Pourquoi vacciner tous les bébés contre le méningocoque B ?

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Publié le 25 août 2021
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Le 3 juin, la Haute Autorité de santé a recommandé de vacciner tous les nourrissons contre les méningocoques de type B. L’AMM et le schéma vaccinal devraient entériner ce changement.

Qu’est-ce que le méningocoque B ?

C’est l’un des douze sérogroupes décrits de méningocoque, nom donné à la bactérie Neisseria meningitidis. En France, où circulent surtout les sérogroupes C et B, le méningocoque B est responsable de la majorité des infections. Environ 15 % de la population(1) en est porteuse saine dans l’oropharynx. Sa transmission via les sécrétions oropharyngées peut provoquer des infections localisées, telles des pharyngites, et invasives, comme des septicémies ou des méningites. Le méningocoque B est la principale cause de méningites bactériennes, potentiellement mortelles ou responsables de séquelles chez le nourrisson : paralysie oculaire, perte de l’audition, déficit intellectuel…

Est-ce fréquent(2) ?

Après une baisse de raison inconnue entre 2006 et 2013, le taux de déclaration des infections invasives à méningocoque B s’est stabilisé à 0,36 cas pour 100 000 habitants en 2019. Le taux de mortalité est compris entre 9 et 12 %, celui des séquelles précoces autour de 6 %. Plus de 70 % des cas touchent les nourrissons et les moins de 5 ans, chez qui 88 cas, dont 3 décès, ont été enregistrés en 2019. Il y a eu une forte chute en 2020, liée aux mesures barrières et aux confinements.

Jusqu’ici, à qui était recommandée la vaccination ?

Elle ciblait les individus à risque élevé de contracter une infection invasive à méningocoque B* et leur entourage familial à partir de l’âge de 2 mois, ou des situations épidémiques lors de cas groupés. Le vaccin Bexsero, dirigé contre la plupart des souches de méningocoques B, était pris en charge dans ce cadre. Hors cadre, les parents ou les mutuelles doivent financer ce vaccin.

Que recommande la HAS ?

Suite à la réévaluation de la stratégie de prévention des infections invasives au méningocoque B (IMM, voir Repères), la Haute Autorité de santé recommande(2) de vacciner tous les nourrissons en utilisant Bexsero selon le schéma habituel (voir Repères). Elle rejoint les préconisations en vigueur dans d’autres pays tels que l’Irlande, l’Italie ou le Royaume-Uni depuis 2015.

Pourquoi cette généralisation ?

Outre la vulnérabilité de cette classe d’âge et la gravité des IMM, la HAS avance l’impact positif de la vaccination généralisée dans d’autres pays, le constat d’une immunité vaccinale qui perdure jusqu’à 4 ans et la simplification du schéma vaccinal depuis 2018. Argument supplémentaire, le vaccin ne confère pas d’immunité de groupe car il ne diminue pas le portage de la bactérie. Pour le Pr Élisabeth Bouvet (voir Experte), une situation paradoxale imposait par ailleurs de revoir les recommandations : « On a un vaccin efficace pour une maladie grave qui touche les nourrissons. Certains sont vaccinés sur conseil de leur médecin, d’autres non, la prise en charge reste très ciblée, ce qui crée des inégalités ». Enfin, la réduction conjoncturelle de la circulation des méningocoques liée à la Covid-19 fait craindre une reprise épidémique lors du retour à la « vie normale ». « Les mesures barrières entraînent une diminution du portage des bactéries ORL, donc une baisse de l’immunité de la population, ce qui laisse la possibilité à une souche émergente de méningocoque de se développer. C’est hypothétique, mais on doit être prudent et anticiper ».

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Et en pratique ?

La Commission de la transparence de la HAS(3) considère que Bexsero doit être utilisé selon les nouvelles recommandations vaccinales de juin. Dans ce cadre, elle donne un avis favorable à son remboursement, qui requiert encore un accord de l’Assurance maladie. La HAS demande une négociation sur le prix du vaccin – fixé à plus de 84 € la dose – pour améliorer le rapport coût/bénéfice du programme de vaccination, qui cible une infection grave mais à faible incidence. Enfin, le schéma vaccinal (co-administration avec les vaccins obligatoires, rattrapage…) reste à définir. « Ils seront au plus tard intégrés au calendrier vaccinal 2022 », précise Élisabeth Bouvet.

(1) Méningocoques, la maladie, site Internet Infovac, mai 2021.

(2) Stratégie de vaccination pour la prévention des infections invasives à méningocoques : le sérogroupe B et la place de Bexsero, Recommandations HAS, juin 2021.

(*) Exemples : personnes porteuses d’un déficit en fraction terminale du complément, sous éculizumab ou ravulizumab, aspléniques, après une greffe de cellules souches hématopoïétiques…

(3) Avis du 7 août 2021.

NOTRE EXPERTE INTERROGÉE

→ Pr Élisabeth Bouvet, infectiologue à l’hôpital Bichat, présidente de la Commission technique des vaccinations (CTV) à la Haute Autorité de santé (HAS).

Repères

→ 2013 : AMM de Bexsero pour l’immunisation contre les infections invasives à méningocoque B (IMM). Recommandations ciblées chez les personnes à risque, leur entourage et en cas d’épidémie.

→ 2018 : schéma modifié de la primo-vaccination des nourrissons à deux doses au lieu de trois.

→ 2020 : auto-saisine de la HAS pour réviser la stratégie de prévention des infections invasives à méningocoque B.

→ 3 juin 2021 : recommandations de la HAS pour la vaccination chez tous les nourrissons.

→ 7 août 2021 : avis de la Commission de la transparence de la HAS en faveur du remboursement de Bexsero.