Biosimilaires : comment trouver un accord gagnant-gagnant ?

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Biosimilaires : comment trouver un accord gagnant-gagnant ?

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Publié le 8 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Organisée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) dans le cadre des Amphis de l’officine le 1er juillet 2025, une table ronde a mis à nu les impasses économiques qui freinent la substitution des biosimilaires en pharmacie de ville. Face à la désaffection croissante des professionnels, les syndicats appellent à un rééquilibrage urgent du cadre conventionnel et logistique.

Sur le papier, les biosimilaires incarnent sans doute l’une des stratégies de santé publique parmi les plus efficaces  : réduction des coûts, accès élargi aux traitements, désengorgement de l’hôpital. Las, dans les faits, la substitution en ville reste marginale. Selon les données présentées par Iqvia, la part de marché des biosimilaires en officine plafonne à 32 %, contre plus de 85 % à l’hôpital. Un paradoxe qui ne s’explique pas par la réticence des pharmaciens, mais par une équation économique désormais défavorable. « On nous demande de jouer un rôle majeur dans la transition vers les biosimilaires, sans aucun levier économique », a résumé Virginie Buisson, présidente du syndicat des pharmaciens de l’Essonne.

Une substitution autorisée… mais non rentable

Depuis 2022, la loi autorise la substitution officinale de certains biosimilaires à l’initiation du traitement, dans un périmètre fixé par arrêté (étanercept, adalimumab, filgrastim, pegfilgrastim entre autres). Mais, sur le terrain, l’effet d’entraînement reste très faible. « On veut pousser à la substitution, mais on l’organise sans incitation et avec un surcroît de travail non rémunéré », tranche Olivier Rozaire, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes. « Ce n’est pas réaliste : le pharmacien doit convaincre le patient, assurer une traçabilité rigoureuse et composer avec des chaînes logistiques peu fiables. »

Jean-François Thébault, vice-président de la Fédération française des diabétiques, en appelle à un sursaut collectif : « Les patients ne refusent pas les biosimilaires. Ils veulent être accompagnés et informés. Mais cela suppose que les pharmaciens aient les moyens de faire ce travail. »

Un modèle économique à bout de souffle

Pour Philippe Besset, président de la FSPF, l’échec actuel du modèle réside dans l’absence de répartition équitable des efforts. « Aujourd’hui, on demande aux pharmaciens de porter la substitution sans marge, sans forfait, sans filet logistique. Ça ne tiendra pas. Nous avons besoin d’une rémunération spécifique, soit via une Rosp biosimilaires, soit via une revalorisation des honoraires sur ces classes. » Le constat est partagé par Salim Ben Khalifa, directeur des affaires publiques de Celltrion, venu défendre le point de vue industriel : « Nous sommes prêts à avancer sur un schéma gagnant-gagnant, mais il faut sortir du modèle purement budgétaire. La logique de prix-plancher imposée par Bercy bloque tout. » La Direction de la sécurité sociale, destinataire directe du message, n’était pas présente à la table ronde.

Logistique, formation, retour produit : des blocages en cascade

Outre la faible rémunération, les obstacles logistiques pèsent lourd dans la balance. Dates de péremption trop courtes, retours produits interdits, livraisons aléatoires, les pharmaciens renoncent souvent à stocker. « Sans possibilité de retour ou de consigne, un médicament à 400 euros devient un risque économique majeur », alerte un titulaire. « Le jour où le patient refuse la délivrance, on ne le recasera pas. »

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Sophie Kelley, responsable des produits de santé à la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), insiste sur la nécessité d’un accompagnement professionnel : « Il faut former les officinaux aux spécificités du marché biologique. Sans cela, la substitution ne décollera pas. » Antoine Collet, directeur des panels chez Iqvia acquiesce : « Le décollage passera par un triptyque : rémunération, sécurisation logistique, et lisibilité contractuelle. »

Un deal à construire avec la CNAM et Bercy

La FSPF avance plusieurs propositions concrètes comme :

– la création d’une Rosp dédiée aux biosimilaires, indexée sur des objectifs par classe thérapeutique.

– la mise en place d’un forfait logistique, couvrant les frais de gestion spécifiques (stockage réfrigéré, traçabilité, temps de conseil).

– l’assouplissement des conditions de retour produit, notamment en cas de refus du patient.

– la mobilisation des URPS pour des campagnes de formation ciblées sur les biosimilaires et leur dispensation.

Sans le feu vert de Bercy, rien n’avancera. « Si l’État veut des économies sur les biologiques, il va falloir passer un contrat clair avec la profession », avertit Philippe Besset. Le député et pharmacien Bertrand Bouyx, présent lors de la table ronde, s’est engagé à porter la question à l’Assemblée nationale : « La substitution biosimilaire est une chance pour notre système de santé. Encore faut-il qu’elle ne repose pas sur le seul effort des pharmaciens. »

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