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Des solutions en cascade contre l’incontinence urinaire féminine
Touchant environ 3 millions de Françaises, l’incontinence urinaire « est un handicap, pas une maladie », estime Éric Françoise, président de l’association Parlons pipi sans tabou, la seule en France consacrée à ce sujet. Fardeau quotidien, cette affection demeure mal vécue, et nombreuses sont les personnes touchées à ne pas oser consulter. Pourtant, il existe de nombreuses solutions, quels que soient le type et l’origine de ce trouble.
Parmi les principales formes d’incontinence féminine, celle liée à l’effort survient lors d’un exercice physique, d’un accès de toux ou du port d’une charge. Elle s’explique par un affaiblissement du périnée, lié par exemple au vieillissement ou du fait des accouchements. Autre forme fréquente, celle survenant lors d’une urgence urinaire (urgenturie) est le symptôme d’une hyperactivité vésicale.
En première ligne de prise en charge figurent les mesures hygiénodiététiques, dont la réduction des apports hydriques lorsqu’ils sont trop importants (notamment en fin de journée, afin d’éviter les mictions nocturnes), ou encore l’arrêt du tabac, qui favorise la toux. Autre levier d’action, la diminution du poids : toute perte pondérale de 10 % réduirait de 50 % le nombre de fuites urinaires.
La rééducation périnéale est aussi primordiale. Selon la Dre Sophie Hurel, chirurgienne urologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris), « de nombreuses études de grande taille ont démontré qu’elle marche très bien. La difficulté, c’est de maintenir cet effet au fil du temps. Il faut donc apprendre à pratiquer ces exercices, et s’astreindre à les faire, au moins deux fois par semaine, toute seule chez soi ».
Dispositifs intravaginaux et pessaires
Dans les cas plus compliqués, d’autres mesures peuvent s’imposer. Divers dispositifs intravaginaux permettent d’empêcher les fuites, mais ne sont pas remboursés à ce jour. À la différence des pessaires, indiqués dans la prise en charge du prolapsus (« descente d’organes »), qui bénéficient depuis septembre 2024 d’une prise en charge à hauteur de 45,84 €, avec renouvellement tous les deux ans. Parmi les pessaires, ceux du type dish (ou bol urétral) empêchent, en outre, les fuites urinaires, qui découlent parfois de la correction du prolapsus. Par extension, ils peuvent être prescrits aux femmes souffrant d’incontinence.
« Ces dispositifs sont à proposer à toutes les patientes, mais ils sont plus facilement utilisables et efficaces chez celles qui ne connaissent de gêne que lors d’un exercice sportif. L’âge peut être un frein à leur utilisation : comme avec le pessaire du prolapsus, les personnes en surpoids, souffrant de dysarthries, peuvent avoir des difficultés à le poser. De plus, les jeunes femmes sont plus à l’aise quant au geste de mise en place de ces dispositifs par voie intravaginale », constate la Dre Sandrine Campagne-Loiseau, gynécologue obstétricienne au centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Autre possibilité, l’œstrogénothérapie locale, sous forme de gels, d’ovules ou d’anneaux. Selon Sophie Hurel, « le traitement hormonal de la ménopause (THM) per os est efficace contre les bouffées de chaleur et la prise de poids, mais beaucoup moins contre l’hyperactivité vésicale qui peut découler d’un syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM). À la différence de l’œstrogénothérapie locale, très efficace à cet égard, et qui fonctionne aussi contre l’incontinence liée à l’effort ».
Améliorant la trophicité des tissus, ces traitements locaux présentent un bon profil de sécurité. Seul bémol, la crainte des femmes qui ont subi un cancer hormonodépendant : par prudence, « si la patiente est actuellement atteinte de cette maladie, il est préférable de ne pas utiliser ce traitement. En revanche, si le cancer remonte à plusieurs années, il n’y a pas de contre-indication », explique Sandrine Campagne-Loiseau.
Des médicaments contre l’hyperactivité vésicale
Contre l’hyperactivité vésicale, les anticholinergiques constituent aussi un traitement de première ligne. Selon l’Association française d’urologie (AFU), « ils permettent de diminuer les besoins urgents d’uriner, d’espacer les mictions et de réduire les fuites », mais leur efficacité est « modérée » et ils présentent « de potentiels effets secondaires gênants, comme la constipation, les troubles digestifs et la sécheresse des muqueuses ». Quant aux β3-agonistes comme le mirabégron (Betmiga), « ils revêtent l’avantage de relaxer le muscle vésical et entraînent peu d’effets secondaires, mais ne sont pas remboursés ».
Autre possibilité, la stimulation tibiale, par le biais d’électrodes posées au niveau de la cheville, active le nerf tibial directement relié à la vessie. Très efficace, sans effets secondaires et remboursée, elle peut être contraignante, du fait de la nécessité de séances quotidiennes. Enfin, la neuromodulation des racines sacrées consiste à poser un stimulateur, surnommé « pacemaker de la vessie », sur les racines nerveuses du sacrum, afin de « corriger les messages indésirables qui transitent par ces nerfs, en particulier ceux venant de l’urètre et de la vessie, et rétablir ainsi la communication entre le cerveau et cette dernière », explique l’AFU.
Les bandelettes sous-urétrales dans la tourmente
En cas d’incontinence urinaire à l’effort, la chirurgie s’impose parfois dans les formes les plus sévères. Désormais le gold standard, les bandelettes sous-urétrales, sous forme de treillis en polypropylène, visent à soutenir l’urètre lors de l’effort. Ces dispositifs font l’objet d’une vive polémique, à la suite de la révélation de cas de patientes très douloureuses, parfois plusieurs années après l’opération. Mi-janvier, 111 plaintes pour tromperie aggravée et blessures involontaires, déposées par des femmes opérées pour une incontinence ou un prolapsus, ont été classées sans suite.
Lors de son dernier congrès, fin novembre à Paris, l’AFU redoutait un possible arrêt de commercialisation des bandelettes. Il n’en est rien : fin janvier, l’État a in fine publié une liste de produits autorisés pour une durée de trois ans, après évaluation des données de sécurité. Si les industriels n’ont pas tous jeté l’éponge, comme le craignait l’AFU, le nombre de poses de bandelettes est en chute libre : les ventes ont diminué de moitié entre 2017 et 2023.
Sandrine Campagne-Loiseau observe que « certains chirurgiens, en particulier ceux qui en posaient peu, demeurent réticents. Les patientes aussi émettent des craintes, c’est pour cela qu’il est important de les informer. Si le risque zéro n’existe pas en chirurgie, cet acte présente peu de complications. Quand elles sont graves, elles peuvent être très traumatisantes et invalidantes. Il faut savoir les reconnaître et les prendre en charge, ou adresser les patientes à des centres experts ».
2,5 % de retraits à cinq ans
Les données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) montrent que le taux de retrait de bandelettes sous-urétrales s’élève à 2,5 % à cinq ans en France, et à 2,7 % à dix ans. Selon le Pr Christian Saussine, urologue au CHU de Strasbourg (Bas-Rhin), « quand les bandelettes sont correctement posées et suivies, que les complications sont bien prises en charge, les résultats sont excellents. Mais cela peut être un cauchemar pour certaines patientes. Ce n’est pas la faute de la bandelette, c’est un problème d’évaluation des pratiques, de formation des chirurgiens ».
Autre point critique, le type de bandelette dont on distingue deux types, les tension-free vaginal tapes (TVT) et les trans-obturator tapes (TOT), qui diffèrent par la technique de pose. Les deuxièmes, développées car elles permettent au chirurgien de s’exempter du recours à la cystoscopie, seraient associées à un risque accru de certaines douleurs et s’avèrent aussi plus difficiles à enlever.
Peut-être par souci d’anticipation, l’AFU a mis à l’honneur, lors de son congrès, des méthodes alternatives. Parmi elles, les agents de comblement, d’injection péri-urétrale, qui présentent un moindre risque de complications, mais aussi une moindre efficacité. Très en vogue avant l’avènement des bandelettes, la colposuspension, qui vise également à soutenir l’urètre, présente, quant à elle, un taux de succès moins élevé que celles-ci. Quant aux bandelettes autologues, prélevées à partir de l’aponévrose des muscles grands droits de l’abdomen ou du fascia lata (au niveau de la cuisse), elles pourraient être plus efficaces que les bandelettes synthétiques, mais au prix d’une procédure plus invasive et d’un risque accru de troubles de la vidange vésicale.
À retenir
- Il existe deux formes principales d’incontinence urinaire féminine, celle liée à l’effort et celle due à une hyperactivité vésicale.
- Si les mesures hygiénodiététiques sont essentielles, plusieurs solutions permettent de redevenir continente, dont la rééducation périnéale, les dispositifs intravaginaux, l’œstrogénothérapie locale, les anticholinergiques, etc.
- Dans la tourmente, les bandelettes sous-urétrales sont, de l’avis des spécialistes, la technique la plus efficace et la plus sûre, mais nécessitent une formation, notamment pour reconnaître rapidement les complications.
- Les bandelettes sous-urétrales suscitent un vif débat mais, selon les experts, elles sont la technique la plus efficace et sûre, nécessitant toutefois une formation pour identifier rapidement les complications
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