« J’ai essayé de mutualiser la livraison entre officines »

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Publié le 16 mai 2020
Par Fabienne Colin
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A Limoges (Haute-Vienne), Yohan Desbordes a tenté de mettre en place un système de livraison mutualisé avec ses confrères installés comme lui en centre-ville.

C’est en écoutant le discours d’Emmanuel Macron sur l’annonce du début du confinement que Yohan Desbordes, titulaire de la pharmacie Gay Lussac à l’enseigne Anton & Willem à Limoges (Haute-Vienne), a eu l’idée d’apporter son aide autour de lui. « Le président a dit de s’organiser avec ses voisins. » Ni une ni deux, l’officinal fait le tour des appartements de l’immeuble où il habite. « Il y a pas mal de personnes âgées, je suis allé leur dire que j’étais pharmacien, que je pouvais aller chercher leurs médicaments ou d’éventuels produits d’hygiène », explique le jeune homme installé depuis 2017 dans une officine du centre de la capitale limousine.

Le lendemain, il diffuse son offre dans l’immeuble d’en face de chez lui, en affichant son numéro de téléphone portable personnel, tout en prenant garde de ne pas mentionner le nom de son officine. « Une dame m’a dit que ça l’intéressait, mais cela a été très mal perçu. Dès le lendemain, un confrère voisin m’appelait pour me menacer de porter plainte contre moi. J’ai pourtant agi seulement dans un contexte de voisinage, pas pour piquer de la clientèle à un autre. »

Un appel resté sans réponse

De là, germe l’idée que les officines du quartier pourraient mutualiser leur service de livraison. « J’ai pensé à envoyer un mail groupé, j’ai appelé le syndicat mais personne n’a répondu », regrette Yohan Desbordes. Le jeune titulaire a même diffusé un appel sur Facebook et Instagram, intitulé « Entraide entre pharmaciens ». « Je pensais qu’on pourrait trouver des étudiants ou deuxtrois employés qui seraient responsables des livraisons pour toutes les pharmacies du centreville. Par exemple, avec trois numéros à appeler pour se faire livrer, avec un système de mail groupé, égrène-t-il en réfléchissant tout haut. J’imagine cela au niveau local. Nous en sommes à la débrouille. »

Les confrères ont montré bien peu d’empressement à répondre. « Le représentant du syndicat départemental m’a téléphoné pour m’informer que certains pensaient à porter plainte. Il n’a porté aucun jugement », précise-t-il. « En fait, j’ai été vexé parce que le président de la République avait dit qu’il fallait organiser les choses avec ses voisins. D’accord, l’officine allie le commerce et la santé, mais nous ne sommes pas toujours en guerre », poursuit le titulaire. Certains internautes ont réagi à son appel pour l’encourager. « Bravo pour cette initiative ! A Paris, certaines pharmacies de quartier ont fait de même ! », raconte un certain « m peee ». « Très belle initiative dans ce contexte où le respect du confinement est on ne peut plus important », renchérit « Tibo Lago ». « Ces internautes sont des étudiants et des salariés d’autres officines, pas des titulaires, croit-il savoir. Je ne comprends toujours pas les réactions épidermiques que cela a pu susciter, mon action était dénuée de malveillance. »

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Il a quand même appelé directement quelques confrères. Certains se sont dits déjà organisés pour livrer, d’autres partants mais rien n’a été mis en place formellement. Seule l’officine avec laquelle il a l’habitude de travailler s’est montrée vraiment prête à collaborer. Quant à Yohan Desbordes, il a continué, lui, à livrer ses patients. Gratuitement.

BIO Yohan Desbordes

2013 Diplôme de l’université de Limoges (Haute-Vienne)

2014-2016 Adjoint à Mayotte et à La Réunion

2017 Titulaire à Limoges