déremboursé ou bien un acte de conseil pharmaceutique. Voire décider de rembourser par pathologie… La généralisation du dispositif sera en route une fois finalisée la charte de déontologie de la Mutualité.
Un bilan jugé probant par les assureurs
Le bilan des expérimentations d’Axa, Swiss Life (sur le médicament) et Groupama (optique) figure également en annexe du rapport du HCAAM. L’opération d’Axa, « Inédit santé », « construite avec les syndicats de pharmaciens », est d’une autre envergure, associant pas moins de 4 200 officinaux de dix départements et environ 64 000 bénéficiaires. Axa a testé « le remboursement automatique et sécurisé d’un ensemble de médicaments prescrits non pris en charge par les régimes obligatoires, via une garantie supplémentaire gratuite, constituée d’un forfait annuel de 50 euros, offert à chacune des personnes assurées au contrat ». La transmission des codes CIP par les pharmaciens a permis à Axa de constituer une base statistique anonymisée de la consommation de ses clients. L’expérimentation se terminera fin octobre, après quoi la CNIL sera en mesure de répondre à la demande de généralisation de l’assureur.
L’expérimentation Swiss Life, pas encore achevée, explore auprès de 24 pharmacies de Cambrai et de ses alentours et de 2 300 bénéficiaires la voie du « consentement exprès » à travers la remise par l’assuré de la carte à puce Swiss Pass’santé (lisible par les lecteurs Vitale) avant chaque transaction. Cet assureur a fait le choix de conditionner ses prestations à certains actes de prévention. Ainsi, ses assurés sont remboursés dans le cadre d’un forfait spécifique lorsque des médicaments non pris en charge par le régime obligatoire sont prescrits.
En disposant d’une totale liberté contractuelle et de l’accès aux données de la Sécurité sociale, les contrats spécifiques « à valeur ajoutée » risquent de foisonner dans le futur. Choisir son système de couverture complémentaire risque de devenir d’une grande complexité pour les Français
Déremboursements confirmés
A l’heure où nous bouclons, le contenu précis du PLFSS 2010 n’est toujours pas connu (il aura été officialisé jeudi 1er octobre). Le Premier ministre a cependant confirmé en début de semaine la hausse du forfait hospitalier de 16 à 18 euros ainsi que « des mesures d’économies […] comme le déremboursement de médicaments non indispensables » afin « de ne pas augmenter les cotisations en 2010 » (24 MdEuro(s) de déficit en 2009 alors même que l’ONDAM (+ 3,3 %) aura été respecté peu ou prou pour la première fois depuis 15 ans). Une extension du Répertoire associée à une nouvelle baisse des prix des génériques est également probable ainsi qu’une réforme des ALD (même si celle-ci sera post-PLFSS). Côté recettes, la fiscalisation des indemnités journalières sera défendue dans le projet de loi de finance pour 2010. Si l’augmentation de la CSG et des diminutions d’exonérations de cotisations sociales et d’impôt apparaissent désormais inévitables, le gouvernement s’y refuse encore pour l’instant. Pourtant, pour stabiliser la dette à son niveau de 2009, il faudrait une croissance de 3 % sur 5 à 10 ans, estime-t-on…
Quand le reste à charge sera anticonstitutionnel
A peine promus, les transferts vers les complémentaires montrent des limites. Politiques et économiques d’abord : la FFSA ne cesse de répéter qu’ils se traduiront automatiquement par des augmentations de cotisations. La Mutualité prévoyait un + 3,5 %/ + 4 % suite au milliard de charges supplémentaire du PLFSS 2009… Les cotisations ont doublé en 10 ans. On peut donc imaginer que l’accès aux données de santé permettra certes de nouvelles prises en charge vers lesquelles lorgnent les pharmaciens… mais aussi des économies. Pour soigner leur rentabilité ? Pas seulement. L’accroissement du coût des complémentaires pourrait aussi avoir une limite… constitutionnelle !
« Beaucoup de gens se désassureront »
Le rapport du HCAAM publié la semaine dernière explique que « la jurisprudence est en train de faire émerger ce qu’on peut appeler un droit à une couverture suffisante des dépenses de soins, c’est-à-dire, au-delà du droit à l’accès à un système de santé, le droit à une prise en charge collective des dépenses à un niveau suffisant pour garantir à chacun l’accès effectif à des soins de qualité ». Le Conseil d’Etat inclut la souscription d’une complémentaire dans le reste à charge du citoyen. Toute mesure (franchises, dépassements, élévation du prix des mutuelles…), est donc admissible individuellement… tant que l’on n’atteint pas un reste à charge qui, lui, sera à un moment considéré par les juges suprêmes comme un obstacle à l’accès aux soins et contraire à la Constitution de 1946. On comprend l’annonce de Nicolas Sarkozy d’un doublement en 2010 de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire (à 200 Euro(s)).
Car, suivant ce raisonnement, in fine la réponse politique sera le fameux bouclier sanitaire. « Une épée de Damoclès, commentait Stéphane Lecocq, directeur technique santé d’Axa France, à la 8e conférence Assurance santé le 24 septembre. Beaucoup de gens se désassureront. Le temps qu’ils s’aperçoivent que le bouclier ne prend pas en compte le dentaire ou l’optique, le modèle de l’assurance santé aura dû changer radicalement. » Pour l’Eldorado, c’est encore raté. François Silvan
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