Surconsommation des opioïdes : peut-on éviter une crise française ?

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Surconsommation des opioïdes : peut-on éviter une crise française ?

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Publié le 9 avril 2025
Par Yolande Gauthier
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La commission des affaire sociales du Sénat a lancé une mission d’information flash sur les dangers des opioïdes. Son objectif : éviter la transposition en France de la crise des opioïdes américaine, responsable de plus de 100 000 décès par an.

La France est pour le moment plutôt épargnée par le problème. 450 décès par overdose ont été déclarés en 2019, soit 0,67 pour 100 000 habitants vs 21,6 aux Etats-Unis. La force du modèle français repose notamment sur une politique de réduction des risques soutenue par l’Etat, permettant une prise en charge gratuite de tous les patients, et sur la reconnaissance de l‘addictologie en tant que discipline médicale depuis les années 90. Mais l’importante hausse de la consommation de stimulants (cocaïne et métamphétamines) utilisant le fentanyl en produit de coupe inquiète. Ce dérivé de synthèse 50 à 100 fois plus puissant que la morphine, à risque très élevé d’overdose, est en effet le principal responsable de la crise actuellement observée Outre-Atlantique.

Des faiblesses identifiées

La sociologue Marie Jauffret-Roustide, chercheuse à l’Inserm et membre du conseil scientifique de l’Agence européenne des drogues, a mis en garde ce jour les sénateurs : «  Les signaux issus de nos études laissent supposer qu’on est à un moment dangereux sur la préservation de notre modèle français, qui pourrait ensuite nous fragiliser par rapport à une crise possible des overdoses opioïdes ». Elle a identifié plusieurs points de faiblesse, comme la trop faible diffusion de l’antidote naloxone, une augmentation des refus de prescription ou de délivrance des traitements par agonistes opioïdes, mais aussi la paupérisation de la société (l’une des causes de l’épidémie américaine d’overdoses) et un « French paradox entre médicalisation et prohibition qui favorise les attitudes de stigmatisation vis-à-vis des personnes en situation d’addiction ».

Les propositions d’action

L’amélioration de l’accès à la naloxone est primordial, en élargissant sa distribution non seulement aux usagers de drogues mais aussi à leurs familles et amis. « Pour moi la naloxone devrait être associée à toute prescription d’un antalgique opioïde » estime même la sociologue, qui plaide également pour le développement des Haltes Soins addictions évitant de consommer seul, du testing (pour savoir si les drogues consommées renferment du fentanyl), ou encore la lutte contre la stigmatisation des consommateurs via une meilleure formation et information des professionnels de santé, des patients et de leur entourage.

La mission d’information du Sénat poursuit ses auditions et devrait rendre ses conclusions à l’été 2025.

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