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Les subtilités des clauses du contrat de travail
Le contrat de travail est parfois perçu comme un document pompeux aux termes barbares. Il est pourtant celui qui conditionne vos rapports de travail. Parce qu’un officinal averti en vaut deux, Porphyre décrypte pour vous les clauses utiles et complexes du contrat de travail en officine.
Clause d’exclusivité, de non-concurrence, de discrétion… Vous croisez parfois ces mots dans votre quotidien ou vous les avez lus dans votre contrat de travail, sans en cerner précisément les contours. Ce contrat peut prévoir des obligations particulières. Certaines libertés du salarié peuvent ainsi se voir limitées au profit des intérêts de l’entreprise… Mais pas sans conditions, ni contreparties, le Code du travail y veille. La relation de travail doit toujours apparaître équilibrée. Ainsi, lorsqu’une clause crée un déséquilibre significatif au détriment des droits du salarié, elle est dite « abusive » et peut être frappée de nullité. Faisons le point sur les subtilités des clauses « à problème » et sur celles qui facilitent la vie au travail.
Quelques basiques…
Question temps de travail, pas de risque en cas d’embauche à plein temps. Mais s’il s’agit d’un temps partiel, la durée de travail hebdomadaire doit être précisée dans le contrat. À défaut, « le salarié est considéré embauché à plein temps », met en garde Thomas Morgenroth, professeur en économie, gestion et responsable du diplôme universitaire de gestion officinale à la faculté de pharmacie de Lille (59). Inutile, en revanche, d’entrer dans le détail des horaires dans le contrat, ce qui les figerait. « Le titulaire ne pourrait plus modifier les plannings sans recueillir l’accord du salarié », précise le professeur.
À l’embauche, la clause prévoyant de débuter le contrat par une période d’essai doit aussi respecter la législation en vigueur. « Envisager une période d’essai renouvelable n’est pas autorisé par la loi, pose Thomas Morgenroth. Depuis 2008, les conventions collectives ont la possibilité de le prévoir mais celle de la pharmacie d’officine ne l’a pas fait ». En clair, la période d’essai d’un préparateur en CDI s’étale sur un mois maximum, ou sur quatre mois en cas de recrutement sur un statut de cadre. Le contrat ne peut pas opter pour une période d’essai de deux semaines renouvelable une fois, ou de deux mois renouvelables dans le cas d’un cadre. La sanction serait sans appel. « Si la clause stipulait un renouvellement, elle serait réputée non écrite, précise Thomas Morgenroth. En pratique, le salarié serait donc embauché en CDI dès son premier jour de travail ».
Missions particulières
Le code de la santé publique ne détaille pas précisément les missions du préparateur. Mais il indique que ces collaborateurs sont les « seuls autorisés à seconder le titulaire de l’officine et les pharmaciens qui l’assistent dans la préparation et la délivrance au public des médicaments destinés à la médecine humaine et à la médecine vétérinaire ». Rien ne sert de lister précisément l’activité de préparation ou de délivrance dans le contrat de travail. En revanche, « il peut être intéressant, pour le préparateur, de demander l’inscription au contrat de ses responsabilités particulières, comme la tenue d’un rayon », estime Thomas Morgenroth. L’objectif étant d’entériner, et donc de garantir la pérennité de la mission. Quant aux livraisons régulièrement effectuées au domicile des patients, leurs modalités peuvent être rappelées dans le contrat. « Il faut savoir que l’utilisation du véhicule personnel ne peut pas être imposée au salarié, informe Thomas Morgenroth. Et dans tous les cas, elle doit être dédommagée. Le temps nécessaire à la livraison doit également être rémunéré ». Si le salarié la réalise sur son trajet de retour, il doit donc être autorisé à quitter l’officine un peu plus tôt… ou bénéficier d’un complément de rémunération. Les accidents survenus sur ce parcours sont couverts par la législation régissant les accidents de trajet.
Clause de discrétion
Chez les professionnels de santé, le secret est souvent un réflexe, mais tous les préparateurs n’ont pas forcément connaissance de l’ampleur de cette obligation. Un exemple ? La publication, quinze ans après sa délivrance, d’une ordonnance nominative sur un groupe Facebook de préparateurs est à proscrire. Le secret professionnel n’est pas sujet à prescription. Le code pénal punit sa violation d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende et ni le support de publication, ni l’écoulement du temps, ni même la rupture du contrat de travail entre-temps ne justifient la levée du secret. Seuls les cas prévus par la loi le permettent (voir encadré p. 26).
De son côté, le code de la santé publique impose au pharmacien de « veiller à ce que ses collaborateurs soient informés de leurs obligations en matière de secret professionnel et à ce qu’ils s’y conforment ». Inclure une clause de discrétion dans le contrat de travail est donc un moyen d’informer le salarié et de répondre à cette obligation. De façon générale, « la clause de discrétion sert aussi, et surtout, à protéger un savoir-faire de l’entreprise », ajoute Maître Nathalie Lailler, avocate en droit social au barreau de Caen (14). Le code de déontologie du pharmacien interdit d’ailleurs aux adjoints de « faire usage de documents ou d’informations à caractère interne dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions chez son ancien employeur ou maître de stage, sauf accord exprès de ce dernier ». Quant aux préparateurs, ils sont tenus par une obligation de loyauté envers leur employeur. « Le respect de la clause de discrétion est une obligation absolue sans contrepartie financière, prévient ainsi Maître Nathalie Lailler. Son non-respect constitue une faute dont la gravité peut justifier un licenciement ».
Clause d’exclusivité et loyauté
La clause d’exclusivité interdit quant à elle d’exercer toute autre activité salariée rémunérée en plus de la première. Elle ne donne lieu à aucune compensation financière et son non-respect peut entraîner un licenciement. La clause est toutefois soumise à trois conditions cumulatives. Elle doit être indispensable à la protection légitime des intérêts de l’entreprise, justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché. La clause d’exclusivité ne peut figurer que dans les contrats à temps plein. Les préparateurs sont rarement concernés par cette clause. Ils sont d’ailleurs plus d’un à exercer une activité salariée en parallèle de leur emploi en pharmacie (service en restauration, barmaid, etc, voir Porphyre n° 511 d’avril 2015). Ils y sont autorisés, dans la mesure où la seconde activité ne concurrence pas la première (voir encadré). L’absence de clause d’exclusivité dans son contrat ne le dispense pas d’en informer le titulaire en vertu de ses obligations de transparence et de loyauté.
Respecter la durée de travail
Le préparateur doit aussi veiller à ne pas dépasser la durée maximale de travail (10 heures par jour, 44 heures sur une période de douze semaines consécutives, sans aller au-delà de 48 heures par semaine) et les temps de repos minimum (11 heures consécutives par jour et 35 heures consécutives par semaine). « Une clause informative peut être utile afin de lui rappeler ces éléments », estime Thomas Morgenroth. Le titulaire est d’ailleurs en droit de lui réclamer les documents attestant que la durée maximale de travail est respectée. Le salarié qui s’y refuse commet une faute grave. Et pour cause, en cas de dépassement du temps de travail, employeur et salarié risquent chacun jusqu’à 1 500 € d’amende… Et 3 000 € en cas de récidive.
Si l’employeur constate ce non-respect, documents à l’appui, « il doit mettre en demeure le salarié de choisir, après un délai suffisant, celle des deux activités qu’il souhaite conserver. Le salarié qui refuse de choisir peut être licencié », développe Maître Nathalie Lailler. Et de rappeler que « l’employeur est tenu par une obligation de sécurité de résultat ». L’avocate évoque, à ce titre, le cas d’un employé de nuit licencié par sa société, en raison d’une seconde activité qui ne lui permettait pas de profiter d’un temps de repos nécessaire. « En cas d’accident du travail, l’employeur doit en effet prouver qu’il a tout fait pour l’éviter », explique Thomas Morgenroth.
Obligation de non-concurrence
La clause de non-concurrence interdit au salarié d’exercer une activité équivalente après la fin de son contrat, que ce soit à son compte ou chez un autre employeur. Pour être valable, cette clause doit être justifiée par la protection des intérêts de l’entreprise, par exemple, en cas de contact direct avec la clientèle, limitée dans le temps, et dans l’espace avec une zone géographique déterminée. Elle ne doit viser qu’une seule activité et donne lieu à une contrepartie financière non dérisoire, et non conditionnée. En pratique, pour un préparateur, « au regard du maillage officinal, la clause de non-concurrence ne peut pas couvrir une région entière, ni même un département », estime Thomas Morgenroth. Question durée, « le code de déontologie interdit aux adjoints de s’installer dans les deux ans qui suivent la fin de leur contrat si cette installation risque de concurrencer directement leur ancien employeur. Pour un préparateur, la durée de la clause de non-concurrence devrait donc être inférieure à deux ans ». Quant à la rétribution financière, elle n’est pas prévue par la loi. Elle est donc évaluée au cas par cas. Thomas Morgenroth la chiffre à 15 ou 20 % du salaire. Selon Maître Nathalie Lailler, elle atteindrait plutôt les 20 à 30 %, voire un tiers de la rémunération dans certains cas. Cette indemnité est versée après la fin du contrat, au fur et à mesure que la clause est respectée par le salarié. Elle est cumulable avec l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
Non-respect et levée
En officine, « les clauses de non-concurrence sont parfois imposées par l’employeur sans en respecter toutes les conditions, ce qui les frappe de nullité », note Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche officine à la fédération nationale Force ouvrière des métiers de la pharmacie. Mais le cas le plus fréquent est « celui du salarié empêché par son patron d’aller travailler 3 kilomètres plus loin, ajoute le syndicaliste. Aucune interdiction de ce type ne peut voir le jour sans qu’une clause de non-concurrence ait été signée à l’embauche ! » Le rajout de la clause est possible en cours de contrat mais pas sans l’accord du salarié. À l’inverse, l’employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence à n’importe quel moment, à condition de respecter les conditions fixées dans le contrat : délai d’information du salarié, etc. À défaut, il devra s’acquitter de l’indemnité financière prévue. Sa décision doit être claire, non équivoque et notifiée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si l’employeur n’a pas renoncé à la clause dans les conditions requises mais qu’il ne verse pas l’indemnité financière, le salarié est libéré de son obligation de non-concurrence. Le juge prud’hommal pourra obliger l’employeur à lui verser la somme prévue pour le temps durant lequel la clause a été respectée, ainsi que des dommages et intérêts.
En revanche, « l’employeur peut s’exonérer du paiement de l’indemnité s’il démontre que le salarié travaille chez un concurrent visé par la clause », précise Maître Nathalie Lailler. « Le contrat peut contenir une clause pénale qui prévoit une évaluation du préjudice et des dommages et intérêts à payer », précise Thomas Morgenroth. Une clause dont l’objectif est surtout dissuasif.
Le saviez-vous ?
Il existe des clauses interdites, car jugées contraires à l’ordre public. C’est notamment le cas de la clause de célibat, des clauses discriminatoires attribuant des avantages selon l’appartenance ethnique, la religion, l’apparence physique, etc., de la clause compromissoire (qui interdit le recours aux Prud’hommes en cas de litige), de celle qui prévoit une rémunération inférieure au Smic, ou une indexation sur le niveau général des prix ou des salaires sans rapport avec l’activité de la société. Idem pour les clauses stipulant une sanction pécuniaire ou une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur (sans accord du salarié).
Les textes de référence
Code de la santé publique
Art. L. 4241-1 sur les missions du préparateur.
Art. R. 4235-5 sur le secret professionnel des pharmaciens et leur devoir d’informer leurs collaborateurs.
Code du travail
Art. L. 3121-35 à L. 3121-37 sur la durée légale du travail. Art. R 3124-11 sur les sanctions en cas de non respect de la durée légale de travail.
Art. L 1222-1 sur l’application de bonne foi du contrat de travail (de laquelle découle l’obligation de loyauté).
Code pénal
Art. 226-13 sur les sanctions en cas de violation du secret professionnel.
Art. 226-14 sur les cas de levée du secret professionnel.
Bien choisir son second métier
Toutes les activités professionnelles ne sont pas compatibles avec le métier de préparateur. Mieux vaut maîtriser les interdictions et choisir son éventuelle seconde activité en connaissance de cause.
Certains métiers ne sont pas comptabilisés dans le calcul de la durée de travail et peuvent donc être exercés sans risques :
• les emplois non salariés ;
• les travaux scientifiques, littéraires ou artistiques et les concours apportés aux œuvres d’intérêt général (d’enseignement, d’éducation, de bienfaisance, etc.) ;
• les travaux accomplis pour son compte, ou à titre gratuit sous forme d’entraide bénévole ;
• les petits travaux ménagers accomplis chez des particuliers pour leurs besoins personnels ;
• les travaux d’extrême urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage.
La création ou la reprise d’entreprise permet de passer outre la clause d’exclusivité présente dans le contrat de travail, pendant un an.
L’obligation de loyauté interdit au salarié d’exercer une activité concurrente de celle de son employeur (exemple : création d’une société de matériel de maintien à domicile alors que la pharmacie de l’employeur dispose d’un rayon MAD, etc.). Selon Maître Nathalie Lailler, le cumul d’emplois de préparateur dans plusieurs officines n’entre pas dans la catégorie d’activités concurrentielles.
Les mentions obligatoires du CDD
Contrairement au contrat à durée indéterminée (CDI) à temps complet qui peut être oral, le contrat à durée déterminée (CDD) est obligatoirement formalisé par écrit.
Il comporte, au minimum, les mentions suivantes.
• Définition précise du motif.
• Nom et qualification du salarié remplacé, le cas échéant.
• Date de fin de contrat/durée minimale en cas de terme incertain.
• Poste de travail occupé et, le cas échéant, mention du fait que le poste figure sur la liste de ceux qui présentent des risques particuliers pour la santé et la sécurité.
Convention collective applicable
• Durée de la période d’essai, le cas échéant.
• Montant de la rémunération, des primes et accessoires de salaire.
• Nom et adresse de la caisse de retraite complémentaire et, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance.
Source : http://bit.ly/1Q9ek6m
3 infos à connaître sur le secret professionnel
1. Le code pénal dispose que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». L’article L 4241-1 du code de la santé publique précise que la responsabilité pénale des préparateurs demeure engagée. En cas de violation du secret professionnel, les préparateurs ne sont donc pas couverts par leur employeur.
2. Le secret professionnel couvre non seulement les données de santé du patient, mais aussi toutes les informations relevant de sa vie privée : identité, origine ethnique, vie familiale et sentimentale, etc.
3. Le secret professionnel ne peut être levé que dans les cas listés par la loi :
• entre professionnels de santé intervenant dans la prise en charge du patient, afin d’en favoriser la coordination ;
• en cas de sévices ou de privations sur mineur ou sur une personne vulnérable ;
• en cas de détention d’arme par une personne et qui présenterait un danger pour la personne elle-même ou pour autrui.
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