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Pourquoi les médecins boudent la RTU du baclofène ?
L’ANSM a publié
Quel est ce dispositif de suivi ?
Le protocole de suivi de la RTU instaure le recueil des données d’efficacité et de sécurité dans les conditions réelles d’utilisation. Les prescripteurs sont invités à enregistrer leurs patients et ces données via le portail électronique www.rtubaclofene.org. La synthèse régulière des données, présentée par l’ANSM, a pour but de compléter les essais cliniques en cours sur le baclofène.
Que dit la première synthèse ?
Elle concerne les six premiers mois de la RTU, entre le 14 mars et le 16 septembre 2014. Elle dénombre 3 570 patients enregistrés par 679 médecins, majoritairement des généralistes. Ces patients sont des hommes à 70 %, d’âge moyen de 48?ans. Ceux enregistrés en initiation de traitement (39 %) le sont surtout dans l’indication « réduction majeure de la consommation d’alcool » (voir repères).
Comment sont les résultats d’efficacité ?
Plutôt encourageants. Sur les 2 032 patients ayant effectué au moins une visite de suivi lors de ces six mois, la consommation d’alcool est en moyenne de 56 g par jour en initiation de traitement et de 15 g chez ceux déjà sous baclofène avant la RTU. En initiation, le score de craving (besoin irrépressible de consommer) a évolué favorablement chez 74 % des patients. 32 % étaient abstinents lors de leur dernière visite (contre 12 % en début de traitement). Par ailleurs, 163?patients (8 %) ont arrêté le traitement.
Quelles sont les données de sécurité ?
487 patients enregistrés, soit 14 %, ont rapporté au moins un effet indésirable, possiblement lié au baclofène pour 9 % d’entre eux. Les plus fréquents sont des troubles neurologiques (3,9 %), notamment des convulsions (0,2 %), et psychiatriques (2,9 %), dont troubles anxieux (0,5 %) et dépressifs.
Cette première synthèse est-elle mitigée ?
Ces données « en vie réelle » ne sont guère représentatives car même s’il est passé à plus de 5 000 en mars 2015, le nombre de patients enregistrés sur le portail est restreint, bien loin des plus de 33 000 patients sous baclofène dans cette indication en 2012(2). L’ANSM appelle donc les prescripteurs à jouer le jeu et rappelle que « […] le recueil de données d’efficacité et de sécurité via le portail électronique est nécessaire ». Pour l’ANSM, l’adhésion insuffisante pourrait être liée à plusieurs facteurs : aspect chronophage de la saisie des données dans le portail électronique, voire méconnaissance du dispositif.
Qu’en pensent les prescripteurs ?
Le Dr Bernard Joussaume, l’un des prescripteurs « pionniers », bien avant la RTU, n’est pas étonné du « peu de retombées de cette enquête que l’on promettait somptueuse ». L’intérêt de la RTU était d’avoir une large étude du traitement dans « la vraie vie », par les médecins de famille, les plus proches de leurs patients, mais la prescription est presque impossible. Outre la contrainte du dispositif de suivi, le médecin pointe les incohérences du protocole, notamment de devoir solliciter l’avis d’un « médecin expérimenté » (voir repères) au-delà de 120 mg/j et un avis collégial à partir de 180 mg/j, dose couramment atteinte. « Quel est le degré de coercition du terme “vous devez” ? Pourquoi un généraliste ne pourrait pas être expérimenté ? Hormis quelques rares Csapa(3) en France, aucun n’admet le baclofène dans la prise en charge de l’alcoolisme, encore moins les centres hospitaliers, et n’a donc l’expérience requise ! » Résultat : les patients qui ont initié le traitement ont de grandes chances qu’il soit stoppé dans ces structures. « C’est plus que décourageant pour les généralistes qui veulent mettre en route et suivre cette prise en charge ».
Une modification des conditions de la RTU est-elle possible ?
L’ANSM l’envisage et réfléchit à la mise en place d’un assouplissement des modalités du protocole RTU afin d’améliorer l’adhésion des prescripteurs à ce dispositif.
(1) RTU baclofène : premières données collectées et rappels sur les modalités de prescription , ANSM, 20 mars 2015.
(2) Colloque Place du baclofène aujourd’hui dans la lutte contre l’alcoolisme du 3 juin 2013 de la Cnam-TS, mais le chiffre consolidé n’a pas encore été communiqué par l’Assurance maladie pour 2015. Les patients traités seraient plus de 50 000 d’après les données de terrain.
(3) Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie.
NOS EXPERTS INTERROGÉS
Dr Bernard Joussaume, médecin généraliste (83), fondateur et ex-président de l’association Aubes.
L’ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
L’Assurance maladie.
Repères
→ Date d’obtention de la RTU du baclofène : 14 mars 2014.
→ Deux indications : aide au maintien de l’abstinence après un sevrage chez des patients dépendants à l’alcool et en échec des thérapeutiques disponibles ; réduction majeure de la consommation d’alcool chez des alcoolodépendants à haut risque et en échec des autres thérapeutiques.
→ Prise en charge : oui si l’ordonnance comporte la mention « Prescription sous RTU ».
→ Posologie > 120 mg/j : solliciter un deuxième avis auprès d’un collègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolodépendance (psychiatre, addictologue, médecin exerçant en Csapa(3)).
→ À partir de 180 mg/j : l’avis collégial au sein d’un Csapa ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est nécessaire.
À savoir : 10 g d’alcool pur = 25 cl de bière ou de cidre à 6° = 12,5 cl de vin ou de champagne à 11° = 2 cl de pastis ou de digestif à 45° = 3 cl de whisky à 40° = 6 cl d’apéritif à 20°.
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